jeudi 27 février 2020

Lettre à Marseille


Marseille, je t’aime, mais je te quitte.
Ma vie est ailleurs, c’est comme ça. Ça me déchire les tripes, putain, de te dire que je ne serai pas là demain. Tu as beau me faire le coup du ciel bleu, du soleil plein les yeux, j’ai mon billet en main, je te laisse. Ça craint. Au nom de tout ce que tu m’arraches de regrets, je te jure de ne livrer mon âme à personne. Je t’appartiens. Tu as gagné le droit d’obnubiler mes pensées et de squatter mes rêves. Quelle insolence, n’empêche, de t’être immiscée comme ça dans ma vie, dulcinée en terrain conquis. Tu as posé là tes pattes salles de Noailles, inondé les quatre coins de mes sens d’odeurs d’aïoli et de poisson, de fruits pourris et de sable chaud, des klaxons excités des scooters – « eh, guignol ! » -, du goût d’un baiser d’amour dévergondé. Et les ampoules sous mes pieds, tu avais quoi à y gagner ? Tu me fais marcher.
Et le Vieux Port et le Fort,
 et le Panier et les Calanques,
et le Pharo et le Prado,
et les cris et les rires,
et la joie,
et le parfum sucré, poivré, enivrant de ton corps tordu alangui sous le soleil brûlant de février,
tu étais obligée ?
Prétentieuse, va.
Marseille, petite peste, je t’aime à m’en mordre les doigts. Moi qui m’étais jurée d’en finir avec les lamentations de veuve éplorée, je me remets à égrainer mon chapelet de fadaises. Marseille, mieux vaut qu’on en reste là jusqu’à la prochaine fois. Je pars me remettre au vert, bouffer du nuage, réexplorer le gris, mourir un peu. La passion, ça rend fada. Arrête de me parler comme ça. J’ai la tête haute. Ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. Marseille, amante religieuse, diva, ambitieuse, attends-moi.
Je reviendrai, va.








dimanche 20 octobre 2019

Le rapt

Frison Roche, Le rapt, 1962. 
J'en discutais ce matin avec un ami et on était d'accord pour dire que la plupart du temps, rien ne vaut la littérature. La télé nous abreuve de vide. Les réseaux sociaux, n'en parlons pas. D'ailleurs, oui : n'en parlons pas. Quant à la presse, quand elle n'est pas partisane et trop subjective pour être lisible, elle ne produit que de rares articles de fond qui permettent de se faire une idée globale et exhaustive d'une situation donnée. Alors, rien ne vaut la littérature. Il peut sembler paradoxal que ce soit la fiction qui nous approche le plus de la réalité. Il en est pourtant ainsi et le cas de ce roman de Frison Roche ne déroge pas à la règle. Mieux, il en est une illustration parfaite. Après ça, on peut même arrêter de regarder Rendez-vous en terre inconnue. Plus besoin d'émissions bien pensantes pour amener gentiment le grand public sur le chemin d'une réflexion sur l'avenir des peuples. Attention, je les regarde toutes. Je ne crache pas dans la soupe et je suis sensible à l'émotion qu'elles dégagent, à la beauté des images, des paysages et des gens qu'elles nous montrent sous leur plus beau jour. Mais la littérature, ça a quand même une autre gueule. 

Dans Le rapt, Frison Roche nous entraîne chez les lapons, ce peuple dont il nous dit qu'il a su conserver son mode de vie millénaire et que c'est justement ce mode de vie qui lui a permis de survivre à bien des attaques extérieures. Nous ne sommes pas dans une énième interprétation du mythe du "bon sauvage". L'auteur ne nous fait pas voir que ce qui l'arrange. Il nous montre aussi la rudesse, la cruauté parfois des coutumes, les ravages de l'alcool, bien qu'on sache pertinemment que ce sont les étrangers qui ont apporté cette perversion. Et c'est là que Frison Roche est très fort : il dépeint un panorama complexe et nuancé de la Laponie, chaque personnage portant à lui seul un angle du problème. La vieille, presque ermite, qui refuse en bloc tout apport des étrangers, qu'ils soient russes, norvégiens ou finlandais. Le chef de la tribu qui, tout en étant garant de la tradition et de l'unité clanique, ne peut s'empêcher de céder aux sirènes de l'alcool et de la modernité qui implique une sédentarisation forcée. Fru Tideman, rigide et sans concession qui ne pense qu'à une chose : convertir, assagir, soumettre les jeunes lapones au modèle d'éducation qu'elle prône et les arracher à leur sauvagerie. Cela passe évidemment par la religion, le mépris des vieilles croyances et la domination chrétienne. Partout, l'histoire est la même. Le médecin, plus nuancé dans sa vision des choses et qui incarne le questionnement permanent, l'oscillation entre la conviction que le mode de vie moderne rendrait la vie plus facile aux lapons et le profond respect qu'ils leur voue, l'admiration qu'il a pour eux et la manière dont ils s'intègrent parfaitement à la nature. Et puis, il y a Kristina, dont le prénom n'est pas anodin et qui, même si elle affiche un catholicisme apparent, est l'incarnation de la résistance de tout un peuple face à ce qui n'est rien d'autre qu'un envahisseur. Tout le roman tourne autour de cela, de ces relations de dominants-dominés, de cette tentative de conservation de liberté face à une globalisation des modes de vie qui tend à s'imposer partout et à tout recouvrir d'un voile uniforme. Au passage, le titre est double : il ne s'agit pas simplement du rapt traditionnel d'une partie du troupeau de rennes, mais bien du rapt d'un peuple tout entier et de sa tradition que l'on mène de manière autoritaire vers la déculturation. 
Mais le roman ne serait rien, comme toujours chez Frison Roche, sans le paysage. Que dis-je ? Sans la nature, ce personnage qui contient tous les autres, cet espace infini (cette nuit polaire interminable, ces étendues vierges et blanches, sauvages, animales) dans lequel les protagonistes se débattent telles des fourmis impuissantes et marquées, finalement, au fer rouge de la fatalité. Et, malgré l'avancée que l'on pressent comme étant inéluctable, on a envie de se dire que ceux qui s'en sortiront, toujours, seront ceux qui sauront vivre en harmonie avec la Nature. Peu importe la date à laquelle a été écrit un livre. La littérature, à l'infini, nous parle toujours de nous, d'actualité, de questionnements qui nous taraudent depuis toujours et à jamais, de nos comportements et de nos engagements. Vraiment, en terme d'analyse et de réflexion, rien ne vaut la littérature. 

