mardi 29 juillet 2008

Exercice de diplomatie

Un article du National Geographic que je viens de recevoir m'interpelle aujourd'hui. Il est consacré à la chanteuse bolivienne Luzmila Carpio, également ambassadrice de son pays à Paris depuis 2006 et l'avènement au pouvoir du Président Evo Morales. La journaliste utilise toute sorte de qualificatifs plus valorisants les uns que les autres -"la princesse des Andes", "son port de tête et ses gestes harmonieux", etc- pour parler de celle qui est, c'est vrai et depuis des années, l'une des ambassadrices de la musique et de la culture boliviennes à travers le monde. Son discours d'ailleurs est très fort et son message toujours le même: protéger la nature, notre terre, la traiter avec respect dans le souci constant de conserver l'héritage que nous laisserons à nos enfants. Mais est-ce un discours suffisamment complet dans la bouche d'une ambassadrice? Qu'attend-on en Bolivie et en général de nos diplomates? Je me pose la question. Luzmila Carpio met sans aucun doute tout son coeur dans chacune de ses communications publiques pour transmettre les valeurs de son pays. Et la plupart des boliviens vivant en France respectent et appuient le contenu de ses propos, argumentant que le fait qu'une indigène ait été nommée à ce poste et soit leur représentante à l'étranger est la marque de la reconnaissance attribuée à leur peuple, la preuve que les quechuas et les aymaras de Bolivie sont aussi capables de jouer un rôle dans le monde. Une revalorisation salutaire et justifiée en quelque sorte. Cette opinion largement diffusée peut cependant se tranformer en argument à double tranchant lorsque les boliviens de France insistent sur la manière simple de parler de leur ambassadrice, sur le fait qu'elle utilise un langage qui leur est proche, loin des grandes phrases habituelles des hauts fonctionnaires pleines de conventions et de détours. "Elle parle comme nous, comme les indigènes de Bolivie, c'est le langage du peuple". Retournons un instant l'argument: certains, et cette idée existe aussi dans la communauté bolivienne de France, pourraient reprocher à Luzmila Carpio de s'exprimer justement de manière trop prosaïque, pas toujours très élaborée en français, et ainsi encore une fois attirer sur elle des réflexions de dévalorisation vis à vis des capacités présumées des indigènes à assumer un quelconque pouvoir. Selon eux un ambassadeur, malgré et au delà de ses origines, se doit de s'exprimer dans un certain niveau de langue, montrant par là même un certain niveau de formation afin de tirer son pays vers le haut à l'étranger. Alors au terme de cette reflexion -au cours de laquelle j'ai effectué un périlleux exercice de neutralité et de non engagement de quelque côté que ce soit...- je repose la question: qu'attend-on d'un ambassadeur aujourd'hui, et raison de plus en Bolivie, pays qui connaît un processus d'évolution profond en ce moment? Luzmila remplit parfaitement son rôle d'ambassadrice culturelle. Mais un ambassadeur n'a sans doute pas qu'un rôle culturel... Etant je l'avoue totalement ignorante quant aux secrets de la fonction, je n'en rajouterai pas, mais sollicite cependant l'avis de mes lecteurs sur la question!
(la photo du National Geographic)
(en tout cas aujourd'hui, quel exercice de diplomatie pour cet article!... tourner 7 fois sa langue dans sa bouche, peser ses mots, c'est tout un art, pas vraiment spontané je reconnais...!)

samedi 26 juillet 2008

Antisuyu 2008

Une lectrice vient de m'envoyer l'adresse du site et du bog de Thierry Jamin concernant son expédition au Pérou, et j'avoue que je m'empresse d'en parler ici, moi qui rêvais d'être archéologue! Thierry Jamin va en fait entamer une expédition dans la jungle péruvienne, dans laquelle on sait que les Incas s'étaient établis, et où il espère par conséquent trouver la présence d'un site archéologique important, trace d'une grande cité inca. Sur le blog:
on pourra suivre jour après jour son périple et qui sait être aux premières loges pour participer à la joie d'une éventuelle découverte.
Et sur le site web:
http://www.granpaititi.com/
on en apprend beaucoup plus sur Thierry Jamin, ses recherches et expéditions, etc...

