mercredi 29 février 2012

Uno, dos, pato con arroz!

Jolie chanson enfantine... et plat simple mais inévitable! Le canard, je ne sais pas pourquoi, me rappelle la Bolivie. Sans doute parce que là-bas c'est un plat de fête, du dimanche, d'anniversaire, on n'en mange pas tous les jours. Ceci dit, vu le prix, en France non plus. Il n'y avait pas de fête aujourd'hui, pas d'anniversaire non plus, juste une envie créative qui une fois de plus a envahi ma cuisine.
Canard sanguin et son duo de céréales (ça fait très chic comme titre, non?)
Pour 4 personnes:
- faire revenir, dorer dans l'huile d'olive 4 cuisses de canard.
- une fois que les cuisses sont dorées, recouvrir de jus d'oranges sanguines pressées, un peu "arrangé":
pour le jus:
- 4 oranges sanguines pressées (bien juteuses)
- 1 citron vert pressé
- 1 cuillère à café (généreuse) de canelle
- sel, poivre
- les écorces d'une orange et d'un citron (toujours sanguine et vert)
Recouvrir le canard du jus, donc, et laisser mijoter à feu doux pendant une grosses heure, en retournant les cuisses de temps en temps.
Servir avec un mélange de quinoa rouge et riz blanc. Arroser copieusement de jus et d'écorces...
Comme disait mon grand-père, "le p'tit Jésus en culotte de velours"... dont je n'ai jamais compris le sens d'ailleurs...

lundi 27 février 2012

L'élégance du hérisson

Muriel Barbery, L'élégance du hérisson, 2006.
Encore un bon bouquin que m'avait conseillé quelqu'un qui me veut du bien, et ça a fonctionné, ça a fait son petit effet. J'avais beaucoup entendu parler de ce roman mais je n'étais à l'époque pas du tout inspirée par ce que tout le monde lisait. Envie de me démarquer, surtout plongée dans la littérature latino-américaine ou espagnole (ou comment des profs de français peuvent vous fâcher pendant de longues années avec la littérature française).
Le concept est assez original, puisque deux récits, deux "journaux", s'entrecroisent tout au long du roman: celui de Renée, la concierge et celui de Paloma, une jeune fille de 12 ans. L'une, employée dans un immeuble bourgeois de la rue de Grenelle, se cache derrière le masque et le costume de la parfaite concierge bourrue et ignorante pour assouvir à l'abri des regards sa passion pour la littérature, le cinéma, la philosophie et sa soif de connaissances. L'autre est en plein malaise adolescent, entre un père homme politique, une mère dépressive et une soeur insupportable et, lasse de chercher en vain le sens de cette vie, projette de se suicider le jour de ses 13 ans. La vie s'écoule de la sorte, entre mascarades, mensonges et ignorance de l'autre, jusqu'à ce qu'un respectable monsieur japonais vienne s'installer dans l'immeuble. Alors, les masques commencent à vaciller et à tomber peu à peu pour découvrir la réalité, l'essence de chacun, et en particulier de nos deux protagonistes féminines. C'est le sens de la vie et la beauté du monde qui se révèlent, la poésie du quotidien, l'éternité dans l'instant présent.
Je reconnais que, contrairement à d'autres romans (comme par exemple La délicatesse de David Foenkinos que j'ai lu récemment et dont je ne vous dirais rien parce qu'il est parfois des livres qui nous touchent trop pour qu'on puisse les commenter), celui-ci m'a un peu gênée par son style. Par moments, ces deux journaux croisés pèchent par un style trop pompeux, pas suffisamment réaliste parce que trop littéraire justement, notamment par rapport aux 12 ans de la jeune Paloma. Par ailleurs, certaines réflexions de Renée, la concierge, se perdent tellement dans des explications philosophiques précises que la pauvre finit parfois par ressembler à un prétexte pour aborder des questions existentielles, pour que l'auteur exprime sa science sur le sujet. Il faut dire que je ne suis pas du tout spécialiste et que j'avoue avoir perdu le fil de certaines idées.
L'élégance du hérisson reste cependant un excellent roman, extrêmement poétique, un moment de lecture délicieux et un clin d'oeil qui pose question au lecteur sur sa propre capacité à savourer ou non la beauté de l'instant. Pour enfin vivre pleinement et assumer ce que nous sommes. Vaste programme que ce saut dans le vide...