mercredi 9 octobre 2019

Les raisins de la colère

John Steinbeck, Les raisins de la colère, 1939.
Il m'est arrivé d'être dégoûtée des études littéraires à force de trop de chipotage sur les détails. Il m'est arrivé d'en avoir assez de disséquer des textes tel le chirurgien qui ouvre des corps sous la lumière crue du bloc opératoire afin de voir ce qu'ils ont dans le ventre. Il m'est arrivé de ne plus percevoir le sens général d'un écrit et de n'y voir plus que des sons, des lettres, des mots isolés, des images tirées par les cheveux et des références peu évidentes à l'Antiquité ou à Dieu. Il m'est arrivé de ne plus avoir envie de lire. Il m'est arrivé de haïr des romans magnifiques et de la poésie sublime. 
Mais quand je me suis plongée dans l'univers infiniment vaste de l'oeuvre de Steinbeck, j'ai eu la nostalgie de tout cela. L'envie soudaine qu'un professeur, quelqu'un qui s'y entende en analyse et qui ait étudié le sujet de fond en comble, me serve sur un plateau de la référence biblique, de la légende, de la poétique et de la métaphore. Envie qu'on me m'explique ce que je suis trop brute pour saisir au vol, que l'on me briefe sur les associations d'idées, les allusions et les notions culturelles que j'ignore, sur les messages sous-entendus que je ne soupçonne pas. Le roman est tellement riche, ça se sent et on se trouve privé d'une partie de l'explication quand on s'arrête au premier degré. Bien sûr, on peut très bien se contenter d'une simple lecture, de suivre l'histoire. Mais, moi, j'en voulais plus. J'avais soif. 

Ce roman est un tout, résume l'histoire de l'Humanité, le rapport entre les humains, la domination et les dominés, les maîtres invisibles, le pouvoir de l'argent, le capitalisme dévorant qui écrase les millions de bras qui travaillent pour eux sans jamais voir le bout du tunnel. J'ai lu les conflits intérieurs qui naissent dans les têtes de tant de souffrances à affronter et avec lesquelles composer. Les interrogations existentielles et le point de vue des faibles qui, rassemblés, peuvent devenir les puissants. Ou plutôt, une puissance, celle du peuple, de ce personnage à mille tête qui ignore encore son potentiel. J'ai aussi lu l'amour qui unit les êtres, le lien filial et ce personnage central qu'est la mère, sorte de déesse de la fécondité, paysanne visionnaire qui lit dans les cicatrices de ses semblables un avenir possible. 
Les raisins de la colère est une oeuvre totalement subversive - et qui a été reçue comme telle jusqu'à ce que, finalement, le cinéma et son pouvoir envoûtant la réhabilite - en ce qu'elle raconte comment s'insinue dans des êtres que l'on veut faire taire à tout prix la semence de la rébellion. Cette colère légitime qui gronde dans les sillons, dans les allées des plantations, sous les fruits mûrs et qui menace d'exploser un jour et de changer la face du monde. Le roman, en fait, n'a pas de fin. Les personnages, tel un peuple errant à la recherche de la Terre Promise, revivent sans cesse les mêmes traumatismes et les mêmes humiliations, s'en sortent toujours cependant, tels des survivants. La misère se lève chaque jour avec le soleil. On se demande si le combat n'est pas qu'une illusion, un rêve élaboré dans les pensées des héros, un fantasme commun mais en réalité jamais exprimé et si tout cela aura une fin un jour. Des décennies plus tard, on sait bien que non. Que la machine dévoreuse d'hommes n'a cessé d'avancer, de se développer, de grossir et d'engloutir de plus en plus de vies. Alors, nous vient une question : a-t-on encore au fond de nous ce rêve commun de révolte, cette colère qui nous unirait et nous pousserait à nous défendre ? 
Phrase bateau par excellence : on ne sort pas indemne d'une telle lecture. Forcément, on se questionne. Et on s'interroge : que lire, après ça ? Dur d'ouvrir autre chose quand on a eu à faire à un livre qui englobait tous les autres. 

