mardi 13 novembre 2007

Voix de femmes

Fernanda Romeu Alfaro, El silencio roto, mujeres contra el franquismo, El viejo Topo, 2a edicion, 2005
C'est bien connu, les livres d'histoire sont souvent ennuyeux, pleins de dates et d'analyses très complexes. Mais on tombe parfois sur des chefs d'oeuvre, des travaux qui apportent autant par leur documentation que par leur nature propre.
C'est le cas de ce magnifique ouvrage de l'historienne espagnole Fernanda Romeu qui retrace le parcours de femmes contre le franquisme à travers leurs témoignages. Après des années et des dizaines d'enquêtes et de recherches, après des refus de publication de la part d'éditeurs pas encore prêts à affronter un passé encore tabou, une première édition du livre sort enfin, autofinancée par l'auteur elle même qui refuse de baisser les bras devant ces silences qui sont encore complices à leur manière.
L'édition de 2005, la deuxième, est remarquable dans tous ses aspects. Elle se divise en trois parties: une première partie concerne les témoignages écrits; la deuxième, sans doute la plus intéressante, est un recueil de témoignages oraux de femmes sur leur engagement contre le franquisme, en tant que femme de détenu dans les premières années, en tant qu'activiste politique vers la fin de la dictature. Ces témoignages, sans être véritablement analysés par l'auteur, bruts, spontanés, retranscrits fidèlement, mettent en lumière toutes les contradictions de cette période noire de l'histoire de l'Espagne, tant du point de vue des stratégies suivies par les différentes organisations de femmes ou féministes -elles insistent elles-mêmes sur cette différence- que du point de vue personnel et éthique, une lutte qui se joue aussi dans la propre conscience des femmes.
La troisième partie se compose de lettres écrites à sa mère par une jeune femme de 19 ans fusillée par la dictature en 1939. Ce témoignage poignant se passe de commentaires.
Enfin, cette édition est augmentée d'annexes qui démontrent toute l'étendue et l'importance du travail mené par Fernanda Romeu au cours de ces années.
Elle conclut elle même:
"Ces dernières années, on tente de présenter ce qu'a été la guerre civile et le franquisme comme une chronique pleine d'anecdotes sentimentales et larmoyantes, en occultant ce que cela fut en réalité: un affrontement idéologique. Une lutte de confrontation d'idées. Face au fascisme, une pensée pleine de liberté et d'esprit révolutionnaire. Aussi bien les médias que des publications de genre littéraire tentent de banaliser ce thème. L'Histoire ne doit jamais être au service de la Littérature, en ce que cela suppose que l'on masque la réalité des faits. On ne peut pas mettre un "point final" à une Histoire -comme d'anciens hommes politiques l'on dit dernièrement-, au sujet de laquelle il reste encore beaucoup à dire, quand il existe actuellement des Archives inaccessibles à la consultation. Ce livre n'est pas un texte conventionnel. On tente d'effacer la mémoire et d'imposer une histoire officielle. Le fameux "concensus" a été l'expression du triomphe de l'amnésie collective, mais ce qui demeure depuis toujours, ce qui sera toujours debout, c'est cette volonté de compromis historique que j'assume pour que les jeunes générations connaissent le Passé pas si lointain d'une Histoire où des centaines de femmes ont fait de la Solidarité un objectif de vie."

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