samedi 25 février 2012

Réflexions virtuelles

Avertissement: Attention, cher lecteur, une fois n'est pas coutume, en lisant ce billet tu pourrais imaginer te trouver en présence d'une séquence "je raconte ma vie".
Je viens de m'inscrire sur un forum de discussion (non, l'ami, même sous la torture je ne te dirai pas de quoi il s'agit), après maintes réflexions et plusieurs semaines d'hésitation. Le virtuel, ça effraie parfois. Mais d'autres fois, ça rassure aussi. Je m'explique. Quand je crée ce blog en 2006 (déjà?, diras-tu, quoique un peu hypocritement peut-être), je me dis que c'est pour parler des sujets qui m'intéressent, m'entraîner à faire des minis reportages. En aucun cas pour raconter ma vie privée, censure familiale oblige, c'était la condition première. Et c'est tout à fait normal. Quoi de plus ennuyeux qu'un blog où la personne décrit ses moindres faits et gestes, à quelle heure elle se lève, si ses enfants ont la gastro ou encore ce qu'elle prend au petit déjeuner. J'ai envie de dire, on s'en fiche, il y a Facebook pour ça (et encore). Ce qui m'intéressait, mes "modèles", c'était des blogs informatifs, de voyage, de cuisine, de poésie, des pages accueillantes à la lecture desquelles on apprend quelque chose, on découvre, on savoure, on s'enrichit, sans avoir jamais l'impression d'entrer dans la vie de l'autre. Et puis, le but était tout avoué: "rencontrer des gens", échanger sur des sujets qui me passionnaient, "avoir des lecteurs". Pourquoi, sinon pour se donner une petite importance, attention, pas aux yeux du monde, non, juste à soi-même. Le blog, c'est très confortable. On se fait mousser, on reçoit des commentaires, des mails, des critiques, parfois des insultes, en ayant toujours le choix, l'avantage de pouvoir se cacher derrière son écran en cas de discussion trop brûlante suite à une énième provocation. Parfois, cela a du bon. Je me souviens d'un échange façon ping-pong au sujet d'un certain camba qui affirmait que l'Atlantide se serait trouvée dans la région de Santa Cruz en Bolivie. Au début, on s'amuse de ces réponses au jour le jour, du tac au tac, de ces arguments lancés et réfutés, de ces réponses parfois piquantes, voir agressives. Et puis, à un certain moment, on dit "stop", parce que l'échange n'est plus de la discussion mais de l'attaque, parce qu'il sort de l'ordinateur pour venir coloniser votre esprit à longueur de journée. Alors, ce n'est plus de la rencontre. Lasse de ces conversations qui n'en sont pas, je coupe maintenant court aux commentaires qui me semblent insultants, déplacés, hors sujet. Au lieu de répondre, je laisse filer, parce que l'intérêt du blog n'est pas là. La rencontre est ailleurs.
La magie, ce sont les lecteurs lorsqu'on les découvre en chair et en os. Qui me lit? Oui, on connaît bien leur nom, leur pseudo, mais leur visage? Pour la plupart, on ne les reconnaîtrait pas dans la rue. Alors oui, ça protège, le blog, l'écran, mais non, le virtuel, s'il le reste, ça n'enrichit pas tant que cela. Je me souviens de plusieurs rencontres marquantes, de lecteurs. Je me rappelle avoir douté face à cette invitation à Paris. Boire un verre, mais qui est-ce? Je connais son pseudo, mais est-ce un homme? Une femme? Jeune? Vieux? La personne correspond-elle à ce qu'elle écrit? Et puis j'avais découvert un jeune homme souriant, entre deux missions au bout du monde, un vrai gentil, un humain dans ce qu'il y a de plus humain, une belle rencontre. Ensuite, il y en a eu d'autres, dont certains sont devenus de véritables amis (et ils sont rares). Je n'avais jamais imaginé que les amitiés puissent naître dans mon ordinateur, et puis si. Parce que sur ce blog je sème des petites graines, et que certains les cueillent, c'est amusant. Pour ce qui est du blog, je "maîtrise" les rencontres, le passage du virtuel au réel, parce qu'un thème, un sujet, une idée nous rapproche. On se rencontre "parce que". Parce que la Bolivie, parce que la randonnée, parce que la musique surtout. Mais sur d'autres supports virtuels, c'est tout autre chose, une autre paire de manches.
Dans ce cas là, on ne peut se cacher derrière rien. On y va tout seul, pour soi. Bien sûr, on a un but, mais pas grand chose à dire, juste des choses à proposer, des invitations, dans le vent au début. J'ai l'impression d'entrer dans une salle de réunion des alcooliques anonymes, tellement anonymes que sur le net on ne voit pas à qui on parle, et pire, qui nous parle. C'est très intimidant, assez gênant. Alors, même si les gens viennent vers vous par gentillesse, c'est un étrange sentiment qui naît. Un peu de méfiance. Un air de "moi, dans le virtuel? Jamais!" qui vous revient en pleine figure. Une honte? Et je me demande, est-ce que, comme pour le blog, les rencontres se feront naturellement. Parce que tout cela me semble tellement artificiel, dans un premier temps. Ce qui est sûr, c'est que pour aller à la rencontre de l'autre, dans le réel comme dans le virtuel, il faut une bonne part de discernement. Savoir, d'instinct, qui vous fera du bien et qui vous sera "inutile". C'est peut-être dur, comme propos, comme manière de catégoriser les gens. Mais nous sommes tellement nombreux sur terre, pourquoi s'embarrasser avec des rencontres plates, qui n'enrichissent pas? Avoir une collection d'amis comme on collectionne les timbres ne sert à rien. La chance n'existant pas, je compte encore une fois sur le destin, le chemin, l'étoile, vous l'appellerez comme vous voudrez, pour me confirmer, comme toujours, que "les gens et les choses qui croisent mon chemin ne viennent pas par hasard".
(Et là, cher lecteur, tu te demandes, mais qu'est-ce qu'elle nous fait encore la Emi? une crise d'exotisme? une plongée en apnée dans les bas fonds de l'internet? Et bien, l'ami, je te laisse mariner dans tes supputations, la curiosité est un vilain défaut et ma mère m'a toujours interdit de parler à des inconnus.)

mardi 21 février 2012

Pan "hallulla"

On ne sait pas trop si le nom vient de l'hébreu ou de l'arabo-andalou (quelle aubaine, cette conquête de l'Amérique, pour tous ceux qui avaient été bannis de la Péninsule. Au fond, les blancs sudaméricains seraient peut-être plus arabo-judeo-espagnols qu'hidalgos...), la recette semble venir du Chili... mais j'ai bolivianisé le tout, quand même... C'est aujourd'hui le Martes de Ch'alla, cela tombe bien, pour ces "pains de fête"...
J'ai trouvé cette recette sur l'excellent blog de cuisine que j'ai mis en lien à gauche de cette page. On peut voir en images les différentes étapes et plusieurs propositions pour les ingrédients. Voici ma version...
300 g de farine de blé
200 g de farine de quinoa
1 pincée de sel
1 pincée de sucre
1 sachet de levure de boulanger
1 cuillère à soupe de jus de citron
40 g de beurre
J'ai d'abord fait une pâte avec les farines, le sel, le sucre, la levure, le jus de citron et l'eau. J'ai pétri et laissé reposer.
Ensuite j'ai pétri en malaxant aussi le beurre ramolli dans la pâte. Deuxième temps de repos.
Après, il faut plier et replier la pâte 4 ou cinq fois, la piquer pour le "dessin" et faire les pains (j'ai utilisé un verre).
La recette disait de laisser gonfler la pâte avant de la mettre au four. Voyant que rien ne se passait (je suis la reine de la crème qui n'épaissit pas et des pains qui ne lèvent pas...), j'ai enfourné 20 minutes à 200 °C.
Et voilà!
Je sens que je vais devenir adepte de l'odeur du pain chaud dans la maison, de ce temps de pétrissage qui rapproche des gestes ancestraux, des femmes du monde entier, mais aussi de cette économie non négligeable pour mon portefeuille...