dimanche 6 octobre 2019

Trois tasses de thé

Greg Mortenson, Trois tasses de thé, 2006.
Trois tasses de thé, c'est le bon compte pour prendre le temps de saluer ses hôtes, de faire connaissance avec eux et, finalement, entrer dans leur vie. Ensuite, une fois que le cap est passé, vous faites partie de leur famille et ils vous aiment, vous entourent et vous protègent comme l'un de leurs enfants. Greg Mortenson ne s'attend pas à cela lorsqu'il redescend, seul, perdu, du K2 qu'il n'a pas vaincu. Certes, il a sympathisé avec son guide et certains porteurs, mais il attend juste de l'aide, à boire et à manger et qu'on lui indique le meilleur moyen pour retourner à son point de départ afin, ensuite, de rentrer chez lui sain et sauf. Or, les villageois qui le recueillent font beaucoup plus que cela. Malgré leur immense dénuement, ils le soignent, le nourrissent, le couvent. Peu à peu, Mortenson découvre ses hôtes et le village qui l'entoure, Korphe, enserré entre les hautes montagnes du Balistan, dépourvu de tout confort et, surtout, d'une école. Tandis que l'alpiniste fait ses adieux au village après sa convalescence, il leur promet de les aider. Cette promesse, tant d'autres l'ont faite avant lui et elle est restée lettre morte. Des touristes émus par une rencontre au fin fond du monde ; des alpinistes touchés par un lieu, par des gens. Et puis, les occidentaux s'en retournent chez eux, reprennent le cours de leur vie et ne reviennent jamais. Je le sais, je l'ai faite aussi, cette promesse qui nous fait surtout du bien à nous et nous rend le départ moins triste parce qu'on se donne une chance de revenir un jour. Greg Mortenson n'est pas de ceux-là. Lui a tenu sa promesse. Et bien plus. Du moins, c'est ce qu'il prétend.

Ce livre raconte l'histoire d'un engagement pris et tenu, d'une personne qui se lance dans une réalisation qui le dépasse et dont il ne maîtrise absolument pas tout, mais à laquelle il tient profondément, viscéralement. La construction de l'école de Korphe est plus difficile et plus complexe que l'ascension du K2. Elle demande de la volonté, de la patience, de l'intelligence et une forte dose d'adaptation. Surtout, elle exige d'aller à la rencontre de l'Autre, de ses coutumes, de sa façon de penser et de concevoir le monde, de s'adapter à son environnement. Au passage, au cours d'une conférence à laquelle il assiste aux Etats-Unis, Greg rencontre l'amour et cet événement lui apporte sur un plateau l'appui inébranlable et constant dont ont besoin les grands hommes et les grandes femmes. L'amour, c'est sans doute cela qu'il véhicule au fond. L'amour pour tous les enfants sans distinction et l'amour pour l'être humain. Qu'il soit musulman, juif, laïc, pakistanais, afghan, Greg lui accorde toute son attention et sa présence. 
Or, souvent, les belles histoires suscitent des jalousies, attisent les critiques et poussent certains à mettre leur nez dans les moindres détails afin d'y trouver des failles. Mortenson n'échappe pas à la règle. Quand on fouille sur la toile, on y découvre les références d'un livre qui semble déconstruire pierre après pierre l'édifice qu'il prétend avoir bâti. Dans les différents articles de presse qui traitent de l'affaire, on peut lire différentes accusations qui vont à l'encontre de ce que raconte Trois tasses de thé. D'abord, l'alpiniste aurait menti quant aux circonstances de son ascension et de son prétendu sauvetage. Ensuite, il aurait enjolivé l'histoire de sa rencontre avec les habitants de Korphe et largement inventé son expérience du kidnapping. Finalement, le scandale le plus fort concerne les soupçons de fraude, le détournement d'importantes sommes d'argent normalement destinées à la construction d'écoles et qu'il aurait tout simplement utilisées pour son compte personnel. Platement, Mortenson s'excuse. Il reconnaît qu'il a effectivement embelli certains souvenirs. Il admet avoir mal géré les finances de son organisation et rembourse ce qu'il doit.
Deux choix se présentent alors au lecteur. Le premier consiste à tirer à boulet rouge sur l'américain et le mettre dans le même panier que les milliers d'autres humanitaires pourris, néo-colonialistes et profiteurs qui fourmillent dans le monde. On peut le classer dans la catégorie des égotiques en mal de reconnaissance n'ayant pas eu d'autre bonne idée pour se refaire la cerise que d'aller pavaner dans des contrées isolées en demande d'aide matérielle et financière, de manière à passer agréablement, bien que frauduleusement, pour un héros. Le second choix consiste à accepter que Mortenson ait commis certaines erreurs et à lui pardonner, à admettre que malgré des maladresses, il n'en demeure pas moins un homme de bonne foi qui, en proie au fonctionnement d'un pays de toute façon intrinsèquement touché par la corruption, n'a pas eu d'autre choix que de prendre part au système pour mener à bien ses projets.
A moins qu'il n'existe une troisième voie : celle du romanesque. Celle-ci consisterait à lire Trois tasses de thé comme une fiction, en mettant de côté les contingences politiques et les possibles erreurs volontaires glissées dans le récit - car, quand on lit un roman, l'accord tacite entre le lecteur et l'auteur est tel que l'on accepte absolument tout ce que celui-ci nous raconte. Alors, on pourrait en retirer le simple bénéfice de croire qu'avec de la volonté, de belles histoires de la sorte sont possibles, que nos rêves sont réalisables à partir du moment où on accepte de se battre pour les concrétiser. Il est évident que cette troisième voie pourra paraître naïve à certains. N'en ayons cure. Après tout, un livre n'est rien d'autre que la transcription subjective d'un point de vue. L'auteur est libre de l'écrire comme il l'entend. Le lecteur est donc libre de le lire avec une identique liberté. 

