samedi 30 novembre 2013

Toulx Sainte Croix (23)

Et si on allait au bord de l'océan, en Creuse ?...
Comment ça, il n'y a pas la mer dans la Creuse ? Bien sûr que si ! Vous en doutez ? 
Suivez-nous à Toulx Sainte Croix, dans l'est du département, tout près de l'Auvergne. On annonce une tempête sur le plateau, c'est le moment de monter au phare. La tour ? Non, le phare, vous avez bien entendu. Il suffit de monter les nombreuses marches et de se retrouver tout là-haut pour se rendre compte qu'on est bien au bord de l'océan, fouetté aux quatre vents. Est-ouest-nord-sud, le visage aux embruns, les rafales glacées, la brume sur l'horizon. Ne manquent plus que les mouettes et les bateaux. Par beau temps, paraît qu'on voit les montagnes. Mais, aujourd'hui, tout ce qu'on voit, c'est le brouillard océanique. Alors rêvons. 



En bas du phare (oui, oui, du phare), on peut marcher sur la lande, s'asseoir sur un rocher et deviner les côtes, au loin. L'espace d'un instant, imaginer l'ailleurs, l'autre rive, d'autres continents. 



Et puis, comme toujours dans les pays de mer, on entre à pas de loup dans la petite chapelle aux couleurs méditerranéennes, bleu liquide et ocre de la terre, pour se recueillir. Sainte Marie des tempêtes, priez pour nous.
Au retour de l'escapade marine, arrêtons-nous un moment à Boussac, petit port de pêche, désert en ce frileux après-midi du début de l'hiver. Pas un bar à l'horizon, pas un explorateur, pas un baroudeur en vue. Les maisons bourgeoises des armateurs ont porte close. Il faut se rentrer. Fait pas bon dans cette contrée. Rien ne vaut les vagues et les creux et les mystères de la grande flaque. 



jeudi 28 novembre 2013

Stockholm

(Texte prochainement publié dans la revue Aura du cercle littéraire belge Clair de Luth... et petit écho à la journée des violences faites aux femmes, le 25 novembre dernier. Texte qui est devenu une chanson cet après-midi... donc qui continuera à vivre...)

Stockholm *

Est-ce que ça se voit
qu’j’ai peur de toi
quand j’croise ton regard
qui m’broie dans l’noir,
est-ce que ça se sent
qu’y’a pas d’avant ?

Est-ce que ça s’lit
dans mes pensées
qu’j’ai honte la nuit
d’avoir tiré
la queue du diable qui s’balançait ?

Qu’c’est beau Stockholm,
C’est toi mon homme
Tu m’déraisonnes
T’es mon syndrome

Ma clé des champs
Dans ta serrure
Quand t’ouvres la porte
Je vois plus qu’toi
Je t’idolâtre
Et tu m’foudroies

J’vis sur le fil
De ton rasoir
Je glisse la lame
Sur mes poignets
Je m’hallucine...
J’te vois tomber

J’vois le sang couler
J’ai plein de remords
Qui va m’frapper
Maintenant qu’t’es mort ? 

* "Stockholm" fait référence au syndrome du même nom, qui met un nom sur l'empathie que les victimes peuvent arriver à ressentir pour leurs bourreaux. 