lundi 20 février 2012

Contes de la mine: la ch'alla

ça y est! Je les ai! Les exemplaires de "mon" livre, de la traduction des Contes de la mine écrits par Victor Montoya. Du coup j'en ai aussi acheté 2, les premiers, en disant timidement à la caisse: "heu... je crois qu'en tant qu'auteur j'ai droit à un pourcentage de réduction". J'avais envie de dire à tout le monde "c'est moi, c'est le mien, c'est mon livre!". Et puis de suite j'ai sauté dans le premier train pour rentrer chez moi avec mon précieux butin. Car avant de crier victoire, il fallait que je remercie le Tio, que je lui fasse une ch'alla, une cérémonie d'offrande, pour le remercier d'avoir été bienveillant, pour ch'allar les premiers exemplaires du livre, pour que cela leur porte chance, pour que le Tio continue de veiller sur ce projet qui le concerne en premier lieu. Encens, alcool, serpentins, je me suis assise en face de lui un moment et on a discuté tous les deux...
Demain, c'est le Martes de ch'alla, la fin du Carnaval, encore une occasion pour mettre du vent dans les voiles de tous nos projets...

samedi 18 février 2012

Empanadillas de chocolate

Période du Carnaval oblige, on se met en cuisine, on s'y enferme même, pendant des heures, pour se préparer des petites douceurs. C'est vrai, c'est aussi un moyen de faire remonter son estime de soi en réussissant une nouvelle recette, une manière de se réconforter, compensation affective par le chocolat et le sucre, diront certains. Et alors? Et si c'est ma manière à moi de me démontrer encore une fois que la vie peut aussi être douce quand on sait y trouver des petits plaisirs?
Empanadillas de chocolate en musique
(le dernier disque de Ricardo Arjona, "Independiente", arrivé ce matin dans ma boîte à lettres. Ces jours-ci, une succession de bonnes nouvelles, ça compense avec le gris ambiant. A fond donc, la musique, parce que Arjona en sourdine c'est comme un orage sans éclairs, une dispute sans assiettes cassées, un bonheur sans fou rire, etc...)
Pour 25 empanadas:
400 g de farine
1 pincée de sel
2 cuillères à soupe de sucre
3/4 de verre d'eau
3/4 de verre d'huile
... pour la pâte, à laquelle, inévitablement, il faut mettre la main, comme pour le bonheur...
(et il en va d'ailleurs du bonheur comme de la pâte, plus on s'exerce, plus c'est facile)
Dans un verre, diluer 2 cuillères à soupe de fécule de maïs dans du lait froid.
Dans une casserole, faire chauffer 1/2 litre de lait (moins le verre qu'on vient d'utiliser) avec 1 sachet de sucre roux vanillé.
Ajouter 4 cuillères à soupe de chocolat en poudre (déjà sucré, recette bolivienne et douce oblige, il faut du sucre en masse, c'est une question de réputation, de dignité!)
Verser le verre de lait dans lequel on a dilué la fécule de maïs et remuer jusqu'à temps que le mélange épaississe.
Verser dans un saladier et faire refroidir.
Et c'est là que les choses sérieuses commencent. Faire les empanadas (il faut un certain entraînement, j'avoue. Pour ma part, j'ai dû déjà en faire des centaines dans ma vie, je gère):
1. faire une boule
2. l'étaler au rouleau
3. la farcir de crème au chocolat
4. la fermer et la souder avec de l'eau
Et là, transformation, cuisson. Je vous conseille vivement de chausser un foulard pour ne pas que votre chevelure sente la friture pendant des heures. Petite recommandation: si vous habitez dans une ville qui ressemble à la mienne avec des voisins qui ressemblent aux miens, n'oubliez pas d'ôter le foulard si l'un de vos voisins sonne à votre porte. En vous voyant ainsi vêtue, ils pourraient avoir l'idée de faire diffuser une pétition contre les sarrazins qui ont envahi l'immeuble).
Faire chauffer de l'huile dans une casserole. Une fois qu'elle est à température dangereuse pour la peau, y plonger les empanadas.
Oui, je dis dangereuse, parce que je vous conseille de ne pas y plonger les doigts en même temps que les empanadas. J'ai testé pour vous, l'huile bouillante a bien les vertus repoussantes pour l'ennemi qu'on lui connaît...
(d'ailleurs à l'heure où je vous parle chaque touche de mon clavier est confortablement enduite de Biafine)
Pour finir... retirez les empanadas quand elles sont dorées. Disposez-les sur du papier absorbant et bombardez-les de sucre.
Manger ça, tout tiède, hyper sucré:

En écoutant ça:

C'EST le bonheur. Pourquoi aller le chercher ailleurs?

vendredi 17 février 2012

Contes de la mine: la traduction!