vendredi 27 septembre 2019

Port Cergy

Là tout de suite, comme ça, si on vous dit "viens, on va découvrir Cergy", ça ne vous fait pas rêver. Et pour cause : on imagine la pollution, le nord de Paris, les cités, le béton, le bitume et zéro nature autour. Et on ne peut pas dire qu'on ne soit pas largement dans le vrai. Les connaisseurs frémiront au seul nom de Saint Christophe, ville moderne, mais pas vraiment séduisante. Disons, peu adaptée à une partie de campagne. Là où on est dans l'erreur la plus totale, c'est quand on considère la région parisienne, péjorativement appelée la "banlieue", comme un ensemble cohérent de laideur et de crasse. Il est vrai que certains quartiers ne sont pas très tentants. Or, il existe aussi, à quelques minutes en transports en commun de la capitale, des coins merveilleux. Et je pèse mes mots. Des forêts, des fleuves, des collines, des villages, des fermes. Port Cergy est l'un de ces coins là. 
J'ai habité pendant 10 ans autour de / dans Paris, dont plusieurs années à quelques kilomètres seulement de Cergy, et je n'y avais jamais mis les pieds. Les a priori, sans aucun doute. Nous avons réparé cela il y a quelques temps, à l'occasion d'une pause pique-nique improvisée sur l'un de nos trajets variés et multiples. On a mis le doigt sur la carte, l'emplacement nous convenait. Il se situait pile au moment du déjeuner. Il y avait de l'eau. Il y avait du vert. On s'est garé. Et nous voilà partis au bord de l'Oise, rivière moins connue que la Seine (qui d'ailleurs est un fleuve dans lequel elle se jette) mais qui possède tout autant de charme. Bordée d'arbres, elle est un lieu idéal de promenade et de décompression, un endroit nécessaire dans les vies grises et agitées des parisiens débordés. Et c'est en suivant l'Oise que l'on arrive à Port Cergy, enclave chic et colorée sur le bassin de laquelle stationnent des bateaux qui n'ont rien de modestes. On y voit des yachts de passage assez fantastiques, mais également des bateaux qui stationnent dans le port de plaisance pour une durée plus longue. On a connu des lieux de vie plus pitoyables. Les immeubles qui entourent le bassin sont neufs, colorés à l'italienne, ce qui donne un petit air de Méditerranée à ce bout de capitale. Il paraît que les bars sont charmants et que le quartier est vivant. On veut bien le croire. Nous, on a juste posé nos fesses sur l'herbe, observé la vie qui s'échappait des fenêtres ouvertes, croisé un héron et considéré que vivre ici ne devait pas être si affreux que cela. Bien sûr, on ne peut ignorer que l'autoroute n'est pas loin et que la grisaille, dès le premier pas fait à l'extérieur de Port Cergy, reprend le dessus. D'ailleurs, nous, profondément ruraux, on ne pourrait pas supporter cette proximité. Mais si l'on fait abstraction des inconvénients et si l'on considère le lieu juste pour ce qu'il est, c'est un endroit très joli. D'autant plus qu'en allant vers le centre, vers Cergy Village, notre impression se confirme. Nous sommes séduits par l'église aux pierres solides et à la très belle architecture, qui rappelle qu'avant d'être la grande ville que nous connaissons, Cergy était une modeste paroisse dont le centre ancien conserve encore les vestiges. 
Nous ne le répéterons jamais assez : la beauté ne se trouve pas au bout du monde, elle est là où notre regard la voit, très loin, ou tout près. 