Bref, le blog est déjà dans mes favoris et sur les liens de mon blog, aussitôt dit aussitôt fait! On se prendra donc pour des explorateurs, un peu par procuration, mais avec tellement de plaisir!

Des bobos dans la forêt

Je sais je réagis un peu tard sur le sujet, mais la chaleur ambiante et mon agenda bien rempli de prof en vacances m'ont un peu fait sortir de la tête ce que je voulais pourtant dire il y a une semaine après la diffusion d'un reportage d'Envoyé Spécial sur le Pérou (en même temps ce n'est pas plus mal de faire refroidir ses coups de gueule le temps qu'ils redeviennent censés et intelligents, bien que tout de même pas dépourvus d'ironie...). La semaine dernière donc Envoyé Spécial passait un reportage sur des français en mal de sensations qui vont en vacances dans la selva péruvienne pour rencontrer les chamans et goûter de la plante hallucinogène, histoire de s'évader un peu. Déjà le sujet prêtait à sourire. Ensuite on souriait une deuxième fois en voyant la bande de blancs becs se vider les tripes de tous les côtés après qu'un indien leur donne une boisson à base de plantes provoquant un lavement immédiat de toutes les impuretés du corps. A voir leurs expressions de désarroi devant l'ampleur de la révolution gastrique, on se disait alors que des impuretés, physique et mentales, leur corps devait en contenir des tonnes. Ce remède de cheval s'explique cependant par le fait que n'importe qui ne peut pas prendre de l'ayahuasca (la fameuse plante) comme ça, qu'il faut d'abord avoir l'esprit et le corps préparés, réceptifs, et il est vrai que le fait de vivre dans nos sociétés polluées dans tous les sens du terme rend la tâche un peu plus ardue. Bref, après s'être consciencieusement vidés, les gringos avaient enfin le droit de rencontrer le chaman et de participer à la cérémonie de l'ayahuasca. Arrivé à ce stade là, deux résultats sont possibles: soit le corps n'est pas réceptif et le non initié va avoir des visions, sans plus, des éléphants roses dans le meilleur des cas; soit le non initié va être réceptif aux pouvoirs de la plante et va, comme la jeune femme du reportage, se transcender, vivre une expérience qui lui révèle une autre part de lui-même. C'est à ce moment donc que nous voyons cette femme blanche prendre toutes les caratéristiques du jaguar, sans doute son animal "guide" ou "protecteur". Seulement le lendemain, la jeune femme est encore dans un état second et il est pratiquement sûr que cette expérience peut la marquer durablement, dans le positif comme dans le négatif. Pourquoi? Tout simplement parce qu'elle n'est pas chaman, pas indienne non plus, et qu'elle ne possède pas les clés culturelles et innées pour interpréter ce qu'elle vient de vivre. Il semble donc que l'accès trop violent à une autre culture peut, par le décalage profond qu'elle suscite, entraîner des traumatismes personnels, psychologiques importants. Et c'est là qu'on se rend compte que les plantes hallucinogènes, ce n'est pas que les éléphants roses, ça englobe tout un sytème de valeurs et de pensée qui nous sont étrangers. L'histoire ne dit pas si la jeune touriste à continué à grogner en rentrant en France...

