vendredi 30 novembre 2007

Juan Gelman

Le Prix Cervantes de littérature a cette année été attribué au poète argentin Juan Gelman. Né en 1930 à Buenos Aires, il est issu d'une famille juive ukrainienne. Depuis tout jeune, il lit Pouchkine en russe, sa langue maternelle, et c'est cette expérience de l'exil marquée en lui qui inspirera toute sa poésie. Exil de ses parents, et son exil propre aussi, forcé de quitter son pays dans les années 70 à cause de l'arrivée au pouvoir de la dictature et de son engagement politique dans des organisations révolutionnaires. C'est d'abord Rome, et le Mexique où il vit aujourd'hui. Une vie marquée aussi par les drames de cette époque agitée, celui d'abord de la mort de son fils et de sa belle fille, inscrits dans la longue liste des "disparus", et des années, presque une vie, à rechercher sa petite fille, enlevée à la mort de ses parents et qu'il retrouve en Uruguay 23 ans plus tard. C'est cet engagement politique qu'il intègre dans sa poésie, même si celui-ci ne prend jamais le pas sur la création, chez un artiste qui dit lui même être "marié avec la poésie". Dans ses poèmes, dans lesquels reviennent souvent les thématiques liées à la mémoire, l'exil, la lutte contre l'oubli, l'amour aussi, Gelman joue avec la langue, la crée et la recrée dans une recherche perpétuelle du mot, du signe juste qui pourrait exprimer ce qu'il ressent. Néologismes, parler populaire de Buenos Aires, images, métaphores, le monde de Gelman est difficile à pénétrer mais laisse voir des trèsors d'expressions dès la porte franchie.
de los deberes del exilio:
no olvidar el exilio/
combatir a la lengua que combate el exilio!
no olvidar el exilio/o sea la tierra/
o sea la patria o lechita o pañuelo
donde vibrabamos/donde niñabamos/
no olvidar las razones del exilio/
la dictadura militar/los errores
que cometimos por vos/contra vos/
tierra de la que somos y nos eras
a nuestros pies/como alba tendida/
y vos/corazoncito que miras
cualquier mañana como olvido/
no te olvides de olvidar olvidarte
(Extrait de Bajo la lluvia ajena, 1980)

mercredi 28 novembre 2007

Concert

( Photo:Martin Chambi)

LA FLOR DE PAPA
Concert en hommage à la Pomme de Terre
Trésor du Pérou, trésor des Andes
à l’occasion de l’Année Internationale de la Pomme de Terre - 2008

Chants, musiques et danses du Pérou, avec la participation de
Canela, Ricardo Delgado, Luis Deza, Estampas del Perú,
Hilda Taki-Wayna Taki, Federico Tarazona, Perú Andino,
Santa Lucía, Somos Perú

Ambassade du Pérou en France
Délégation du Pérou auprès de l’Unesco

Mercredi 5 décembre 2007, Maison de l’Unesco, Sala 1, 19h
125 av. de Sufren, Paris 7e

Entrée: 15 €, T.R. 10 €, E : 5 €
Fnac –Virgin- Ticketnet

Rens. 0153704200 / 0145682931


samedi 24 novembre 2007

Salut l'artiste

Ce vendredi 23 novembre s'est éteinte à La Paz une des plus grandes étoiles du football bolivien, le défenseur Oscar Sanchez, tout juste âgé de 36 ans.
Oscar Sanchez avait commencé sa carrière avec le club cochabambino de la Aurora, et était ensuite passé dans plusieurs grands clubs boliviens et argentins. Il y a un an, il avait ressigné avec le club The Strongest, celui qui l'avait révélé. Mais surtout en 1994 il faisait partie de la sélection bolivienne au Mondial qui se déroulait aux Etats-Unis. Il était alors tout jeune encore, seulement âgé de 23 ans mais déjà sur le chemin qui le mènerait jusqu'à devenir une véritable légende. C'est l'histoire du homme, au courage hors pair, jamais vaincu, qui ne baissait jamais les bras, mais qui malheureusement a perdu ce vendredi son dernier match, celui contre ce cancer qui l'a emporté en moins d'un an.
Aujourd'hui toute la Bolivie est en deuil, en particulier sa ville natale de Cochabamba où il sera enterré demain.
Salut l'artiste...