mercredi 11 septembre 2019

Dublin J3

Troisième et dernier jour à Dublin. Non contents d'avoir visité le très moderne et à la fois très historique Aviva Stadium, nous nous aventurons dans Croke Park, le troisième plus grand stade d'Europe après celui de Barcelone et celui de Wembley. Ce ne sont pas que les dimensions architecturales qui nous importent, bien que celles-ci soient impressionnantes ; ce sont aussi et surtout les dimensions culturelles et historiques qui nous intéressent. Au départ, Croke Park est un terrain vague de Dublin qui sert de lieu de rencontre pour les sports gaéliques comme le football gaélique ou le hurling (qui se joue avec une sorte de crosse en bois). Afin d'empêcher ce terrain d'être accaparé par des promoteurs dans le but d'y construire des logements, on l'entoure de murs sommaires. Ce n'est que bien plus tard que des tribunes seront construites. Nous sommes à la fin du XIXème siècle, période où les envies d'indépendance commencent à chatouiller fortement des Irlandais las de subir la domination Anglaise. Or, ce qui dérange l'occupant, c'est le caractère fortement politique de Croke Park : on y entretient la tradition, on y parle le gaélique, on y discute de l'Indépendance : c'est donc un lieu à soumettre à tout prix. C'est ainsi qu'en 1916, les troupes britanniques, ayant eu vent de quelque complot anti monarchique, s'introduisent dans le stade et tirent sur la foule et sur les joueurs, en plein match, un dimanche. Cet événement tragique est appelé le "Bloody Sunday" (à ne pas confondre avec celui d'Irlande du Nord, bien des années plus tard) et reste à jamais gravé dans la mémoire collective. D'ailleurs, lorsque l'autre stade de Dublin, l'Aviva Stadium, sera en travaux, au début des années 2000, Croke Park devra accueillir des rencontres internationales de rugby et de football. Les Dublinois se souviennent encore de l'appréhension générale au moment où a retenti la première note de l'hymne anglais, pays ennemi et coupable du massacre de 1916 et de bien d'autres drames pendant les guerres d'Indépendance. Une histoire que l'on ne connaît que très peu et qui en dit long sur le caractère fort de ce peuple uni, unique et fier de sa culture. C'est en sachant tout cela que nous visitons le musée avec d'autant plus d'intérêt et de respect pour ces deux sports gaéliques dont les joueurs sont restés des amateurs et dont le succès s'est répandu à travers le monde, au rythme des migrations. C'est ainsi que nous découvrons des équipes de hurling en Argentine et à New York, preuve s'il en faut de l'importance de la diaspora irlandaise. 



Après cette visite sportive qui s'est muée en visite culturelle et historique passionnante, il nous faut terminer ce séjour intense à Dublin par une escapade au grand air. A trente minutes de bus du centre-ville, la presqu'île de Howth nous attend. Dès l'arrivée, à travers les vitres de notre véhicule urbain, nous sommes séduits. Le petit port est charmant, peuplé de citadins venus humer l'air du large et déguster des fishs and chips à toute heure comme nous grignotons des chichis ou des glaces italiennes. Chacun sa conception gastronomique de la plage. La rue qui long le port est garnie de petits restaurants typiques qui offrent à peu près tous les mêmes plats de poissons, mais ont la particularité de servir des mets ultra frais, directement pêchés sur place. On comprend bien que l'activité touristique a cependant pris le pas sur celle, plus traditionnelle, de la pêche. Il n'en demeure pas moins que Howth a un petit goût de paradis perdu que l'on aime. Nous parcourons la jetée, aller et retour, jusqu'au phare ; admirons les îles ; saluons les oiseaux ; sourions aux passants. Il fait beau. C'est une magnifique journée ensoleillée, idéale pour paresser sur une plage. La première que nous découvrons étonne les habitués d'interminables étendues de sable fin que nous sommes : qu'elle est loin la mer ! Une immense langue de sable mouillé et de vase nous sépare du large. Impossible de se baigner. Impossible de s'asseoir. Nous allons voir ailleurs. Grand bien nous prend : de l'autre côté du village, après avoir grimpé une côte digne d'un sommet alpin, nous empruntons un escalier taillé dans la colline et descendons jusqu'à une autre plage, de galets cette fois, abritée du vent grâce à sa forme arrondie. Nous nous émerveillons devant cette superbe crique en haut de laquelle de belles demeures font face à la mer d'Irlande, bleue, magnifique. Là-bas, juste en face, c'est l'Angleterre. Mais ici, vraiment, c'est l'Irlande. 
Notre voyage se termine avec cette dernière image idyllique qui reste gravée dans notre rétine. Ce pays, ces gens, ces paysages, cette nature, cet accueil, ce patrimoine, cette culture, nous les garderons longtemps en mémoire. Longtemps. Car l'Irlande nous a touchés en plein cœur. 