lundi 25 novembre 2013

Les déferlantes, le film

Je ne pouvais pas manquer ça ! Une adaptation du superbe roman de Claudie Gallay, dont je vous avais parlé dans cet article, et duquel j'avais eu du mal à me défaire une fois la lecture terminée. D'ailleurs, il est dans ma bibliothèque et fait partie des livres dont je ne me séparerai pas, même lors de mes prochains déménagements. Au fond, sans faire dans l'identification et la virtualisation à outrance, je suis un peu comme le personnage du roman : je pars sans cesse pour fuir quelque chose qui me suis pourtant à la trace partout où je vais. Mais c'est une autre histoire et là n'est pas le propos ce soir. 
J'avais envie de me replonger, c'est le cas de le dire, dans cette atmosphère de temps à l'arrêt, de vies suspendues au-dessus d'un océan déchaîné, de ressac des émotions, des souffrances, des peurs, de toute la noirceur qui peuple les vies humaines. Je n'avais pour une fois aucun a priori, juste un besoin de vent et d'océan. Bien m'en a pris. J'ai adhéré tout de suite à cette adaptation qui colle à l'oeuvre de Claudie Gallay, tant par la narration que par les dialogues, par les traits si bien redessinés des différents personnages et par les paysages époustouflants. Bien sûr, tout n'y est pas, et immédiatement après la dernière image, j'ai été comme déçue, demeurant un peu sur ma faim, car le roman est tellement dense et m'a laissé des images tellement précises que j'ai regretté l'absence de certaines scènes ou de certains personnages. Malgré tout, quelques jours après cette diffusion, mon impression est bien meilleure et reste celle d'une très belle réalisation, de magnifiques prises de vues qui mettent en valeur les paysages de la Manche et d'un regard, de la part de la réalisatrice, fidèle à cette petite musique du détail, à cette sensibilité à fleur de rocher que l'on peut lire dans le livre. Une bien belle fable admirablement incarnée par une Sylvie Testud qui colle au personnage. 

dimanche 24 novembre 2013

Quand les murs parlent

Belles fresques sur les murs de Chaville, dans les Hauts de Seine. J'aime quand les murs racontent des histoires, quand ils ne se contentent pas d'être simplement et banalement gris, mais qu'ils parlent pour nous faire rire, réagir, rêver. Combien de tags ai-je regretté de ne pouvoir prendre en photo avant de quitter la région parisienne, trop hauts qu'ils étaient, trop mal placés pour que je puisse m'arrêter sur le bas côté, éclairs de malice, clins d’œils à travers le pare-brise, compagnons de tous les jours, repères du non conformisme, art du possible et de l'insolence. C'est pourquoi chaque fois que je peux, je m'arrête devant le mur et saisis l'image, quand le message me parle, quand le mur se donne en spectacle.




mercredi 20 novembre 2013

Et vive la France...