jeudi 24 juillet 2008

Et il marchait toujours

Bernard Ollivier, Longue marche, 2001.
Je viens de terminer la deuxième étape de la longue marche de Bernard Ollivier -qui je le rappelle s'est donné comme objectif de parcourir à pied la route de la Soie en quatre ans- qui s'intitule "Vers Samarcande". Notre marcheur infatigable repart pour cette deuxième année de l'endroit exact où s'était arrêtée sa marche l'année précédente, lorsque l'ambulance était venue le chercher. Encore une fois les kilomètres se succèdent, les rencontres effaçant peu à peu les doutes du début. On pourrait penser que comme pour les films, le deuxième épisode est toujours moins bon que le premier, pas du tout. Il n'en est rien. Les pages défilent entre nos mains, aussi captivantes que les paysages traversés par Bernard Ollivier, de l'Iran jusqu'à l'Ouzbekistan. Voici un passage magnifique, un lever de soleil sur le désert qui inaugure une nouvelle journée de marche:
"Il y a une heure que je marche et je m'apprête à assister au lever de sa majesté le soleil, un spectacle dont je ne me lasse jamais. Au dessus des dunes encore plongées dans la nuit, c'est d'abord une lueur jaunâtre, plus orangée au contact de la ligne d'horizon bleutée, qui monte à l'est. Puis un foyer rouge sang augmente la luminosité. Les tamaris, plantés dans les dunes qui passent du noir à l'ocre, apparaissent en ombres chinoises. Très vite la lueur s'embrase au fil des secondes, rythmées par mes semelles sur le bitume. Un point rouge brillant émerge, qui se transforme en une demie-sphère incandescente, couleur d'un fer chauffé à blanc. Le temps de faire dix pas, et le soleil se hisse sur l'horizon. Encore trois pas, le voilà tout entier. Nous devrions, au soleil levant de chaque jour, mesurer l'incroyable rapidité avec laquelle défilent nos jours.
Anémié, il tremble, posé sur le désert comme une offrande au monde. On comprend que des peuples aient pu le déifier. Sa lumière froide dessine sur les dunes des abîmes d'ombre. La lueur orangée s'est agrandie, chassée en son centre par ce disque blanc. Le spectacle n'a pas duré dix minutes. Maintenant il décolle et entame sa course folle."
Et puis il y a encore les fameuses dernières lignes, une fois que le marcheur s'arrête, arrivé à destination, et s'observe avec du recul:
"Pour moi, voyager c'est découvrir ce qui n'est ni dans les livres ni dans les guides de voyage -que je lis tous avant de partir. Découvrir quoi alors? me direz-vous. Je ne sais pas, justement. C'est rencontrer, au moment le plus inattendu, un être hautement improbable, se trouver foudroyé, sans qu'on ait seulement pu l'envisager, par l'harmonie simplissime d'un coin de campagne, ou encore se surprendre soi-même à faire ou penser ce qu'il n'a jamais été pensable qu'on fasse ou pense jusque là.
Un voyage vous forme, a t-on coutume de répéter. Et si, non content de vous former, il vous déformait? (...)
"Mes amis continueront de ricaner gentiment: il marche, il marche, et ne sait toujours pas pourquoi! Brave bête, je me garderai de leur répondre ce qui me trotte de plus en plus souvent par la tête: ils vivent, ils vivent, et ne sont pas beaucoup plus avancés."
Comme pour le premier livre, ces dernières réflexions sont à méditer, en attendant la suite...

mercredi 23 juillet 2008

Je n'avais pas tout dit


Il y a un an j'étais à Cochabamba, et depuis tout ce temps j'ai beaucoup écrit sur cette expérience riche d'enseignements et de sensations, entre autres sur le blog mais aussi sur des cahiers, des résumés, récits de mon voyage, reflexions personnelles, quelques rimes et de la prose. Seulement il faut parfois admettre que les choses peuvent être mieux dites par d'autres, peut-être parce que lorsqu'on est touché de près on ne trouve pas les mots. Alors voici le texte et la traduction d'une chanson qui s'intitule "Balada a Cochabamba" -dont j'ignore l'auteur mais que j'ai entendue la veille de mon départ par le groupe Canto Popular (cf il y a un an déjà, sur ce même blog...). Ces mots m'ont ensuite accompagnée sur l'aéroport, dans l'avion, en survolant la ville et en la voyant s'éloigner. Depuis la mélodie me reviens chaque fois que mon esprit s'échappe vers Cochabamba. J'aurais aimé écrire cette chanson!


BALADA A COCHABAMBA

Hoy me alejo de ti, oh Cochabamba
Digo adiós pero sé que volveré
En tus calles hay sol y llueve mi alma
Una triste canción te dejaré

Aquí dejo una flor, una esperanza
Un paisaje, un amor que mío fue
De tus calles me voy, oh Cochabamba
Pero sé que jamás te olvidaré

Digo adiós y me llevo el color de tus cielos en mis ojos nublados
Al Tunari nevado, al paseo del Prado y la plaza Colón
Digo adiós y te dejo en el último beso de un enamorado
El deseo callado de estar a tu lado con esta canción

Cuántas noches contigo viví mi alegría, también mi tristeza
Y aprendí de tus mesas la noble franqueza que da la amistad
Es por eso que hoy te canto y mi copa levanto por tantos amigos
Y al partir yo te digo salud Cochabamba con esta canción