vendredi 23 novembre 2007

Manger les pissenlits... sous le pont

Isidro l'a échapée belle! En Bolivie, à chaque fois que l'on construit un édifice, une maison, on fait des offrandes à la Pachamama, la ch'alla, pour que la Terre Mère ne se fâche pas et nous donne l'autorisation de lui emprunter un peu de terrain pour nos constructions humaines. Et tout le monde sait que si on veut vraiment lui faire plaisir, il faut lui offrir du sang, un sacrifice de lama par exemple, parce que la Pachamama aime le sang, c'est un aliment qui lui plait.
Revenons à l'actualité. Près de la Paz, on construit un pont. Et on doit faire la ch'alla. Jusque là tout va bien. Sauf qu'on fait boire plus que de raison le malheureux Isidro, on lui met deux trois coups derrière la caboche et on décide de l'enterrer vivant sous le fameux pont, comme offrande humaine. Ce n'est qu'au bout de quelques jours que la femme de Isidro retrouve son mari, qui par chance a réussi à s'échapper dans la montagne.
Voilà ce qui arrive quand on force un peu trop sur l'alcool. Le journal Los Tiempos prend cependant l'histoire très au sérieux, et évoque avec un grand lyrisme "L'histoire de ce paysan de l'Altiplano bolivien, l'une des zones les plus tristes du pays le plus pauvre d'Amérique Latine, fait partie de l'une des plus obscures traditions des indiens aymaras, qui pour chaque construction les oblige à faire une offrande à la Terre Mère, la Pachamama."
De là à faire des aymaras un peuple de sauvages arriérés, de la Bolivie un pays attardé et de superstitions et de la Pachamama une déesse assoifée de sang, il n'y a qu'un pas... que le journal franchit allègrement et apparemment sans aucun problème de concience. Voilà qui donne encore à réfléchir sur les orientations et les manipulations de la presse en Bolivie qui une fois de plus cherche à faire passer les compatriotes de Evo Morales -et le Président lui-même par la même occasion- pour des dégénérés.
Une fois de plus donc, ayons un regard critique sur ce que l'on tente de nous présenter comme de l'"information"...

jeudi 22 novembre 2007

Soupe à la quinoa

Après quelques semaines de mise au point en cuisine, voici une recette de soupe à la quinoa.
Ingrédients pour deux gros estomacs:
-2 cuisses de poulet
-2 pommes de terre
-1 carotte
-1 demi navet
-1 oignon
-de la quinoa
-quelques épices
-un bouillon cube
Tout d'abord, couper les légumes en petits morceaux
Découper aussi les cuisses de poulet en deux et retirer le surplus de graisse. Faites les dorer dans l'huile d'olive dans une grande casserole.
Ajouter: -l'oignon, le navet et la carotte et couvrir avec 2 litres d'eau.
-du gros sel, des herbes de provence, du piment doux et du piment plus fort.
-le bouillon cube
Quand les carottes sont cuites (!), ajouter la quinoa (2 poignées par personne).
En dernier ajoutez les pommes de terre. (en dernier seulement car la quinoa met plus de temps à cuire)
Servez bien chaud!

mardi 20 novembre 2007

Chats boliviens

(Photo:Luis CHUGAR)
Voici deux jolis spécimens de matous boliviens en fête, joyeux lurons en devenir et heureux de leur sort...

samedi 17 novembre 2007

On s'en doutait un peu...

Arte vient de diffuser un reportage où on montre une équipe de chercheurs qui soit disant nous font une grande révélation concernant la chute de l'Empire Inca. En juin 2007 en effet, dans la nécropole de Puruchuco -un site archéologique proche de Lima- on découvre le corps d'un indien tué par balle, en fait le seul corps retrouvé d'une victime de la conquête et qui témoigne de la violence des combats qui ont pu avoir lieu dans les années 1530. Les archéologues remarquent aussi que de nombreux corps -environ 72- ont été enterrés à la hâte, et pas selon la coutume inca qui voulait que les défunts soient enterrés dans la position foetale.