Il faut toujours être fier de son travail. Pas orgueilleux, juste fier. Parce qu'aussi la concrétisation d'un projet de longue haleine mérite qu'on s'en félicite, et qu'on fasse partager sa joie de l'avoir mené à bien malgré tout.
Il y a quelques années, en mai 2009 exactement, je me souviens, je reçois un mail avec en pièce jointe un texte sur Guillermo Lora, un leader syndical des mines boliviennes qui venait de décéder. Sur ce mail, juste une phrase: "à diffuser s'il vous plaît". Signé: Victor Montoya. Je me dis, c'est incroyable, ce nom, je le connais. Oui, Victor Montoya, l'auteur des Cuentos de la mina que j'avais trouvés dans la rue Heroinas, à Cochabamba, alors que je cherchais des livres sur les mines pour mes recherches universitaires. Montoya, une découverte, et tout un monde avec lequel je me familiarisais, qui me devenait de plus en plus familier. Une oeuvre étonnante, nouvelle, différente, dérangeante et magique à la fois. A l'époque, en recevant ce mail, je me dis c'est impossible, ce n'est pas lui, je dois me tromper. Pourquoi s'adresse-t-il à moi? Je ne suis pas grand chose! Je réponds, en gros, en demandant, sur la pointe des pieds et avec des gants triples épaisseur, est-ce que c'est bien vous, le "vrai" Victor Montoya? Il me renvoie un long mail en me disant que oui, c'est bien lui, qu'il a vu mon blog sur la Bolivie, qu'il a compris que je m'intéressais aux mines et aux mineurs, que c'est pour ça qu'il m'a envoyé ce texte. Je bondis de ma chaise, ou j'en tombe, je ne sais plus. C'est juste hallucinant, une aubaine, un cadeau du destin! Je lui demande la persmission de traduire ce premier texte sur Guillermo Lora, il accepte.
C'est le début d'une grande collaboration et la naissance d'une amitié. Victor Montoya me confie ses Chroniques minières, l'une après l'autre, et je les traduis. Je découvre, je m'enrichie, m'imprègne de cette culture qu'il connaît si bien. Petit à petit, j'en apprends aussi un peu plus sur le personnage, son histoire, ses engagements, son exil en Suède, sa Bolivie. Les échanges par mail se font de plus en plus longs, il me soutient et m'aide pour mes recherches universitaires, nous sympathisons. C'est un bonheur de travailler avec Victor, toujours à l'écoute.
Et un jour vient LA proposition, celle de traduire les fameux Cuentos de la mina, ceux qui se trouvent dans ma biliothèque, ceux auxquels je projette de consacrer un chapitre de mon mémoire de Master, ceux que je connais déjà presque par coeur, que j'ai lu et relu. Quelle question! Evidemment, je dis un grand oui, sans conditions, oui comme ça, presque sans réfléchir. Cela prendra le temps que ça prendra, mais je m'engage, les yeux fermés, parce que je sais que j'ai tout à gagner. Contes de la mine... La mine, je m'y engouffre alors, je vis dedans, jour après jour, j'y avance, dans l'obscurité. La Virgen del Socavon, el Chiru Chiru, la Chinasupay et bien sûr le Tio, tous ses personnages m'accompagnent dans mon travail. Parfois, je ressens même la présence du Tio. Alors je m'applique. Je veux bien le traîter, qu'il soit satisfait de mes mots. La partie la plus difficile, la plus laborieuse, commence alors à la fin de la traduction, quand vient la relecture. Que dis-je, LES relectures, des dizaines, je ne peux même plus les compter. Et combien d'yeux se sont posés sur ces pages! Je parlerais presque d'une solidarité occulaire! On lit, on relit, on décortique, on analyse, on corrige, on remplace. Un vrai travail d'artisan. Parce qu'il ne faut surtout pas dénaturer le texte de Victor. C'est de l'orfèvrerie!
Enfin, c'est l'envoi à plusieurs éditeurs. On est très vite contactés. Mais la sentence tombe: il faut d'autres textes. Me voilà repartie pour quelques heures fiévreuses de traduction accélérée, ayant cette fois la pression du temps, puisqu'on attend maintenant mon travail. Ce sont les "Conversations avec le Tio", cette série de textes dans lesquels Victor Montoya parle littérature avec sa divinité favorite. C'est un régal pour les yeux, parfois un casse-tête, toujours un jeu, un nouveau défi à chaque jeu de mots, à chaque trait d'esprit. Jamais le travail ne pèse, je m'amuse.
Pourtant, je l'avoue, à la fin, il est temps que tout cela se termine, que le livre prenne son envol. Je sens qu'il a fait son temps, que la gestation est terminée. Le Tio, à force, je ne peux plus le voir en peinture. J'overdose. Attention, c'est une image... Je ne voudrais surtout pas me fâcher avec celui qui quelque part est aussi mon protecteur, qui, par-dessus mon épaule, a supervisé mon travail. Depuis, quand j'écris, je sens souvent sa présence dans mon dos, son regard de feu et son souffle derrière moi, cette ironie qu'il a parfois, cette faculté sournoise à me faire douter sur le contenu et le style de ce que je suis en train de produire. Qui a dit que les divinités ancestrales étaient des incultes?
Au terme de ce travail, donc, trois ans après cette belle rencontre avec mon ami Victor Montoya, je vous annonce avec fierté la parution de notre livre, Contes de la mine:

Merci à Victor pour sa confiance, son amitié, sa gentillesse et sa disponibilité.
Merci à Cécile, Bruno et Hugo de s'être abîmé les yeux sur mes textes.
Merci à Ariane qui m'a encouragée sur le chemin de la traduction.
Merci au Tio, divinité de la mine, gardien des minerais et patron des mineurs, qui s'est toujours montré bienveillant.

mardi 14 février 2012

De coeur inconnu

Charlotte Valandrey, De coeur inconnu, 2011.
Jour de Saint Valentin, c'est bien LE jour justement où il fallait parler d'amour et de coeur, de l'histoire d'une femme qui avait tellement aimé qu'il lui avait fallu un nouveau coeur. On ne la présente plus, son bouquin, elle en a parlé sur tous les plateaux de télé. On pourrait redouter ne plus y avoir rien à découvrir. Mais elle en parle tellement bien que le jour où on vous l'offre, parce que la personne sait ce qu'il contient et combien vous pourrez parfois vous y reconnaître, alors vous pleurez. C'est comme ça. Evidemment que je me suis empressée de lire. Evidemment que ça m'a plu. Comment penser le contraire? Ce n'est jamais larmoyant, juste touchant; jamais voyeur, juste vrai. Sans détours, sans mensonges, sans ornements, sans miroirs. Juste comme une pièce aux murs tous blancs où on ne peut pas tromper, un éclairage naturel sur l'artiste vue par elle-même. Lucide, réaliste. Un portrait. Simplement. Touchant. On rit, on pleure, je suis obligée de la faire parce que c'est vrai. Mais on se reconnaît tellement dans cette femme, pourtant hors du commun, mais tellement humaine. Elle en a connu des galères et des joies intenses, des amours déçus et de magnifiques illusions. Comme toutes les femmes, toutes les mères, toutes les filles. La seule différence c'est que dans son cas tout est vécu à cent à l'heure, de manière dix mille fois plus intense que dans la plupart des vies. C'est tout. Elle a beau être farfelue, son histoire, on la croit, les yeux fermés, sur parole, la main sur le coeur. Parce que le sien, de coeur, contient tellement de mystères et de richesses. Un trésor. L'amour. L'universel. Pas l'amour riquiqui de la Saint Valentin, pas l'amour d'un jour, d'une personne. Non, l'amour de la vie, des hommes, de Dieu, du monde. On la suit, Charlotte, dans cette belle trace qu'elle nous laisse, on la suit...
Merci Lili... C'est marrant, dans le livre, la meilleure amie de Charlotte s'appelle Lili aussi...