Cela fait facilement des lustres que je ne vous ai pas parlé sport, et peut-être des mois que je n'ai pas poussé un de ces coups de gueules légendaires qui m'ont parfois valu d'être taxée de donneuse de leçon, mais là, c'est plus fort que le Roquefort, je sors de mes gonds, je pète les durites, j'explose, je m'énerve. Oui, que vous le vouliez ou non, je vais vous parler foot. Et équipe de France de foot. Je sais, dirons certains, j'avais dit que je parlerais sport, mais l'équipe de France de foot, est-ce bien encore du sport ? Je saisis tout à fait (à feu vif) la moelle de cette question. Nous y reviendrons.
Je développe (mon coup de pied).
On nous a rebattu les oreilles pendant des années (7 ans, c'est un cycle) avec cette fameuse équipe de France qui était censée être en reconstruction après le dernier fiasco en date. Des jeunes, du sang neuf, tu parles ! Du sang chaud, oui ! Et, surtout, pas le gaz à tous les étages. Génération grève dans le bus en Afrique du Sud, prostituées en j'en passe, et pas des meilleures. Quand on les entend s'exprimer, on a l'impression d'avoir à faire à des adolescents pas terminés d'une banlieue défavorisée. Et encore, ce n'est pas gentil pour les ados. Je me reprends : à des pas finis tout court, à des décérébrés, des andouilles, des tartes, des demeurés. Depuis toutes ces années, on se farcit des conférences de presse qui se résument à des "voilà" et à des "au jour d'aujourd'hui" et à des fautes de français en cascade, avec dans le rôle titre du crétin en chef, ce pauvre Ribéry, star de l'expression qui ne veut rien dire. La "routourne va tourner", mais oui, mon brave...
Côté jeu, n'en parlons même pas. Ou si, tiens, parlons-en. A quelles calamités en série n'a-t-on pas eu droit ! Une équipe qui n'en est pas une, composée de prétendues stars qui n'ont de star que l'image idéalisée et narcissique qu'ils se forgent d'eux dans leurs petits crânes vides. Mais, honnêtement, sur le terrain, que nous proposent-ils, ces ersatz de Zidane ? Rien, nada, néant. Des matchs à mourir d'ennui, ou de rire, c'est selon. Surtout si l'on s'arrête sur le ridicule concours de coiffure auquel se livre nos joueurs en bleu. Un vrai défilé de mode de la tignasse, un rassemblement d'apprêtés du tif. Quoi de neuf sous la perruque ? Toujours rien. Pas une seule lueur d'espoir, pas de victoire, aucun progrès pour ces jeunes gens qui semblent beaucoup plus motivés par les faramineuses liasses de fric qu'ils engrangent dans leurs grands clubs européens que par l'amour du maillot. Des capricieux, des sales gosses, puisqu'on vous le dit !
D'ailleurs, ce ne sont pas les rugbymans qui nous contrediront, eux qui mouillent la chemise jusqu'aux tripes à chaque fois qu'ils endossent le maillot de la sélection nationale, eux qui jouent devant un public en transe qui a compris depuis belle lurette que la Marseillaise n'était ni un chant guerrier dont il faut retoquer le texte, ni un hymne réservé à l'extrême droite, mais bel et bien un élan collectif, un leitmotiv, un cri d'union et de fête. Et, surtout, eux, les rugbymans, qui savent la valeur du mot respect. J'entendais ce midi à la radio une auditrice, fan de rugby, qui se disait avoir été horriblement choquée en regardant le match de football d'hier, face au vocabulaire ordurier que les joueurs français manipulent sans délicatesse. Sans doute ne savent-il pas que les images de la partie sont retransmises dans tous les foyers français ? Sans doute ne se rendent-ils pas compte que les gros plans permettent aisément de lire sur leurs lèvres d'analphabètes les "putain de ta mère" ou les "fils de pute" (sic) adressés aux aux adversaires ? Et comment tolérer, disait encore cette auditrice, le comportement agressif et contestataire des bleus envers l'arbitre ? 
Heureusement, grâce à ce fameux match d'hier, grâce à cette fabuleuse victoire, les vauriens, du jour au lendemain, sont devenus des héros. L'honneur est sauf. Après 90 minutes ponctuées par 3 buts français (dont 1 contre son camp d'un Ukrainien et 1 très largement hors jeu), la France se dirige vers la coupe du Monde au Brésil. Gageons que si tous les arbitres que nous croisons expulsent à tort, comme hier, un joueur adverse par match, que s'ils ferment les yeux sur les fautes et leurs oreilles sur les "fils de..." et autres insanités, gageons que cette merveilleuse équipe de France ira très loin dans la compétition. En tout cas, c'est ce que nous (ne) lui souhaitons (pas). 

dimanche 17 novembre 2013

Grandmont (87)

Ahhh... L'automne, les couleurs changeantes du ciel et des arbres, ces verts tendres et ses feuilles en feu, camaïeux de jaunes et d'orangés, de rouge vif et de roux... Les châtaignes... Le vent dans les sapins, l'odeur de la résine... Aucun endroit ne semble réunir toutes ces beautés et ces gourmandises dans un petit périmètre ailleurs que dans le Limousin.
Haute Vienne, 16 novembre. Le brouillard commence à s'installer et à remplacer le soleil, l'air se fait de plus en plus froid, le vent se lève et fouette les oreilles. Mais rien ne nous arrête, car rien n'est plus enivrant que de mettre le nez dehors quand les éléments ne sont pas si favorables. Les chemins sont déserts et les seuls personnages que l'on croise, au bord de l'hiver, sont de frêles chevreuils, lutins de la forêt au passage léger et irréel. Nous sommes dans le hameau de Grandmont, tout près de Saint Léger la Montagne, en Haute Vienne, au départ duquel on peut arpenter 18 km de sentier et partir sur les traces des moines et de l'ancienne abbaye. Chemins de pierres, ruines, murs anciens, on sent l'histoire à chaque pas. Le paysage est magique, et quel plaisir de se geler les doigts pour ramasser en quelques minutes des kilos et des kilos de châtaignes ! Des sentiers qu'on ne se lasse pas de parcourir, à toutes les saisons et par tous les temps...