La grande découverte c'est que tous ces indigènes ne sont pas morts par balle. Beaucoup portent des traces de blessures causées par des armes indigènes: haches de pierre, flèches... Ceci prouverait donc que les récits des espagnols affirmant qu'une poignée de conquistadors serait venue à bout des troupes incas infiniment plus nombreuses sont erronés, et que de toute évidence ils auraient reçu le soutien de tribus indigènes pour faire tomber les Incas.
Il semble cependant que l'on s'en doutait un peu. En effet, on sait que les espagnols ne furent pas les premiers conquistadors dans les Andes, ayant été précédés par les Incas, au départ simple ethnie qui a peu à peu, à force de guerres et de conquêtes, ont étendu leur influence jusqu'à devenir le plus grand Empire d'Amérique du Sud. On le sait, les Incas ont soumis de nombreux peuples qui malgré le résultat ont toujours gardé une dent contre les envahisseurs. L'image romantique qui voudrait que l'Empire Inca ait été une société pacifique et tolérante qui a su intégrer plusieurs peuples avec leurs cultures est un peu dépassée. En Bolivie par exemple, des coutumes et des croyances remontant à l'époque préincaïque de Tiahuanacu sont toujours vivantes et les aymaras qui revendiquent leur origine et leur culture se posent par conséquent comme un peuple insoumis par les différents conquistadors successifs, Incas compris puisqu'on sait que la langue de l'Empire était le quechua et non l'aymara.
Alors il semble logique que certains peuples, voyant l'arrivée des espagnols, se soient alliés à eux pour se retourner contre les Incas qui les avaient conquis. Ici, il semble que Arte propose avec ce reportage d'enfoncer une porte ouverte. Il ne s'agit en fait pas d'une grande révélation mais de la simple preuve de qui était déjà acquis, une clé aussi pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans les Andes avec les différentes revendications du "nationalisme indigène". Au passage le titre évoque la "révolte inca", il aurait plutôt fallu parler de la révolte... mais de qui en fait? Qui étaient ces peuples qui se sont soulevés contre les Incas lors de cette bataille de Lima? Nous restons sur notre faim...

mercredi 14 novembre 2007

Les mines de Peisey Nancroix


Peisey Nancroix, petit village de Savoie, était jadis connu pour ses mines de plomb argentifère. L'école des Mines y est même transférée en 1802: les élèves y viennent l'été pour suivre les cours relatifs aux métiers de la mine, et l'hiver ils logent au séminaire de Moûtiers où on leur dispense des cours théoriques. En 1814, la Savoie repasse sous administration Sarde et l'école des Mines retourne à Paris. La mine de plomb argentifère de Peisey a été exploitée depuis le milieu du XVII ème siècle jusqu'en 1866.
(Photo:Emi)
Après avoir été gérée par des compagnies privée, elle est nationalisée par la Révolution française qui baptise la commune de Peisey du nom de "Mont d'Argent". Aux XVIII ème et XIX èmes siècles, l'importance de la production -lingots de plomb et galettes d'argent- en fait une des grandes mines de la région. Cependant la mine rencontre des problèmes en ce qui concerne la main d'oeuvre: en effet, les travaux des champs de cette commune de montagne rendent indisponibles les hommes durant les mois d'été.
(Photo:Emi)
Ce sont donc les femmes qui finissent par faire le travail de laveuses ou affineuses du minerai. A partir du milieu du XIX ème siècle la mine s'appauvrit: les peiserots émigrent à Paris où ils s'illustreront dans de nombreux ateliers de bronziers d'art.
Il reste aujourd'hui sur l'emplacement des anciennes mines quelques ruines énigmatiques cependant expliquées par des panneaux où sont décrites les différents étapes de l'exploitation et du traitement du minerai. Un parcours instructif et fort intéressant sur ce patrimoine encore peu connu de la Savoie.
On apprend que l'usine fonctionnait grâce à l'energie hydraulique -l'eau venait de l'Arc qui passe dans le village-. Le minerai était hissé à la surface par un baritel, sorte de treuil mû par la force de l'eau. On comprend donc que le principal danger était l'eau et l'inondation des galeries. Le minerai était ensuite broyé, lavé puis fondu dans des demis hauts fourneaux où l'on séparait le soufre, le plomb et l'argent.

(Photo:Emi)

La mine comprenait également une scierie qui fabriquait les boiseries pour les galeries et fournissait le charbon de bois pour les fourneaux. (C'est d'ailleurs cette utilisation intensive du bois qui viendra à bout des forêts alentours).
En ce qui concerne le travail des mineurs, ceux-ci travaillaient en deux "tours" de 8 heures en continu et leurs outils -fabriqués à la forge de la mine- étaient assez rudimentaires: pic, mailloche pour creuser, poudre et explosif pour dégager la veine. Ils étaient munis de lampe à huile de noix. On sait qu'avant de rejoindre leur poste de travail, tous les mineurs se rendaient à la chapelle située au début de la galerie pour prier.

Pour l'instant, ce patrimoine industriel est encore conservé et on peut être visité en suivant un petit circuit. Mais peu à peu le temps va encore endommager les ruines... Il est temps de comprendre que le patrimoine des Savoies ne se résume pas aux belles montagnes et aux Alpages mais que la région fut et est toujours une grande région industrielle.












