samedi 17 août 2019

Le Connemara

Le voyage 
Il y a des gens qui bavardent pendant les trajets en bus. Moi, non. Je regarde le paysage. Ou plutôt je le scrute. Je l'étudie, je le mesure, je le jauge, je l'évalue, je le goûte avec les yeux. Je caresse du regard la peau douce des moutons libérée de leur laine pour l'été. Je hume l'odeur de la végétation et plonge ma main dans l'eau froide des lacs. 
De Galway à Lettrerfrack, en deux heures, on a le temps de se projeter mille fois dans les collines, d'y courir mentalement. Tout en restant concentré sur ce que fait le chauffeur car, même si on est obligé de lui faire confiance, on s'accroche à ce qu'on peut du siège de devant pour tenter d'atténuer les soubresauts des petites routes sinueuses. Virages serrés, coups de volant et coups de frein, le roulis incontrôlé du véhicule donne le mal de mer. Et puis, il s'arrête partout. C'est-à-dire, partout où quelqu'un veut descendre, que ce soit au bout de l'allée qui mène à une maison ou au-milieu de nulle part. C'est à se demander où ces gens habitent et les voir ainsi quitter le navire au cœur de l'immensité végétale et minérale leur confère une part de mystère dont ils ne se doutent même pas. Clifden, puis Cleggan. Là, la mer nous éblouit par son immensité liquide. Nos rétines ont absorbé tellement de vert qu'on s'était figuré qu'aucune autre teinte au monde n'existait. De voir l'eau, on en est presque soulagé. Quelques kilomètres encore et nous voilà au terminus : Letterfrack. 

L'hébergement
Le Old Monastery Hostel nous accueille. Il s'agit d'une auberge 100% bohème nichée près d'une cascade à l'entrée du parc national du Connemara. Stephen et sa femme veillent sur leurs hôtes avec une discrète gentillesse. Le petit déjeuner en témoigne : le porridge et le pain, faits maison, sont prêts juste pour le lever des premiers dormeurs. Le salon est un vrai bazar kitsch et chaleureux rempli de livres, de jeux de société, de cartes et d'une multitude d'objets hétéroclites qui font de la décoration un assemblage unique en son genre. Les chambres sont collectives et peuplées de jeunes gens détendus et originaux venant d'un peu partout dans le monde, de familles campant parfois dans le jardin et d'aventurières solitaires et heureuses. Nous logeons dans une charmante maison de poupée aux coussins fleuris, plaids de laine bleu ciel et tulle blanc en guise de ciel de lit. Malgré l'indéniable humidité, nous dormons comme des souches dans ce cocon tout doux et sucré, maison de contes de fées. Au matin, nous nous extrayons péniblement du lit moelleux pour nous aventurer sur les sentiers du parc. 


Le parc national du Connemara
Loin de posséder l'équipement professionnel de la plupart des randonneurs, nous parvenons cependant à réaliser les mêmes performances qu'eux : venir à bout du circuit rouge, le plus ardu et qui, au terme d'une ascension ventée et raide, nous amène au sommet de la Diamond Hill, quelques 400 et quelques mètres plus haut. Tout au long de la montée, on s'extasie sur la grandeur de ce qui  nous entoure : les collines et leur végétation particulière (bruyères, genévriers et, tout en bas, des buissons entiers de fuchsias) ; en bas, les lacs ; au fond, la mer. La mer si proche que l'on en sent les parfums d'iode dans le vent jusqu'au sommet. Un étonnant mélange de montagne et de climat océanique qui fait la particularité de cet endroit sauvage et préservé. On n'imagine pas être plus en contact avec les éléments qu'ici. Et puis, modestement, on se sent comme un animal apprêté et maladroit, lourd et trébuchant, qu'accueillent les autochtones : vaches paisibles et moutons alpinistes broutant à flanc de colline. Au terme de la balade, on est lavé et revigoré, repus de beauté, usé par le vent et les muscles ayant eu leur dose d'exercice physique pour quelques temps. Mais désireux d'exploiter le filon jusqu'au bout, nous entreprenons de finir l'après-midi sur le magnifique sentier en sous bois situé en contrebas de la maison des visiteurs, grands arbres tordus et cascades roucoulantes. 


 



Letterfrack
Là, on peut se recharger les batteries à grands coups de fish and chips (poisson local et savoureux), de Guinness ou de délicieuse red beer à l'intérieur du typique Veldons ou à la terrasse ensoleillée qui contraste avec l'épais brouillard qui nous avait enveloppés au sommet de la Diamond Hill, rendant partiellement ridicule la traditionnelle photo souvenir de la cime vaincue. Là où la météo avait prédit de la pluie, nous voici plissant les yeux et fronçant les sourcils pour atténuer les effets d'un imprévisible ensoleillement. 
L'Irlande n'a pas fini de nous surprendre ! 


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