lundi 13 février 2012

La dame sans terre

Andrea H. Japp, La dame sans terre, Tome 1, 2 et 3, 2006.
"Tiens, vas-y lis ça, tu verras ça se passe au temps de l'Inquisition, je suis sure que ça va te plaire".
Merci petite soeur, de quoi mettre de l'eau au moulin en ce qui concerne ma réputation de fille aux goûts assez spéciaux... Le diable des mines boliviennes, maintenant l'Inquisition, voilà de quoi en effrayer plus d'un. Je vous dois, chers lecteurs, afin que vous ne partiez pas en hurlant de peur, quelques explications. Non, je ne suis pas une attardée historique assoiffée de sang et captivée par les différentes techniques de tortures. Je suis simplement passionnée par ce sujet, l'Inquisition, pour l'avoir découvert en préparant mon CAPES d'espagnol il y a presque 10 ans (déjà?). L'organisation, l'implantation de cette machine à tuer, hyper hierarchisée et calculée, a de quoi effrayer et intriguer. Je suis d'avis qu'il ne faut jamais nier, toujours affronter la réalité, la folie de nos predescesseurs sur cette terre, s'informer, voir même étudier, dans le détail, pour savoir, dire, diffuser et ainsi ne jamais plus reproduire. C'est mal barré, mais bon... Maîtrisant assez bien le sujet pour ce qui est de l'Espagne, je me suis plongée avec beaucoup d'intérêt dans le premier tome de La dame sans terre, qui se passe au Moyen âge en France, sur fond d'Inquisition donc, de secret des Templiers et sous la forme d'une enquête policière, un genre que pour le coup je ne connais que très peu. Dès le début, les descriptions riches, les multiples références à la vie de l'époque, à la gastronomie (je me retrouve bien là) m'ont capté l'attention. Je me suis prise au jeu. Indices. Morts suspectes. Récits croisés. Diversités des lieux. Intrigues qui se rejoignent et se croisent. Je découvre le genre, j'avoue. Certains commentaires de lecteurs que je suis allée chercher sur le net n'étaient pas aussi positifs. Mais il s'agissait de connaisseurs. En temps que lectrice occasionnelle de policiers, cela était déjà assez compliqué pour ma petite cervelle qui a du mal à suivre les Flash back, y compris dans l'inspecteur Derrick... Une fois achevé le tome 1, prise dans l'histoire, je me suis lancée dans le 2. Puis dans le 3. Le mystique s'ajoutait à l'enquête, cela me plaisait beaucoup. Et puis, vint la fin du tome 3. Comment vous dire? Une immense déception. Une fin en eau de boudin comme on dit par chez moi. Comme si l'auteur n'avait eu droit qu'à quelques pages de la part de l'éditeur. Allez, termine ton bouquin en 3 000 caractères et que ça saute! Une espèce de résumé batard, le dégonflement de l'intrigue, qui n'était pas résolue et qui, dans ce mode accéléré, n'en devenait qu'encore plus floue. Comme si l'auteur elle-même avançait en aveugle et n'avait pas eu de trame de récit en commençant sa saga inquisitorialo-templière (et là je me dis, quand on écrit, se lancer droit devant en se laissant guider par ses personnages ou par ses flashs, c'est dangereux... je vais donc y réfléchir...). Du coup, je suis allée fouiller sur le net et j'ai décidé de ne pas lire le tome 4. Les commentaires déçus des autres lecteurs et mon propre coup d'oeil à la fin du dernier volume - je sais, c'est mal - me prouvant que je ne manquais rien puisque l'intrigue n'était toujours pas résolue et que cela trainait en longueur et donc en incohérence... Je ne sais pas si je dois vous le conseiller. J'opterais quand même pour un oui, étant donné que tout au long des 3 volumes je ne me suis pas ennuyée un instant, que l'époque historique et ses méandres y sont parfaitement dépeints et que j'aime quand la petite histoire se mêle à la grande. En tout cas, si vous voulez en savoir un peu plus sur les procès inquisitoriaux, voilà un document fort intéressant...

Petits pains à la quinoa

Hier, journée pourrie. Comme le dit Charlotte Valandrey dans son livre (que je vous commenterai dès que je l'aurai fini, c'est-à-dire incessamment sous peu et peut-être même avant), quand une journée est pourrie, il faut faire quelque chose d'exceptionnel pour la rattraper et s'en souvenir comme autre chose qu'une journée pourrie. Alors j'ai fait du pain!
Je me suis lancée dans le pétrissage, moi qui ne suis pas patiente, mais alors pas du tout. Du coup, je ne l'ai sûrement pas pétri ni laissé reposer assez longtemps, mais le résultat est encouragent pour une première fois. Il faut dire que les recettes du fameux livre de Clea autour de la quinoa (oui, je m'obstine à dire "la", et alors?) sont presque inratables tant elles sont simples... et savoureuses! Pour les ingrédients, je vous donne ma version parce que j'ai adapté selon ceux que j'avais ou que je n'avais pas:
1. dans un grand saladier, mélanger 350 g de farine de blé et 200 g de farine de quinoa (normalement il faut de la farine d'épeautre mais je n'en avais pas)
2. ajouter 1 cuill. à café de sel et 20 g de levain (comme je n'en avais pas non plus, j'ai mis 1 sachet de demi de levure chimique, le résultat n'est forcément pas le même)
3. normalement, Clea ajoute à son pain de la quinoa soufflée. Comme je n'en avais pas (on dirait un sketche!) j'ai mis une poignée de graines de sésame et de lin.
4. c'est là que ça se corse, puisque avec une spatule il faut mélanger la pâte en y versant progressivement 400 ml d'eau tiède. (je précise que j'ai dû chercher la conversion des millilitres en centilitres sur internet pour adapter les quantités à mon verre mesureur. Quand on est nul en maths, c'est pour la vie).
Le seul souci c'est que je me suis retrouvée avec les mains prises dans une pâte grasse, à ajouter de la farine sans cesse en tenant ma boîte par les poignets pour me libérer de ce pétrain (humour d'apprenti boulanger). Bref, en tout j'ai dû rajouter quelques 100 grammes de farine, ce qui change toutes les proportions, mais bon...
5. Cléa disait de pétrir pendant 20 minutes. J'avoue qu'au bout de 10 minutes et demi je me suis lassée... J'ai donc laissé reposer la pâte 1 heure (et mes bras par la même occasion).
6. J'ai repétri comme disait la recette (vite fait, histoire de dire que je suivais les instructions) et j'ai formé les petits pains (d'une manière révolutionnaire, pas du tout conventionnelle, en gros, j'ai fait des boudins que j'ai zébré avec un couteau pour faire style c'est du pain (langage banlieue 92 nord)).
7. j'ai laissé reposer mes ersatz de pains pendant 1 autre heure et je les ai enfournés pendant 35 minutes à 180 °C.
Et bien malgré toutes les modifications dans les ingrédients, les proportions, le temps de pétrissage et l'apparence, cela nous a ma foi donné quelque chose de mangeable, j'oserais même dire de plutôt bon. Tous chauds, croustillants, coupés en deux et bombardés de Vache Kiri, mes petits pains à la quinoa ont en fait eu un franc succès!