(Photos:Emi)

mardi 13 novembre 2007

Voix de femmes

Fernanda Romeu Alfaro, El silencio roto, mujeres contra el franquismo, El viejo Topo, 2a edicion, 2005
C'est bien connu, les livres d'histoire sont souvent ennuyeux, pleins de dates et d'analyses très complexes. Mais on tombe parfois sur des chefs d'oeuvre, des travaux qui apportent autant par leur documentation que par leur nature propre.
C'est le cas de ce magnifique ouvrage de l'historienne espagnole Fernanda Romeu qui retrace le parcours de femmes contre le franquisme à travers leurs témoignages. Après des années et des dizaines d'enquêtes et de recherches, après des refus de publication de la part d'éditeurs pas encore prêts à affronter un passé encore tabou, une première édition du livre sort enfin, autofinancée par l'auteur elle même qui refuse de baisser les bras devant ces silences qui sont encore complices à leur manière.
L'édition de 2005, la deuxième, est remarquable dans tous ses aspects. Elle se divise en trois parties: une première partie concerne les témoignages écrits; la deuxième, sans doute la plus intéressante, est un recueil de témoignages oraux de femmes sur leur engagement contre le franquisme, en tant que femme de détenu dans les premières années, en tant qu'activiste politique vers la fin de la dictature. Ces témoignages, sans être véritablement analysés par l'auteur, bruts, spontanés, retranscrits fidèlement, mettent en lumière toutes les contradictions de cette période noire de l'histoire de l'Espagne, tant du point de vue des stratégies suivies par les différentes organisations de femmes ou féministes -elles insistent elles-mêmes sur cette différence- que du point de vue personnel et éthique, une lutte qui se joue aussi dans la propre conscience des femmes.
La troisième partie se compose de lettres écrites à sa mère par une jeune femme de 19 ans fusillée par la dictature en 1939. Ce témoignage poignant se passe de commentaires.
Enfin, cette édition est augmentée d'annexes qui démontrent toute l'étendue et l'importance du travail mené par Fernanda Romeu au cours de ces années.
Elle conclut elle même:
"Ces dernières années, on tente de présenter ce qu'a été la guerre civile et le franquisme comme une chronique pleine d'anecdotes sentimentales et larmoyantes, en occultant ce que cela fut en réalité: un affrontement idéologique. Une lutte de confrontation d'idées. Face au fascisme, une pensée pleine de liberté et d'esprit révolutionnaire. Aussi bien les médias que des publications de genre littéraire tentent de banaliser ce thème. L'Histoire ne doit jamais être au service de la Littérature, en ce que cela suppose que l'on masque la réalité des faits. On ne peut pas mettre un "point final" à une Histoire -comme d'anciens hommes politiques l'on dit dernièrement-, au sujet de laquelle il reste encore beaucoup à dire, quand il existe actuellement des Archives inaccessibles à la consultation. Ce livre n'est pas un texte conventionnel. On tente d'effacer la mémoire et d'imposer une histoire officielle. Le fameux "concensus" a été l'expression du triomphe de l'amnésie collective, mais ce qui demeure depuis toujours, ce qui sera toujours debout, c'est cette volonté de compromis historique que j'assume pour que les jeunes générations connaissent le Passé pas si lointain d'une Histoire où des centaines de femmes ont fait de la Solidarité un objectif de vie."

lundi 12 novembre 2007

La doble Copacabana

Hier soir s'est achevée la course cycliste la plus haute du monde, la Doble Copacabana. Et cette treizième édition a vu la victoire, pour la première fois, d'un bolivien, Oscar Soliz. L'honneur est sauf, car depuis 1997 la course n'avait été gagnée que par des colombiens.

La Doble Copacabana se court sur 6 jours au cours desquels les coureurs parcourent une distance de 900 km à travers l'Altiplano bolivien. La première étape se déroulait cette année à Oruro, la deuxième entre Oruro et la Paz, la troisième arrivait à Desaguadero -à la frontière avec le Pérou- et comprenait la dure ascension du Yoco Yoco. Lors de la quatrième étape les coureurs faisaient un circuit sur l'Altiplano pour arriver dans la ville de Viacha. La sixième étape est celle qui donne son nom à la course puisqu'elle mène de la Paz à Copacabana, au bord du lac Titicaca, en passant par el Alto. Notons que pour cette partie de la course tout ce beau monde traverse en bateau le détroit de San Pedro de Tiquina pour rejoindre Copacabana. La course se conclut le dernier jour par un retour à La Paz.
Cette année, pour la treizième version, 19 équipes étaient au départ de Oruro. Et comme nous l'avons dit c'est un bolivien de Potosi, Oscar Soliz, qui s'est illustré en gagnant cette épreuve de force de 6 jours qui ne descend pas au dessous des 4000 mètres d'altitude. Bravo donc!

jeudi 8 novembre 2007

Chat alors!