dimanche 1 septembre 2019

Dublin J2

Deuxième jour à Dublin. Sous le soleil, nous commençons la journée par un passage devant le célèbre bateau Jeanie Johston, réputé pour avoir amené vivants tous ses passagers à bon port de l'autre côté de l'Atlantique, lors de la grande émigration qui a fait suite à la grande famine du milieu du XIXème siècle. Sur le quai, le Irish Emigration Museum doit raconter dans les moindres détails cet épisode traumatisant et marquant pour les Irlandais qui, d'ailleurs, se sont dispersés partout dans le monde en une véritable diaspora. Nous, nous avons rendez-vous avec le musée archéologique dont nous avions commencé la visite la veille, juste avant que le gardien interrompe notre concentration à 17 heures, moment de la fermeture. 
Préhistoire, Vikings, nous en apprenons des tonnes sur les premiers habitants de l'Irlande, leurs traditions, leurs modes de vie et leurs talents, notamment en ce qui concerne les bijoux : on peut en effet admirer des dizaines de colliers en or, en cuivre et en pierres semi-précieuses. Même les Vikings, pourtant réputés pour être de vaillants guerriers, y vont de leur petite bague toute en finesse. Dans une autre salle, ce sont les trésors religieux que nous découvrons, puisqu'on le sait, l'Irlande est un pays possédant une grande ferveur catholique. Au passage, nous remarquons qu'à partir du moment où le pays devient chrétien, tout ce qui a trait à la décoration et à l'expression du beau est en rapport direct avec la religion. Tout pour Dieu. Tant pis pour les hommes. C'est un choix. A la taille réduite de la salle consacrée à l'Egypte ancienne, nous constatons une fois de plus le caractère celtique de l'Irlande, si près du nord et si loin de la Méditerranée. En tout cas, le musée archéologique, magnifique, propose gratuitement au visiteur une passionnante aventure dans le passé. 
Et puisque ce deuxième jour est placé sous le signe du rattrapage, nous renouvelons l'expérience de la veille de pique-niquer au St Stephen's Green, cette fois-ci avec un temps beaucoup plus clément. Nous en profitons pour faire une visite complète du parc, lieu de verdure éminemment reposant et appréciable au cœur de la capitale. De plus, des statues d'hommes célèbres ponctuent les allées : une manière de retracer la révolution de 1916 à travers ses héros. 
Non loin de là, nous approchons notre nez des grilles du cimetière huguenot, caché entre deux édifices et qui, sur une pierre, fait la liste des huguenots français qui émigrèrent en Irlande au XVIIème siècle. On cherche un nom connu, en vain. Les histoires se croisent. Immigration, émigration, départs, arrivées, l'Irlande est décidément un territoire ouvert aux quatre vents. 
Nous nous dirigeons ensuite vers le château, dont il ne reste en réalité que deux tours et un pan de mur par dessus lequel on a eu l'idée originale de bâtir en bleu, jaune, rouge. Ici, on ose tout. Après tout, pourquoi ne pas adopter une politique de conservation des monuments historiques moins sévère. En France, on est peut-être trop stricts... ! Ce n'est pas le château qui nous intéresse. D'ailleurs, nous lui tournons le dos. Ce qui attire notre attention, c'est la Chester Beatty Library, peut-être la plus belle chose que nous ayons vue à Dublin. J'exagère sans doute et tout dépend des intérêts de chacun. Mais pour qui est passionné de livres et de papier, le lieu est une sorte de paradis sur terre. Les documents conservés ici ont tous été collectés par Sir Alfred Chester Beatty, riche industriel qui, au cours de ses séjours à l'étranger, a rassemblé un très grand nombre de manuscrit, livres et papyrus dont on voit une partie dans cette librairie qui se visite, elle aussi, gratuitement. Dans la pénombre des salles, face aux estampes japonaises, aux Corans dont la couverture est richement décorée, aux manuscrits bouddhiques, on est parcouru d'un frisson de bonheur comme on peut l'être devant un tableau de maître ou en entendant une symphonie. Quel lieu ! Et que dire du toit terrasse où l'on rêve de passer des heures à lire ou à méditer ? Que dire de cette vue sur le parc du château ? Que dire du grand hall à l'ambiance paisible, du restaurant, de la boutique qui regorge de trésors, si bien que l'on y passe autant de temps que dans le musée (j'exagère... si peu...) ? Vraiment, la Chester Beatty Library nous a envoûtés !
On sort de là groggy de plaisir, si bien que l'on a du mal à choisir entre la visite de Chrischurch ou celle de la cathédrale Saint Patrick. Finalement, la seconde l'emporte de par son caractère inévitable. Là encore, l'entrée est payante mais la visite vaut bien la dépense. L'édifice en lui-même n'est pas très grand, mais le dépliant est riche d'informations sur chaque recoin de l'église et nous nous arrêtons partout, en particulier devant le masque mortuaire de Jonathan Swift, le célèbre écrivain enterré ici et qui a été le plus célèbre des doyens de la cathédrale. Et puis, au moment où une chorale s'installe pour répéter des chants religieux, nous rangeons l'appareil photo, nous asseyons et nous taisons. Dans un lieu tel que celui-là, la magie opère, forcément. Nos yeux picotent. Nous sortons. 
La journée a encore été bien chargée. Fourbus, nous regagnons notre logement au nord de la ville. Quel bonheur de retirer nos chaussures ! 