dimanche 12 février 2012

Carnaval et gastronomie

Revoilà le Carnaval! Jeudi dernier en Bolivie les festivités s'ouvraient avec le Jueves de Compadres, lors duquel les hommes se retrouvent entre eux pour sortir et faire la fête. Jeudi prochain suit donc le Jueves de Comadres, vous l'aurez compris, réservés aux femmes. En Bolivie, le Carnaval est vraiment LA fête de l'année, celle à laquelle tout le monde participe, sans exception, les rituels andins ruraux ayant même envahi les villes et s'étant infiltrés jusqu'aux foyers citadins. Effet de mode ou véritable sincérité? Sincrétisme ou réel retour aux traditions et aux religions andines? En tout cas, voilà un rendez-vous qui apaise les tensions et relègue au deuxième plan tous les conflits sociaux et autres soubresauts politiques! Même le sport s'arrête et se suspend au temps du Carnaval, c'est vous dire. Je viens de lire que l'équipe de foot bolivienne de Bolivar avait demandé le report du match qu'ils devaient jouer le 21 février prochain face à une équipe mexicaine, dans le cadre de la Copa Libertadores. Le motif? Le 21 février correspond justement au Martes de Ch'alla, date qui clôture le Carnaval et qui en représente le moment clé, le plus important aux yeux de ceux qui pratiquent ce jour là les rituels à la Pachamama. En être absent, c'est manquer le rendez-vous de l'année, c'est ne pas pouvoir adresser ses offrandes et ses prières à la Terre Mère, c'est donc fatalement perdre le match de foot (j'extrapole!).
Pour en revenir à la fête elle-même, on peut dire qu'en dehors de la musique, des danses et des rituels religieux, catholiques ou andins, le Carnaval ne serait rien sans la gastronomie. Déjà, on a coutume de dire que le bolivien (surtout le qhochala, habitant de la douce et merveilleuse ville de Cochabamba), ne mange pas pour vivre mais vit pour manger. Cela se confirme et s'affirme encore davantage lors de fêtes importantes et par conséquent lors du Carnaval. Attention, on ne mange pas de tout et n'importe quand. Le bolivien n'est pas un goinfre. Au contraire, tout cela est très réglementé, devrais-je dire. Car à chaque fête, à chaque époque de l'année son plat réservé, sa gourmandise associée. Je vous avais déjà parlé du "puchero", le plat typique de Cochabamba correspondant à ce moment de l'année. Ce matin, en cherchant la recette traditionnelle des "confites", ces sucreries en forme de petites boules que l'on a l'habitude de préparer pour la "mesa" (table d'offrandes) du Martes de Ch'alla, je suis tombée sur un blog, comment dire... Il s'agit du blog d'une bolivienne qui nous donne tout un éventail de recettes de son pays, du sucré au salé, des soupes aux pâtisseries, photos comprises. De quoi faire saliver pour plusieurs jours rien qu'en lisant les recettes... Je vous en donne le lien et cours m'y rassasier mentalement, en attendant de découvrir d'autres plats de la terre chère à mon estomac et à mon coeur (dans le cas de la Bolivie, je crois que l'un ne va pas sans l'autre. Deux boliviens qui se rencontrent finissent toujours, au bout d'un temps relativement modeste, par parler de leur gastronomie, les yeux brillants et la voix tremblante de nostalgie!)

samedi 11 février 2012

"Montagne"

Article écrit pour la revue Aura du cercle littéraire belge Clair de Luth - http://www.clairdeluth.be/

Premiers pas. Premiers lacets. Naissance. La montagne est déjà là. J’ouvre à peine les yeux et déjà ils regardent vers les hauteurs, depuis le toboggan de Vallorcine. Pas envie de glisser, plutôt une irrésistible attirance vers le haut. Grimper.
Premières absences. Quelques années plus tard. Je suis face à la mer, horizon infini. Perdue, rien à quoi accrocher mon regard et suspendre mes rêves. Pas de sommets, la platitude de liquide bleu et gris. Le manque est inconscient. Je cherche la montagne.