Nunca me hiciste sentir en tus calles como un forastero
Es por eso que quiero dejar en tus brazos mi humilde cancion
Me voy, me voy pero me llevo tu nombre tan dulce, grabado por siempre
Y el recuerdo caliente que deja tu gente aquí, aquí en mi corazón

Digo adiós y me llevo el color de tus cielos en mis ojos nublados
Al Tunari nevado, el paseo del Prado y la plaza Colón
Digo adiós y te dejo en el ultimo beso de un enamoradoEl deseo callado de estar a tu lado por siempre jamás

(Photo:emi)


Aujourd’hui je m’éloigne de toi, oh Cochabamba
Je te dis au revoir mais je sais que je reviendrai
Dans tes rues le soleil brille et mon âme pleure
Une chanson triste je te laisserai

Ici je laisse une fleur, un espoir
Un paysage, un amour qui fut mien
De tes rues je m’éloigne, oh Cochabamba
Mais je sais que jamais je ne t’oublierai

Je te dis au revoir et j’emporte la couleur de ton ciel dans mes yeux humides
Le Tunari enneigé, le paseo du Prado et la place Colon
Je te dis au revoir et je te laisse dans le dernier baiser d’un amoureux
Le désir secret d’être à tes côtés avec cette chanson

Combien de nuit avec toi j’ai vécu ma joie, aussi ma peine
Et j’ai appris de tes tables la noble franchise de l’amitié
C’est pourquoi aujourd’hui je te chante et je lève mon verre à tant d’amis
Et en partant je te dis santé ! Cochabamba avec cette chanson

Jamais tu n’as fait de moi un étranger dans tes rues
C’est pourquoi je veux laisser dans tes bras mon humble chanson
Je pars, je pars mais j’emporte ton nom si doux, gravé pour toujours
Et le souvenir chaleureux qu’on laissé tes gens ici, ici dans mon cœur

Je te dis au revoir et j’emporte la couleur de ton ciel dans mes yeux humides
Le Tunari enneigé, le paseo du Prado et la place Colon
Je te dis au revoir et je te laisse dans le dernier baiser d’un amoureux
Le désir secret d’être à tes côtés à tout jamais

dimanche 13 juillet 2008

Attention touristes

Hier le Journal Los Tiempos annonçait la construction d'un aéroport international sur le site du Salar de Uyuni. Dilemne. Certains penseront que c'est un bien pour le tourisme et que de cette mannière les visiteurs pourront se rendre plus facilement sur ce lieu magnifique. Jusque là ils venaient tous en bus ou en 4x4 et le voyage était relativement long. Pour ma part je pense plutôt que l'isolement, dans certains cas, n'est pas un mal, et qu'une merveille de cette envergure doit rester un minimum protégée. Je poursuis mon raisonnement. Qui dit aéroport dit kérosène, dit pollution. Qui dit avions dit tourisme de masse, construction d'infrastructures, donc pollution. Dans quelques années donc, le Salar de Uyuni, lieu sauvage et isolé, ne sera plus qu'une attraction touristique sans intérêt, un passage obligé des circuits organisés, et ses habitants les derniers représentants d'un folklore fabriqué. D'ici à ce que j'aille le visiter le Salar n'aura plus aucun attrait! Peut être même aura-t-il disparu complètement, rayé de la carte. Je suis peut être un peu extrémiste dans mes propos mais je maintiens, les lieux pleins de touristes comme des mouches sur un pot de miel me répugnent. Vive K'ara K'ara!

jeudi 10 juillet 2008

Temple diablo


Voici (enfin!) une video du festival du charango qui a eu lieu en avril dernier. J'ai choisi de vous proposer cet extrait de Julio Arguedas (Bolivia Manta) mais les autres video sont disponibles sur You Tube, Daily Motion ou sur le blog:
http://zefire.over-blog.com/
Jallalla Bolivia!