samedi 31 août 2019

Dublin J1

Premier jour à Dublin. Première traversée de la ville d'ouest en est, en direction de la mer, pour parvenir à ce gigantesque quartier ultra moderne des Silicon Docks, nommé ainsi en référence à la Silicon Valley californienne. De même que sa grande sœur américaine, Dublin héberge en effet tous les grands groupes dédiés aux nouvelles technologies, moteurs de recherche, fabricants d'ordinateurs et autres réseaux sociaux, implantés dans ce pays dont les taux d'imposition leur sont très favorables. Que l'on adhère ou pas à ce genre d'entreprises, il faut admettre que le quartier, pour qui aime l'architecture moderne, est assez imposant, voire majestueux, ce qui peut faire hurler les amateurs d'architecture ancienne, mais après tout, vivons avec notre temps. Le long du fleuve, les immeubles de verre prennent un autre relief qui leur donne un peu plus encore de caractère. 
Autre construction ambitieuse : l'Aviva Stadium, temple du rubgy et du football irlandais depuis bien des années, depuis l'époque où il s'appelait encore Lansdowne Road. Ici ont eu lieu les plus grandes rencontres internationales et, même si tout a été détruit en 2006 et entièrement rebâti, il flotte encore au-dessus de cette pelouse, dans ces tribunes que l'on entend malgré nous résonner du chant des supporters, des souvenirs, des mythes, des histoires et l'aura de figures légendaires. On ne peut s'empêcher d'être ému quand on a regardé à la télévision des dizaines de matchs des joueurs en vert, dont on voit d'ailleurs quelques maillots dans le musée du stade. La différence de largeur d'épaules entre les tenues de 1915 et celles des années 2010 a de quoi effrayer. La préparation physique, la professionnalisation du jeu, on n'ose penser à d'autres causes moins avouables. Bien que ce stade moderne ressemble à d'autres enceintes sportives ailleurs dans le monde, celui-ci a une particularité : une tribune plus basse que les autres. Pourquoi ? Pour que les maisons situées derrière celle-ci ne se voient pas privées des précieux et rares rayons de soleil irlandais. Le climat dicte ses règles. 
D'ailleurs, quand nous pique-niquons dans le très joli St Stephen's Green Park, la pluie nous dérange. Malgré tout, la pause est salutaire pour nos pieds déjà bien fatigués. Les goélands ont beau nous harceler, ils n'auront pas notre déjeuner. Afin d'éviter d'éventuelles averses et pour profiter de la gratuité de nombreux sites culturels nationaux, nous entrons dans le sublime musée archéologique. Armés du plan et décidés à en écumer tous les étages, nous terminons à peine la première étape quand un gardien met tout le monde à la porte : ici, on ferme à 17 heures. Peu importe que l'on soit dans une capitale, touristique qui plus est et en plein mois de juillet. On ferme à 17 heures. Nous nous consolons de cet échec (mais ce n'est que partie remise) en pénétrant sur la pointe des pieds dans la National Library of Ireland. Dans la salle de lecture située à l'étage et à laquelle on accède par un large escalier, pas de photos, pas de commentaires, pas de conversation. Silence complet. Les chercheurs et les étudiants qui travaillent là, installés sur de belles tables de bois brillant, doivent parfois se sentir comme des animaux en cage que les touristes regardent avec plus ou moins de discrétion. A moins qu'ils ne soient trop concentrés pour se rendre compte de quoi que ce soit. En tout cas, le grand hall aux élégantes colonnes est un excellent endroit pour attendre la fin d'une averse. 
Après ces deux passages dans des monuments néo-classiques à vocation culturelle, nous ne pouvons faire autrement que de poursuivre notre visite de la ville par Trinity College. L'Université de Dublin est immense. Et verdoyante. Les bâtiments anciens qui entourent la cour pavée démesurée sont tous plus impressionnants les uns que les autres. On se dit qu'il ne doit pas être tellement désagréable d'étudier sur ce campus dont l'histoire remonte au XVIème siècle et qui a dû voir défiler un certain nombre d'étudiants brillants. On rêverait d'en être ! 
Après tout ce sérieux, un peu de légèreté nous fera le plus grand bien. C'est pourquoi nous rendons une petite visite de courtoisie à la célèbre Molly Malone, figure emblématique dublinoise créée de toutes pièces dans une chanson populaire, mais devenue tellement connue qu'elle en est quasiment devenue réelle. Preuve en est, sa statue qui trône en plein centre-ville auprès de laquelle les admirateurs posent pour la photo et dont les seins sont beaucoup plus clairs que le reste du corps, éclaircis par l'effleurement superstitieux de millions de mains baladeuses. Afin de terminer cette journée dans une même tendance épicurienne, nous nous perdons dans le petit quartier de Temple Bar réputé pour, comme son nom l'indique, ses bars. Une Guinness nous fait le plus grand bien après ces 10 ou 15 kilomètres à pieds parcourus dans la journée (quand on aime, on ne compte pas). Et puis, puisqu'il faut bien recharger ses batteries par l'estomac, nous nous installons dans la salle chaleureuse, toute de bois vêtue, du charmant Shack Restaurant. Viande de bœuf en sauce tendrement fondante. Poulet à la mode du Connemara. Poissons délicieux. Soupes roboratives. Service impeccable. Décor traditionnel en pleine ville. De quoi vous réconcilier avec l'existence ! 
Dublin, quel accueil ! C'est trop d'honneur... 