Et j’y reviens. Ensuite. La Savoie encore. Bourg Saint Maurice. Et la marche. Premières souffrances. Randonnées, overdose, jambes fatiguées de tant marcher. Je rejette tout en bloc, le bloc de granit que j’ai en face de moi m’écrase soudain. J’ai envie d’ailleurs. Montagne haïe. J’étouffe.
Les années passent. Premiers voyages. Je m’envole vers la Bolivie. Je décolle, je m’échappe, je bouge.
Première rencontre. La Paz se révèle, me révèle des secrets, comme une apparition, le dôme blanc de l’Illimani. Six mille mètres au-dessus du niveau du frisson. C’est encore la montagne que je vois. Je la cherche, ou c’est elle qui me poursuit, allez savoir. Et puis c’est Potosi, les mines d’argent, d’étain, de malheur. J’apprends, grandis, muris, réalise, m’éblouis. Sans même m’en rendre compte mes racines sortent soudain de ma poche droite et viennent se planter dans la terre de Bolivie, à Cochabamba. En échange, les fumées d’encens, de q’oa, m’envahissent, me remplissent, me peuplent, me colonisent. Je suis prise.
Et puis c’est la rupture, je m’enfuis. Fini la Bolivie. Je me sépare, étrange distance, la vie qui nous joue des tours et des détours. Tout éclate, haine et passion. Montagne bolivienne de Quillacollo, je t’aime et te déteste. Tu m’enfantes, me fais naître à moi-même, me rends à mon tour créatrice de vie, puis tu me coupes le cordon. C’est ainsi.
La roue tourne, le tourbillon de la vie et je retourne aux sources, là où tout a commencé. Vallée de Chamonix. Retrouvailles avec les origines, le point de départ, la première montagne sur laquelle s’étaient posés mes yeux d’enfant. La boucle est bouclée. Je reviens en Savoie, avec quelques comptes à régler, des choses à comprendre, à analyser, à décrypter, à dire, à décrire, à rire et crier. Ce sont les tripes qui parlent. De mon enfance. De l’enfant que je tiens maintenant par la main face au Mont Blanc. J’ai l’impression que tout recommence. La montagne comme une évidence.
Alors je me mets à écrire. Je raconte, j’exprime, je me libère de toute cette montagne que j’ai engrangée, dévorée. Je partage. Je dis les montagnes. Les miennes, celles de la vie, celles qu’on se fait, celles qui nous hantent. Je raconte la montagne amour, passion, quête d’absolu ; les montagnes sacrées, protectrices, duales, crainte et respect. La montagne qui vit, Pachamama, Terre Mère, les entrailles, le ventre du monde. Fascination. La montagne me possède et parle à travers mes mots.
Je suis le torrent qui te parle à l’oreille, tinte et harmonise les voix cristallines de Potosi, raconte l’histoire et la légende. Je suis la mine, l’étain qui brille, qui t’éblouit, dissimulé dans la pierre sombre, si tu le cherches. Je suis la mère et la déesse, l’envoûteuse et la gardienne, l’ici et l’ailleurs et ton unique horizon, que tu le veuilles ou non. Je suis les entrailles et le ciel, l’infini et le chaos, la chute et l’absolu, la glace et le feu, ton objectif et ta hantise. Je suis la roche et l’indicible, et la magie qui te dépasse. Je suis en toi. Incarne-moi. Porte ma voix. Et à ton tour, montagne-toi.
Le Mont Dolent - Valais suisse - 2006

mardi 7 février 2012

Commentaires sur Azteca

J'en avais parlé ici, sur ce fameux blog de lectures que, j'avoue, nous n'avons que trop peu alimenté. Ensuite, j'avais transféré l'article ici, pour que vous puissiez en profiter. Il y a quelques temps, mon amie Michèle m'a informée de la réception de quelques commentaires sur le livre en question, sur l'article du premier blog. Je remets le débat sur la place publique...
Pour mémoire, voici l'article que j'avais écrit sur le bouquin de Gary Jennings:
"1000 pages! Et j'avais 13 ans! Un prof de français me l'avait conseillé lorsque j'étais en classe de cinquième, parce qu'il savait ma passion pour l'Amérique Latine -à l'époque je dévorais tout ce qui concernait le Mexique et rêvait d'être archéologue-, surestimant peut-être ma capacité à ingurgiter tant de révélations sur l'Histoire d'un peuple et sur la vie. N'écoutant que ma passion et fatiguée depuis longtemps de lire des romans pour adolescents, je me suis précipitée à la bibliothèque municipale et me suis illico lancée dans la lecture de Azteca. J'ai mis du temps, certains passages m'ont émerveillée, d'autres m'ont choquée, mais jamais je n'ai pensé à abandonner ma lecture, trop avide de savoir la suite de l'histoire, car en plus du récit des personnages, j'étais spectatrice de l'apogée et du déclin du peuple aztèque, de l'époque précolombienne à la conquête. Je me souviens encore très nettement de certains passages comme d'un dessin ou d'une peinture -sans doute la richesse et le réalisme des descriptions-, par exemple cette scène des marchés flottants de Xochimilco que j'ai eu l'impression d'arpenter avec le héros, et ces mêmes marchés plus tard incendiés par les conquistadors. Et je me souviens aussi très précisément de mon sentiment de colère en lisant entre chaque chapitre l'échange épistolaire entre l'évêque de Mexico et Charles Quint qui avait demandé qu'on lui fît ce récit. La froide indifférence des espagnols face à ce magnifique et noble peuple dont ils exterminaient la culture et qu'ils tuaient tout court m'a sans aucun doute marquée à jamais et a certainement commencé à forger en moi ce que sont aujourd'hui mes convictions les plus profondes.
Je crois pouvoir dresser une liste de ces livres qui m'ont orientée, guidée, fait grandir, ce doit être édifiant! Celui-ci en tout cas en fait partie et est parmi les premiers. Et comme on n'a jamais fini de grandir je vous conseille de vous y plonger!"