Il paraît qu'en Suisse, la nouvelle mode est de faire des manteaux et des fourrures en peau de chat. Esthétiquement ce n'est pas si mal mais les habitants de Savoie commencent à s'inquiéter pour leurs matous... Alors ils les cachent, de peur de les retrouver sur le dos de leurs voisins helvétiques. Chat alors! Les Suisses sont très en avance sur la mode. A quand le sac à main en écailles de poisson rouge?

Les 7 plumes de l'Aigle

Henri GOUGAUD, Les sept plumes de l'Aigle, Seuil, 1995.
Nous voilà plongés, à travers l'histoire de Luis -posée dès le départ comme vraie par l'auteur qui l'aurait retranscrite après des heures de discussions avec ce personnage hors du commun- dans un univers magique et envoutant: celui d'un récit d'iniciation, celui des Andes, de la Bolivie et du Pérou, celui des aigles et des chamans.
Que dire de l'histoire? Luis perd sa mère, une indienne quechua, très jeune. Dès lors, il rejette en bloc tout ce qui peut être blanc en lui -et hérité de son père- et décide de partir vers le Nord, vers les hauts plateaux de Bolivie, à la recherche de celle qui lui a donné la vie et qui, il en est persuadé, l'attend là-bas. Ce voyage le mène, au gré du vent et de son destin, dans les ruines de Tiahuanacu où le chaman Chura se charge de l'initier à la vie.
"Je me suis accroupi, j'ai pris un grand coup d'air, j'ai enfoncé ma tête dans l'eau, lentement, et j'ai osé ouvrir les yeux. Le soleil, au fond, caressait le sable, et le sable scintillait. Des millions d'étoiles, au gré de la houle, naissaient, s'étaignaient, renaissaient ailleurs. Comme je contemplais cela, je me suis senti soudain prodigieusement vaste, sans questions, sans espoir, sans peur aucune, tranquille comme un dieu veillant sur l'univers. L'eau faisait à mes oreilles une rumeur d'océan. J'ai eu un instant la sensation que des mains amoureuses palpaient ma figure, mon cou, mon crâne. (...)
Le Chura m'a dit:
-L'eau est une porte. le vent, la pluie, la nuit, la neige, les pierres sont aussi des portes. Par n'importe laquelle de ces portes tu peux entrer dans la paix."
Après ces mois passés à l'ombre protectrice du chaman, Luis part vers l'ailleurs. C'est d'abord La Paz, Cuzco et le Machu Picchu, puis Lima, Ica, l'Equateur, la Colombie, le Guatemala et enfin l'Europe. Mais à chaque pas, où qu'il aille, dans les gens qu'il rencontre, le Chura est présent.
"Souviens toi que rien n'arrive par hasard."
C'est le secret de la première plume de l'aigle. Mais n'en disons pas plus, et laissons le lecteur s'émerveiller en même temps que Luis des choses qu'il apprend, des rencontres et du destin. Ne tentons pas de chercher des explications rationnelles à cette histoire et suivons le conseil du Chura en répétant cette phrase comme une clé:
"Et si c'était vrai?"
Un petit livre qui nous plonge dans les grands mystères de la vie, à lire pour son style simple, dynamique et très poétique. Qui sait ce que la Pachamama, les cailloux et l'aigle feront germer en nous? Qui sait ce que l'eau nous racontera et où le vent nous emmènera?...

mercredi 7 novembre 2007

Festival

4e édition du Festival de Cinéma Péruvien de Paris
Du 14 au 20 novembre 2007 à Paris

Au cinéma des Cinéastes
7, av. de Clichy - 75017 - Paris
Métro: Place de Clichy.