mercredi 28 août 2019

Cork dans l'ordre

Ce jour-là, Cork est disposée à me laisser choisir un itinéraire. Il faut dire que la journée de la veille a été fatigante. Riche, mais fatigante. Et puis, je pars le lendemain. Elle ne veut sans doute pas que je reste sur une mauvaise impression. En passant devant l'hôpital, une vieille dame à l'étage m'adresse un salut amical et tout sourire derrière la baie vitrée. Je lui réponds avec la même amabilité rieuse. La balade commence décidément bien. Je décide de débuter mon périple à travers la ville par une escale dans la cathédrale Saint Finbarr. Et comme Cork ne peut pas s'empêcher d'être la ville des paradoxes, on entre dans un temple anglican qui n'a pas grand chose de l'austérité protestante : richesse des décors, ors et peintures colorées, brillants. L'édifice en serait presque baroque. Vitraux, orgues. La totale. Et bien évidemment le sens du profit avec une entrée à 6 euros et, parsemées dans tout l'édifice, des incitations aux dons. La grande loterie de Dieu. Ceci étant, il faut bien entretenir cette superbe cathédrale.
Après ce déploiement de pierres, de verres, de marbres et de bois, l'appel de la nature est le plus fort. Cork m'autorise à faire le tour de son Lough, ce plan d'eau circulaire situé au sud de la ville, en la compagnie d'une multitude d'oiseaux de tailles, de couleurs et d'espèces différentes. Cygnes, oies, canards, poules d'eau, pigeons, mouettes et autres espèces dont nous ignorons le nom cohabitent dans un joyeux (et odorant) tintamarre, s'envolent en bande au-dessus des promeneurs et laissent à peine un espace libre pour marcher. Apparemment, ceci est leur domaine. Cette réserve naturelle improvisée placée au cœur d'une ville comme Cork est un havre de paix appréciable au-milieu du béton et des briques. 
Pourtant, ce n'est rien à côté du grand parc Fitzgerald qui jouxte la nom moins imposante Université. Austère, soit dit en passant. Mais enrichie par un rutilant complexe sportif tout neuf où il est possible de jouer, de courir, de nager et qui dispose même d'une crèche pour vous permettre d'y déposer vos bambins pendant que vous faites vos longueurs dans la belle piscine chauffée. Un luxe. A côté, donc, se trouve le Fitzgerald Park avec ses plates-bandes, ses fontaines, ses fleurs et ses arbres autour desquels les familles viennent aérer leurs enfants et les amoureux conter fleurette. Moi, je ne fais qu'imaginer le calme éventuel, car Cork y organise pour ma venue un bruyant et animé festival dédié aux communautés LGBT. Une sorte de folle garden party musicale et ludique où tout le monde se retrouve et s'amuse, rit aux éclats et partage un moment de convivialité dans la plus grande sérénité (trois policiers tranquillement assis dans leur camionnette en train d'écouter la radio constituent le seul contingent de surveillance de ce rendez-vous, ce qui en dit long sur le caractère pacifique des Irlandais). 
Finalement, derniers ahanements, me voici au sommet de la ville - la vue en vaut la chandelle - devant les portes de l'ancienne prison, la Cork City Gaol. Moi franchement, ça me fait froid dans le dos de visiter ce genre de "musée". Mais je crois que ce que Cork a voulu me dire, c'est d'abord qu'elle est une ville révolutionnaire et que l'Indépendance a été gagnée ici de haute lutte (d'ailleurs, cela froisse les Dublinois, mais Cork serait en droit, de par ses actions héroïques en faveur de la liberté de l'Irlande, de prétendre au titre de capitale du pays) ; ensuite, c'est de me faire rentrer dans le crâne qu'elle est une ville de paradoxes, comme le sont les belles personnes : tiraillée entre l'hier et le demain, bien campée dans le temps présent, fière de ses cicatrices et avide d'avenir. Et qu'une ville, comme une personne, ça ne se juge par au premier coup d’œil. 
Merci pour la leçon, Cork. Merci pour la visite. Et pour la récompense : ce repas illustrant ces paradoxes que nous venons d'évoquer dans la très chic Spitjack Rotisserie dans laquelle des d'élégantes dames en robes de noce viennent déguster en s'en mettant plein les doigts des viandes rôties dans une ambiance distinguée et une déco bistrot zen. En tout cas, le hamburger maison est savoureux et très finement présenté ce qui, en soi, est tout un paradoxe.