jeudi 14 novembre 2013

Les oiseaux migrateurs sur le plat pays

Vous me direz, ici, il n'y a pas de montagnes ! Vous insisterez, mais qu'est-ce que tu fais là ? Vous vous demanderez, quel est l'intérêt de venir s'enterrer dans un plat pays quand son chez soi, ce sont les cimes ?...
Chez moi, oui, ce sont les cimes. Mais je me les réserve comme un cadeau. Pour le moment, je me guéris, je me soigne de dix ans de ciels gris et pollués, de circulation et de voisinage serrés, de pluies acides sur la peau, d'impression d'étouffer. Je prends l'air, je respire, je regarde l'horizon, je me laisse envahir par un ciel aussi vaste que l'océan, par l'infini au-dessus de moi. Je me nourris des levers de soleil sur la plaine, des reflets changeants des nuages, des dégradés de gris et de roses orangers du soir. Je goûte les vagues de pluie tout là-haut, les rideaux d'averses et les rais de lumière que le soleil tisse sur le paysage. Je me laisse embarquer par le saut d'un chevreuil devant moi, je m'émeus de son regard brillant qui me scrute, apeuré, avant de se faire la belle, légèrement, comme dans un rêve. Et je poursuis, immobile, le vol des grands oiseaux migrateurs. De là-bas, du nord, de la grande ville, je n'en entendais que les récits, je n'en percevais que les légendes, sans vraiment me rendre compte de l'événement, du don du ciel que sont les grands "V" que déploient ces géants dans leur vol. Et puis, depuis deux jours, je comprends. Je sursaute en les entendant, leurs cris aigus et denses, prenants. Je descends les escaliers quatre à quatre et je me rue à l'extérieur, le nez en l'air, pour les apercevoir. Alors, je frissonne, je tremble, fébrilité de l'enfant qui entrevois le Père Noël sur son traîneau. Mais en plus sauvage. Mais en plus grandiose. Les grues tournoient au-dessus de ma tête et je me dévisse le cou pour les accompagner du regard. Elles cherchent leur cap, un peu comme moi, parfois. Et puis, elles le retrouvent. Le grand V se reforme et c'est reparti pour le grand périple, la traversée de l'Europe. Béni soit le pays où j'ai posé mes valises d'être sur leur route. Car elles me transportent, elles me prennent avec elles et m'offrent le paradis dans cet instant magique. La possibilité du voyage...


Images prises hier à la Mer Rouge, l'un des plus beaux étangs du parc naturel de la Brenne. Chaque année, lors de la grande transhumance aérienne, les grues s'y rassemblent le soir pour s'y reposer, avant de reprendre leur vol dès l'aube du lendemain. Vues magnifiques de ces grands moments, prises par quelqu'un qui chaque année, comme un rendez-vous, accourt pour observer les grues et, faute de pouvoir les suivre jusqu'en Afrique, les enferme virtuellement dans la petite boîte. Merci maman !