Film

Jeudi 8 novembre, "Quiero vivir"de Muriel Brener
Dans le cadre du Festival International du film des droits de l'homme
Au Cinéma Action Christine
4 rue Christine, 75006 Paris
Métros : St Michel, Odéon ou Pont Neuf
Ce Jeudi 8 Novembre le Festival des droits de l'homme vous propose à 20h30, à l'Action Christine, la projection de "Quiero Vivir", documentaire de Muriel Brener....
Muriel Brener a filmé pendant plusieurs mois des jeunes Indiens Aymara des rues d’El Alto, quartier de La Paz, en Bolivie, l’un des plus grands bidonvilles du monde.Hugo, Delia, Gustavo et Ronald font partie des jeunes pris en charge par une association, Enda Bolivia, qui leur offre les moyens de s’extraire d’une grande misère sociale et de se reconstruire. L’ONG a ouvert dans la capitale bolivienne des maisons où les jeunes sont accueillis, nourris, logés. C’est à ce moment de leur vie que la réalisatrice a choisi de les rencontrer, à un moment où les choses peuvent s’arranger.En parallèle des pérégrinations de ces adolescents, la crise enfle qui mènera à l’élection d’Evo Morales, premier Président indien de son Histoire depuis la fin du 19ème siècle.Ce film témoigne, par des histoires intimes, de cette période unique dans l’Histoire du pays.

Pour plus d'informations sur le film:http://quierovivir.free.fr/

Festival International du film des droits de l'homme:http://fifdhblog.blogspot.com/

mardi 6 novembre 2007

L'Arche de Zoé prend l'eau

Ayant eu une petite expérience cet été de ce que peut être l'humanitaire, je m'intéresse de très près à l'affaire Arche de Zoé. Je suis allée visiter le site de l'association -où d'ailleurs la rubrique "forum" ne fonctionne pas, sans doute serait-elle submergée de questions en cette période de crise- afin d'en apprendre un peu plus sur cette organisation qui est, et c'est le chapeau de la page d'accueil du site "une association à but non lucratif dédiée aux enfants orphelins". Elle a été créée lors du Tsunami pour venir en aide aux enfants et déploie aujourd'hui toute son énergie auprès de ceux du Darfour. Le but étant de sauver les enfants en les éloignant des zones de conflit, c'est-à-dire en leur trouvant des familles d'accueil -notamment en France mais également dans d'autres pays occidentaux. Je cite:
"En s’appuyant sur le droit international et l’aide des ONG, dans le respect du droit et des institutions du pays d’accueil, la famille d’accueil assurera l’intégration de l’enfant en déposant une demande de droit d’asile. Ces formalités sont très longues, mais pendant ce temps là, l’enfant aura été sauvé et mis à l’abri des dangers."
Et L'Arche de Zoé affirme qu'ils agissent sur la base de "documents officiels attestant de la situation d'orphelin, sans famille connue."
Dès le début cependant, comme pour se justifier, l'association prévoit et explique:
"L’Arche de Zoé s’exposera certainement aux foudres de Khartoum, de certains politiciens, de quelques philosophes ou autres «grands penseurs» qui vont crier au scandale en parlant d’éthique, d’illégalité ou de traumatisme psychologique des enfants déracinés…
Mais l’extermination en cours au Darfour, n’est-elle pas déjà scandaleuse, illégale et traumatisante ?
Le commerce du pétrole et des armes, entaché du sang des enfants, n’est-il pas déjà pas scandaleux, illégal et traumatisant ?
Les enfants orphelins du Darfour ayant vu leur village brûlé, leur famille massacrée, leurs sœurs violées ne sont-ils pas déjà exposés à des traumatismes et des périls beaucoup plus grands en restant au Darfour ?
Comme souvent, pendant que certains se trouveront une multitude de raisons de ne pas faire, d’autres essuieront les critiques mais agiront.
Il faut sortir de la logique des discours politiques stériles, de l’humanitaire alibi et des négociations diplomatiques interminables…"
Un discours somme toute assez violent et qui joue sur la sensibilité des européens -comme c'est souvent le cas dans les associations à but humanitaire, qui pour faire cracher les portefeuilles occidentaux ne s'embarassent pas de poésie et tiennent des propos volontairement choquants. Bref, ceci étant dit, il est vrai qu'il faut parfois en faire des tonnes pour être entendu.
Le problème est qu'ici l'Arche de Zoé prend l'eau et s'emmêle les pinceaux. On apprend aujourd'hui que les enfants en question que l'on doit à tout prix sauver du conflit ne sont pas du tout orphelins. C'est plutôt gênant. D'autre part, les prétendues familles d'accueil qui crient à l'injustice dans tous les médias en exigeant la libération des membres de l'Association retenus au Tchad ont à plusieurs reprises lâché le mot qui fâche d' "adoption"... De plus en plus difficile à assumer. L'Arche de Zoé aurait-elle un double discours? Doubles objectifs? Fini l'"humanitaire alibi", disait-on?
Quoi qu'il en soit, leurs méthodes n'ont rien d'humanistes: simuler une évacuation sanitaire pour pouvoir emmener des enfants est un peu osé. Comme le dit le site, on ne s'embarasse pas avec les formalités! Le vrai problème est que ces évacuations sont bel et bien illégales à partir du moment où les petits ne sont pas orphelins. Mais notre cher président semble bien décidé à étouffer l'affaire: il ramènera les volontaires sur le territoire français et on n'en parlera plus. Il vaut mieux parce que dans cette histoire tout le monde au gouvernement était au courant des pratiques de l'Arche de Zoé et personne ne les a arrêtées.
Pour conclure, il semble que nous devons plus que jamais nous méfier des prétendus utopistes à qui nous pourrions attribuer notre confiance au nom d'une cause pas toujours éthiquement juste. Alors comme les rédacteurs du site internet l'avaient prévu, je m'insurge, effectivement je parle d'éthique et d'illégalité. Et je parle surtout de manque de lucidité, car comment justifier un malheur -ceux d'enfants déracinés- par un autre -celui de la guerre? Il est bien joli d'évoquer les droits de l'enfant, mais le premier des devoirs d'un être humain est de respecter la liberté de chacun. Les enfants ne sont pas des animaux que l'on met dans des camions pour les sauver d'une inondation. Et même si elle est déchirée et maltraitée, la terre natale reste toujours le berceau d'une vie.