jeudi 3 juillet 2008

Ingrid libre

Vous vous en doutez bien, je vais mettre encore les pieds dans le plat...
Bon, disons d'abord, avant toute chose, que le fait que Ingrid soit libre est une chose magnifique, et qu'elle retrouve ses enfants qui lui ont permis de tenir jusque là. C'est évident, cette femme a fait preuve d'un courage hors du commun et nous montre à quel point l'instinct de survie et le lien maternel peuvent narguer la solitude et la mort. On peut se réjouir aussi que Ingrid soit en bien meilleure santé que ce que l'on nous faisait croire -pour une raison ou pour une autre d'ailleurs, peu importe, elle va bien et c'est l'essentiel.
Ceci étant dit, le fait que tout le monde se félicite de cette libération me donne mal au coeur. Sarkozy en grand sauveur, Uribe en messie, dont on dit que la théorie de la manière forte a réussi là où les négociations de Chavez avait échoué. Rappelons que Uribe était candidat à l'élection présidentielle de 2002, année où Ingrid se présentait aussi, et que comme par hasard, une fois la leader du parti Oxigeno mise hors d'état d'être élue, est parvenu au pouvoir. Uribe qui avait très bien pu orchestrer l'enlèvement d'Ingrid avec les FARC et qui aujourd'hui passe pour son sauveur. Et un spécialiste des FARC (au nom de famille nord américain, ce n'est pas un détail) de nous faire part de son incompréhension face à la diplomatie française qui doutait de la méthode Uribe. Mais peut on faire confiance à un homme qui entretient la violence dans son pays en y déployant des paramilitaires sanguinaires, appuyé par les Etats-Unis? Ce même spécialiste affirme même que le discours des FARC sur la défense des droits des paysans est une supercherie et que cette guerrilla a été créée de toutes pièces par l'URSS dans les années 50 pour entraver la démocratie en Colombie.
Il me semble, à l'image de ces discours démagogues et mensongers, que dans les prochaines semaines nous devons nous préparer à entendre les pires inepties sur le sujet. Le manicchéisme sera de mise, puisque Uribe est maintenant dans le camp des bons et les FARC définitivement dans le camp des méchants. Libre aux gens de le croire. Quant à moi je reste très septique sur cette analyse simpliste des choses, aucun acteur n'étant totalement libre de critique et de soupçons.
Alors certes Ingrid est libre et je le répète c'est magnifique. Mais restons vigilants sur les discours qui nous sont tenus. N'avalons pas toutes les couleuvres qu'on nous offre sur un plateau. Ayons toujours l'esprit critique car l'histoire nous montre souvent a posteriori -et il me semble qu'il en va de même pour la Colombie- que les choses étaient bien plus complexes que ce que l'on nous a fait croire à l'époque des faits. Attendons donc pour juger des culpabilités.

mercredi 2 juillet 2008

Le voyage de Théo

Catherine Clément, Le voyage de Théo, Seuil, 1997.
"Tu devrais lire "Le voyage de Théo", ça parle des religions, c'est très bien fait, ça devrait t'intéresser."
A priori, les religions m'intéressent. Mais quand j'ai vu le pavé, je me suis dit "c'est trop long, c'est sûr je vais m'ennuyer avant la fin". Et puis j'ai commencé à lire. L'histoire de Théo, adolescent atteint d'une maladie incurable, qu'une tante un peu farfelue décide d'emmener faire le tour du monde des religions, espérant par la même occasion que parmi ses nombreuses connaissances à travers les différents continents, quelqu'un saura le guérir d'une manière ou d'une autre. On est parfois tenté de se dire que ça sent bon le prétexte à l'étalage de science, que ce n'est qu'un livre de plus qui nous explique et nous décrit en détail les grandes religions. Cependant Théo a un vrai caractère et sa famille est très acueillante, alors on se laisse porter, et même lorsque les passages plus théoriques se font un peu longs, on n'est même pas tenté de sauter des pages. D'accord, Théo est très, très intelligent pour son âge, et on pourrait parfois dire que tant de reflexion et de connaissances dans un cerveau d'ado manque de crédibilité. Mais après tout ce n'est qu'un roman, et l'essentiel est que ça tienne la route. Et là-dessus pas de souci: le récit est bien construit, les visites de monuments et les explications alternent parfaitement avec des moments de vie quotidienne. Pas de copié-collé grossier, pas de grands discours, la langue est claire et ne manque pas d'humour. Plus généralement, le lecteur en apprend aussi beaucoup sur les grandes religions du monde, leurs points communs et leurs différences, sans pour cela qu'un seul jugement de valeur n'apparaisse. Et puis encore une fois il y a Théo, personnage attachant, que l'on suit pas à pas dans sa découverte des autres de lui-même, et dont l'explication de sa maladie nous renvoie aussi à nos propres secrets...