mercredi 13 novembre 2013

Une vie de chien



Peter Mayle, Une vie de chien, 1995.
Selon un vieux dicton bloguesque, il faut toujours avoir un Peter Mayle sous le coude. Ou encore, selon un autre adage, Si tu es maussade en novembre, Peter Mayle saura te détendre. Et il fallait aussi cet auteur là pour avoir l'audace et pour réussir d'aussi belle manière à faire parler son chien. N'importe quel autre auteur aurait pris le sujet trop au sérieux, ou au contraire aurait fait un bide. Mais connaissant notre anglais préféré, il ne fallait pas craindre un tel désastre. Le livre est un bijou et il sait donner à Boy, son protagoniste à poils, toute l'envergure qu'il sait donner à ses autres personnages provençaux. Car Boy est un provençal pure race qui a élu domicile chez les Mayle, pour leur plus grand bonheur. A travers le récit de sa vie et de ses aventures, on est ancré dans cette belle terre de Provence, ses paysages, ses autochtones hauts en couleurs. Le ton est toujours le même et pourtant on ne s'en lasse absolument pas. Surtout, de cette dose d'autodérision et de cette langue tellement recherchée, à l'humour ravageur et qui fait mouche à tous les coups. Peter Mayle, une valeur sûre !

lundi 11 novembre 2013

Allex (26)

Voilà pourquoi j'ai quitté Paris. Voilà pourquoi j'ai fait un grand bond spatial : simplement, ni plus ni moins, pour me sentir à quelques quatre heures de ce sud-là, de ce p'tit coin d'paradis, comme aurait dit Brassens, mais sans les parapluies, pour le kif de palper cette terre-là. 
Ce matin, après les averses qui ont lavé le ciel hier et laissé en souvenir des couches de gris accrochées aux sommets, je me lance à la conquête - amoureuse, pas militaire - du village d'Allex. Tout est calme dans les ruelles et mes pas résonnent sur les vieilles pierres. J'ai l'appareil photo à la main et le coeur dans la poche, pour ne pas qu'il batte trop fort. Je ne veux surtout pas perturber la quiétude du lieu, cette symphonie du silence et de l'instant qui s'écoule ici, tel un fluide souterrain, le pouls au repos comme celui d'un vieux sage. Je ne cesse de monter et de faire grandir le sourire intérieur, qui va croissant proportionnellement à la beauté qui prend de l'ampleur au fur et à mesure que je grimpe. Je me retrouve tout là-haut, en plein mistral. Le regard embrasse l'horizon. L'air est limpide et transparent, les images se détachent comme dans un rêve. Je m'accoude au mur de pierres sèches et m'immobilise. 


Onze heures. Les cloches de l'église retentissent, mais ce n'est pas ce bruit ancestral que je goûte, c'est le silence qui s'ensuit, l'absence de son plus riche que n'importe quelle musique. Le rien qui résume à lui seul la perfection.

Je redescends par des ruelles, me faufile à travers des passages de plus en plus étroits et découvre des trésors. Portes colorées, oranger croulant de fruits dans une cour, terrasse avec vue sur la vallée d'une villa à l'italienne, morceaux de vies qui se cachent derrière les lourds murs, mais vies qui transpirent à travers eux et nous font des clins d'oeil discrets, pour peu que l'on sache les deviner. 





Pour rien au monde, jamais, je ne remonterai plus au nord que ce que je suis déjà trop, car c'est ici que tout prend racine, que la vérité se dévoile. C'est ici que la lumière est la plus belle et c'est de cette lumière que je me nourrirai désormais. Manger peu mais manger mieux. Et peut-être un jour venir y cueillir les fruits...