lundi 5 novembre 2007

"Recuperemos nuestro mar"

Ce week end est mort en Bolivie Orlando Rojas, compositeur et président de la Société Bolivienne d'Auteurs et Compositeurs -la Sobodaycom, équivalent de la SACEM-. Le Maestro se préparait d'ailleurs à participer à un séminaire sur la défense des droits d'auteur dans son pays. Orlando Rojas nous laisse en héritage pas moins de 400 morceaux qui comptent pour la culture bolivienne et qui sont d'ailleurs encore repris par de nombreux groupes. C'est d'ailleurs lui qui a écrit la fameuse chanson "Recuperemos nuestro mar", une marche sur le thème problématique de la mer en Bolivie. Il semble qu'elle soit toujours d'actualité...

samedi 3 novembre 2007

Voyage au Mexique

Désiré Charnay, Voyage au Mexique (1858-1861), Ginko éditeur, 2001.


Ce très bel ouvrage augmenté d'une introduction très instructive, de photos et gravures, de notes et d'un lexique est en fait le journal de voyage de l'aventurier, ethnologue et archéologue mais surtout photographe Désiré Charnay qui nous raconte son voyage au Mexique au milieu du XIX ème siècle. Sur fond d'agitation sociale due aux luttes politiques entre conservateurs et libéraux, Charnay parcours le Mexique d'avant la révolution, encore emprunt de colonialisme et marqué par des structures sociales qui diffèrent peu de l'époque de la conquête espagnole. Les indiens y sont encore considérés comme des sous hommes et les propriétaires d'haciendas et les curés sont plus que jamais les maîtres à bord. Charnay souscrit évidemment à cet esprit de supériorité des blancs, en témoignent ce passage:

"Tous ces indiens, nus ou en chemise, répandaient dans l'atmosphère une odeur sui generis qui soulevait le coeur: sales comme des peignes, ils avaient importé de leurs villages dans ce cloaque des échantillons de tous les parasites connus, et toute la vermine du globe semblait s'être donné rendez-vous dans cette infecte maison commune. Je ne pouvais sortir, il pleuvait à torrent. enveloppé dans ma couverture, au milieu d'une poussière vivante, je croyais littéralement sentir mon corps se mouvoir et changer de place."

Cependant, ce jugement, courant à cette époque -rappelons que les cabinets de curiosités étaient à la mode-, est parfois tempéré par des propos plus conciliants, certes plus guidés par un rejet des conquérants espagnols -Charnay adhère totalement à ce que l'on a appelé la "légende noire de l'Espagne"- que par une vraie sympathie pour les Indiens:

"L'Indien, en quelque part du Mexique qu'on le prenne, libre ou opprimé, est triste, silencieux, fatal: il semble porter le deuil d'une race détruite et de sa grandeur déchue; c'est un peuple qui meurt. Le nègre, au milieu des chaînes de l'esclavage, rit et danse encore; il a l'insouciance de l'enfant, l'ingénuité d'un peuple qui naît. La danse de l'indien a tout le cachet de son caractère: il glisse en mesure, piétine à peine, sa figure reste impassible, et le chant d'amour qui l'accompagne ne semble qu'une longue complainte."