Et voici donc le dernier commentaire en date qui a fait suite à cet article sur le blog de lectures:
Anonyme:
Bonjour,
Je suis en train de le lire et je suis très deçu. Je suis à la page 180. Je recherche des livres avec une intrigue et c’est pas du tout le cas. C’est plat et y’a trop de description à mon goût, ça rend très pesant la lecture…. Et je déteste les livres racontés à l’imparfait, je trouve que ça nous empêche de rentrer dans la peau du personnage.
En plus de ça, je trouve que l’auteur est un gros pervers sexuel, qui se complet en détaillant des scènes complètement cochonne et sale. On a l’impression qu’il exprime tout ses fantasmes les plus ténébreux sous couvert des soi-disant moeurs d’une civilisation. Il voit clairement que Gary raconte de façon subtile la vie sexuelle des Aztèques sous l’oeil des colons en les prenants pour des sous-hommes voir animaux en se délectant de scène de sexes qui sortent de sa complète imagination la plus dégoûtante. C’est comme si les gens du futur racontaient dans les livres d’histoires que le peuple français était comparable à dutroux. Nous voyons dans se livre que Gary à un art d’écrire des choses écoeurantes de façon très subtiles pour qu’elles soient politiquement correctes tout en se cachant derrière une civilisation. J’imagine que Gary devait avoir plein de cassettes pornographiques chez lui…
Comme si aux environs de l’âge de 7 ans une fille aurait l’idée de droguer son frère pour coucher avec? Comme si à 7 ans Mixtil a eu une relation incestueuse ignorant la portée de son acte? L’auteur prend les Aztèques pour des débiles et les lecteurs par dessus tout! De toute manière ils savaient très bien qu’ils faisaient mal vu qu’ils se cachaient pour pratiquer. Azteca est sensé retracé la vie général des Aztèques alors je ne vois pas pourquoi l’auteur focalise sur des scènes pornographique avec des enfants surtout qu’il raconte bien que les parents Aztèques étaient très sévères avec de code de conduite très strict.
Ou encore comme si une esclave se complaisait à se faire violer par tous les garçons et qu’elle en redemandait? nan mais faut arrêter de vomir ses fantasmes dans des livres!!! et dire que c’est édité pour tout public! D’après d’autres commentaires sur internet je ne suis pas au bout de mes surprises car on parle de viol homosexuel et de pédophilie.
Faut faire attention de pas se faire manipuler par une époque où l’Espagne avait soif de conquête en faisait passer les habitants d’Amérique pour des « sauvages » et qu’ils faillaient les exterminés en justifiant leurs actes par ce genre d’histoires montées en épingle qui font nos archives! C’est toujours le même refrain! On a fait largement pire en colonisant (avec toutes les atrocités qu’on leur a fait subir) que ce qu’ils faisaient eux-mêmes dans leur coin. C’est l’hôpital qui se fou de la charité. La différence entres les européens et les incas, indiens etc c’est que les européens savent mettre un jolie papier cadeau autour de atrocités, tout est une question de com’. Tout comme Azteca qui est un livre sur les Aztèques avec de la pornographie dissimulée subtilement.
Je suis donc très choqué qu'un enseignant est conseillé à quelqu'un de 13 ans de lire ce livre!
 
Ma réponse: (avec toute la diplomacie dont je suis parfois capable...
Cher Anonyme,
du haut de mes 13 ans, je n'avais pas lu ces scènes telles que vous les décrivez. J'y avais plutôt vu un peuple grand et fier de sa culture, écrasé par des espagnols assoifés de sang et d'or. L'opinion de l'auteur me semble plutôt celle de quelqu'un qui veut raconter la déroute d'un empire, soumis par une poignée d'hommes sans culture, les conquistadors (dont certains savaient à peine lire). Nous le voyons bien à travers les lettres écrites par Charles Quint. Il existe un décalage entre les deux visions, certes, mais aussi une sorte de fatalité d'un destin irrémédiable qui conduit une grande civilisation à sa perte. Visiblement, vous avez transposé des réalités dont on parle dans notre actualité moderne (viols, incestes, tournantes...) à ces fameuses scènes "de sexe" présentes dans le livre, cherchant à comprendre ce que vous lisiez en l'associant à des choses "connues", identifiées. Mais l'acte sexuel n'est pas toujours un crime ou un péché. Si l'on sort de la vision catholique culpabilisante, on peut alors entrevoir la relation sexuelle autrement, avec un autre regard, plus ouvert sur l'homme et sa faculté de s'unir avec le cosmos lorsqu'il s'unit charnellement avec l'autre. Mais je peux parfaitement comprendre que cette lecture soit personnelle, très culturelle et donc difficile à partager pour un oeil européen.
Cher Anonyme, juste une dernière question: n'avez-vous donc pas été encore plus choqué par les scènes de massacres de la population locale par les espagnols?
Comme dirait l'autre, votre avis nous intéresse! Si vous avez lu le livre, ou pas d'ailleurs, vous êtes les bienvenu(e)s pour entrer dans cette discussion (que vous pouvez suivre sur cet article ou bien ici.)

samedi 4 février 2012

Eduardo Galeano

"Ojalá seamos dignos de la desesperada esperanza.
Ojalá podamos tener el coraje de estar solos y la valentía de arriesgarnos a estar juntos, porque de nada sirve un diente fuera de la boca, ni un dedo fuera de la mano.
Ojalá podamos ser desobedientes, cada vez que recibimos órdenes que humillan nuestra conciencia o violan nuestro sentido común.
Ojalá podamos ser tan porfiados para seguir creyendo, contra toda evidencia, que la condición humana vale la pena, porque hemos sido mal hechos, pero no estamos terminados.
Ojalá podamos ser capaces de seguir caminando los caminos del viento, a pesar de las caídas y las traiciones y las derrotas, porque la historia continúa, más allá de nosotros, y cuando ella dice adiós, está diciendo: hasta luego.
Ojalá podamos mantener viva la certeza de que es posible ser compatriota y contemporáneo de todo aquel que viva animado por la voluntad de justicia y la voluntad de belleza, nazca donde nazca y viva cuando viva, porque no tienen fronteras los mapas del alma ni del tiempo."


"Si seulement nous étions dignes de l'espoir désespéré.
Si seulement nous pouvions avoir le courage d'être seuls et la valeur de nous risquer à être ensemble, parce qu'une dent en dehors de la bouche ou un doigt hors de la main ne servent à rien.
Si seulement nous pouvions être désobéissants, chaque fois que nous recevons des ordres qui humilient notre conscience et violent notre sens commun.
Si seulement nous pouvions encore nous entêter à croire, contre toute évidence, que la condition humaine en vaut la peine, parce que nous avons été mal faits, mais nous ne sommes pas terminés.
Si seulement nous pouvions être capables de continuer à marcher sur les chemins du vent, malgré les chutes, les trahisons et les défaites, parce que l'histoire continue, au-delà de nous, et que lorsqu'elle dit adieu, elle nous dit: au revoir.
Si seulement nous pouvions garder la certitude qu'il est possible d'être compatriote et contemporain de quiconque vit animé par la volonté de justice et la volonté de beauté, où qu'il soit né et dans quelle époque il vive, parce que les cartes de l'âme et du temps n'ont pas de frontières."