jeudi 7 novembre 2013

mardi 5 novembre 2013

Carnet de cuisine : Provence

Patrice Fender, Valérie Seguin, Carnet de cuisine : Provence, 2004.
J'aime les carnets de voyage, j'adore ça. Si je savais dessiner, qu'est-ce que j'aimerais en produire un, tout beau, avec dedans les paysages que je vois, les gens que je croise, fixés sur le papier d'un trait rapide et simple, instantané et poétique. Mais je n'ai jamais fait l'effort de creuser le sillon maternel (oui, je l'avoue maintenant, c'est maman qui faisait les si beaux dessins de mes cahiers de poésie...) et j'ai rangé les crayons. C'est pourquoi, quand j'écris, sans doute par amour pour l'image, j'essaie de faire des descriptions qui soient le plus fidèles possibles à ce que je vois. Je ne sais pas si j'y parviens, mais en tout cas j'y prends plaisir. 
Deuxième axe : j'adore les livres de cuisine. J'aime les ouvrir, les feuilleter, saliver, regarder les belles photos (me demander au passage pourquoi mes plats ne ressemblent pas à ceux des livres, même si j'en suis scrupuleusement les recettes... la faute aux colorants, sans doute, aux vernis pour aliments qui truquent les clichés bien comme il faut...), les tacher, les écorner, les annoter, jeter un coup d'oeil amical à leur couverture en les croisant dans ma cuisine.
Alors comment ne pas tomber sous le charme d'un "carnet de cuisine" comme celui-ci, un ouvrage qui allie le carnet de voyage avec dessins et collages, et des recettes de cuisine, qui plus est d'une aussi belle région qu'est là Provence, entre ciel et mer. Il est vrai que la cuisine en elle-même est un voyage, une surprise de chaque instant, une rencontre de l'autre, de ses traditions, de son mode de vie. Ce qui me plaît, dans ce livre-là, c'est qu'il m'offre un voyage immobile et trois façons de l'aborder : 1. se noyer dans le bleu des illustrations ; 2. s'évader en lisant les textes, véritables comptes-rendus de vagabondages ; 3. savourer la Provence en essayant quelques recettes et sentir les épices, les sucres et les sels de la vie dans cette région lumineuse et colorée.
Cela me fait penser que j'avais jadis commencé à tricoter une idée dans le genre, et puis, vous savez ce que c'est, les aléas de la vie, mes amis, mes amours, mes emmerdes, et que tout compte fait, je ferais bien de décongeler l'idée avant qu'elle ne perde trop de saveur...

samedi 2 novembre 2013

L'enfant de la jungle

Sabine Kuegler, L'enfant de la jungle, 2006.
"La vie en Europe est pour moi synonyme de tornade, elle arrive et m'aspire, m'entraîne avec elle, m'emporte dans un tourbillon de hâte de frénésie. J'ai l'impression que le temps passe trop vite pour que je puisse me retourner.
La foule nous cerne en permanence sans qu'on puisse lui échapper. Le bruit de la rue ou d'un chantier arrive jusque sous nos fenêtres. On entre en conflit avec la famille pour des raisons d'argent, d'infidélité ou d'indifférence, avec les voisins pour des broutilles... Et surtout, on n'a pas assez de temps, jamais assez de temps.
(...)
On part travailler le matin, on rentre fatigué le soir. A la fin du mois, on paie toutes les factures et on met le peu qui reste sur un compte d'épargne. Avec cet argent, on s'offre des vacances pour être à nouveau en mesure de supporter le stress de la vie quotidienne, et ainsi de suite. Pour rompre cette monotonie, on aspire au luxe. On s'endette pour acheter une plus grosse voiture, une plus grande maison ou des vêtements à la mode que l'on a vus dans les magazines et les vitrines. On possède finalement cette nouvelle voiture, on a éventuellement un peu d'argent sur son compte, mais l'insatisfaction est toujours là et on continue. C'est un cercle vicieux auquel je ne vois pas d'issue."