Mis à part ces considérations sur les indiens qui portent son matériel de photographe, Charnay raconte quelques anecdotes savoureuses dans un style qui ne manque pas d'humour. En témoigne ses mésaventures avec son mulet:

"De mes trois animaux, ce mulet m'avait paru le plus intelligent. (...) Mais il avait un grand défaut et la prudence qui le faisait n'avancer que parfaitement sûr de son point d'appui donnait à sa façon de faire toute l'apparence d'une paresse invétérée; aussi me tenais-je volontiers derrière lui pour exciter son amour propre au moyen de quelques coups de pied bien appliqués. (...) Outre sa paresse, mon animal avait la mauvaise habitude de se plaindre sans cesse (...) En effet, il poussait à tout moment des soupirs épouvantables, des soupirs à émouvoirs les rochers de la route. (...) Mais le mulet avait un vice, un vice, hélas! dont je fis la douloureuse expérience: il était sournois et rancunier. Comme j'étais à cheval, les encouragements que je lui prodiguais touchaient à l'endroit sensible, et j'avais la bonhomie de croire à l'impunité. Il m'observait néanmoins de temps à autre, étudiant la position et mitonnant sa vengeance. Il finit sans doute par trouver l'instant favorable: au moment où je m'y attendais le moins et comme je me préparais à lui administrer une nouvelle correction, il fit brusquement un bond de côté et me lança fort adroitement une ruade qui m'atteignit au gras de la jambe."

...ou encore une de ces rencontres avec des personnages hauts en couleurs:

"Don Julio était parisien pur sang (...) S'étant vu ruiné dans une affaire de contrebande, il avait embrassé l'état de docteur qui lui réussissait admirablement (...) Rien ne l'étonnait du reste, il avait coupé des cuisses avec un rare bonheur, et les opérations chirurgicales les plus délicates ne le faisaient point reculer. C'est ainsi qu'il lui arriva de pratiquer l'opération du strabisme, et dans un cas exceptionnel. Un docteur étranger parcourait le pays, se donnant, comme spécialité, le traîtement des yeux et le redressement de la vue; mais soit charlatanisme, soit mauvaise fortune, il creva les yeux du premier patient qui lui tomba dans les mains; le malheureux fut aveugle pour le restant de ses jours. Don Julio, piqué par une noble émulation, s'empara d'une seconde victime, opéra le premier oeil, mais creva l'autre, c'était de toute façon un progrès, et c'est ici le cas d'ajouter que, dans le pays des aveugles, les borgnes sont rois."

Ce voyage au Mexique suit l'itinéraire des grands sites archéologiques et c'est au cours de ces premières expéditions d'aventuriers tels que Charnay, encombrés d'un matériel fort encombrant, que furent pris les premiers clichés photographiques des pyramides aztèques et mayas, bien avant que les touristes n'y mettent les pieds. L'édition ici présentée à cependant choisi de supprimer les passages descriptifs des ruines, préférant laisser une place aux magnifiques descriptions des paysages mexicains telle celle du volcan Popocatepetl qui conclue l'ouvrage.

A lire donc avec attention, pour le plus grand bonheur de tout aventurier qui s'ignore.

jeudi 1 novembre 2007

La fête des morts

L'expression peut sembler paradoxale mais aujourd'hui en Bolivie c'est bien la fête des morts. Contrairement à la France, le 1er et le 2 novembre on ne fait pas que regretter les gens qui ne sont plus; on les retrouve aussi à la Toussaint pour un jour de dialogue et de partage entre les vivants et les défunts. On convoque ce que l'on appelle les "ajayus", c'est-à-dire l'esprit des morts et on va jusqu'à matérialiser leur présence à travers la réalisation de figurines en pain. Ce sont les "t'antawawas" -t'anta veut dire pain en quechua- et dont le visage peint ou couvert par un masque est censé représenter le défunt.
Par ailleurs avec la "mesa", les parents du défunt lui font l'offrande des aliments qu'il aimait déguster de son vivant. Les bons petits plats, la chicha sont préparés la veille avec soin et le 2 novembre toute la famille va au cimetière pour les offrir au défunt.
Comme souvent en Bolivie lors des fêtes, la Toussaint est l'expression du syncrétisme religieux, tradition catholique des prières, conception andine de cette sortie des morts de leur demeure pour rendre leur visite annuelle aux vivants. Un jour de retrouvailles important pour les familles.