En empruntant ce livre dans ma nouvelle petite bibliothèque (qui recèle finalement quelques trésors, pour peu que l'on soit conseillé par la bonne personne, merci à ma chère bibliothécaire !), je m'imaginais lire le récit de l'adaptation difficile d'une famille dans la jungle, une sorte de livre d'aventures tropicales comme j'en ai lus tant d'autres et qui m'ont parfois ennuyée. Je ne prévoyais pas un seul instant que Sabine Kuegler allait nous emmener là où elle a choisi de nous emmener...
Loin d'être une fable sur le bon sauvage que l'homme blanc vient coloniser, ou encore un résumé barbant de construction de huttes et de repas indigestes avec des indigènes en pagne, ce témoignage est un retour sur l'enfance, un partage de souvenirs juvéniles, pour le coup comme tant d'autres, à la seule différence que Sabine fait revivre pour nous son paradis perdu, la jungle papoue de ses jeunes années. C'est dans ce coin reculé du monde, quasiment imperméable à toute modernité, qu'elle a vécu avec ses deux frères et sœurs et ses parents, anthropologues venus déchiffrer et retranscrire la langue d'une tribu oubliée. Evidemment, il y a de l'exotisme dans l'air, mais nous décelons de suite une nostalgie prégnante, celle exprimée par la jeune femme revenue en Europe pour y faire ses études, celle d'une enfant de la jungle qui a eu et a encore tant de mal à s'adapter à la vie sur le Vieux Continent. Autant de nouveaux codes à intégrer, de situations à affronter, ce qui nous amène tout droit à percevoir une inversion des préjugés : notre vie à nous, plus sauvage et agressive que celle des papous ? Pour Sabine, ce fut le cas, elle qui nous raconte avoir vécu dans une jungle qu'elle décrit comme un lieu protégé, où la solidarité règne en maître, ou chaque chose est à sa place et où le rythme est plus naturel que dans nos sociétés pressées et individualistes.
Un témoignage qui porte en lui la fraîcheur et la spontanéité, la générosité de ce qui se veut être un don, un partage. Un miroir pour un autre regard sur nos vies. 

vendredi 1 novembre 2013

L'automne sur les Puys


Arrivée sous un ciel d'azur, je n'ai même pas pris le temps de saisir l'image avec mon appareil photo, trop occupée que j'étais à admirer la brume matinale qui enveloppait encore les puys, montagnes comme flottantes au-dessus des vertes plaines qui n'avaient rien à envier à celles d'Italie. J'ai souvent séjourné en Auvergne sous la pluie, et le seul fait d'y être sous un ciel aussi limpide m'a absorbée toute une journée et m'a ôté le reflex d'emprisonner les montagnes dans la petite boîte.
Je comptais me rattraper aujourd'hui, et suis donc allée traîner mes chaussures de rando à l'ouest du département du Puy de Dôme, dans un petit coin de nature que je connais bien. Malheureusement, le ciel avait totalement changé de couleur. Au bleu avaient succédé des nuances de gris, acier, taupe, anthracite. Le paysage en était devenu plus austère, plus sévère. Et c'est en sentant les vagues de vent frais sur mon visage que je me suis dit que je vous ferais de toutes aussi belles photos ! Les arbres offraient un dégradé de couleurs chatoyantes, un arlequin de rouge, ocre, orange, jaune, brun, roux, qui rehaussait le tout et évitait que l'on se sente totalement oppressé ou envahi par la mélancolie de ce jour d'automne. 





Après une heure trente de marche, les images que je vous rapportent tentent de retranscrire l'ambiance de ce premier jour de novembre, quand l'automne est enfin arrivé et que l'hiver commence à frapper à nos portes. Ce sont des moments de joie intense pour la marcheuse que je suis, pour la photographe en herbe et l'écrivaine tout aussi amatrice, qui, enveloppée de nature, de grand vent et de nuages lourds, se sent plus inspirée pour travailler. Que voulez-vous, le ciel bleu, ça peut devenir lassant ! J'avoue quand même que j'ai déjà passé plusieurs mois en Bolivie sous des ciels d'hiver d'un bleu brillant, pur et quotidien et que je ne m'en suis jamais lassée... Mais contentons-nous de ce que chaque région peut apporter... Ici, un panorama changeant au gré des saisons et du climat, une nature enveloppante et rassurante, un monde tranquille, au rythme lent, où les rues sont des chemins de terre volcanique et où les enfants ne dessinent ni buildings, ni voitures, simplement des histoires de loups et de forêts...