dimanche 28 avril 2013

Les dormeurs

Stéphane Denis, Les dormeurs, 2013.
Faut-il un diplôme d'économie mondiale pour comprendre ce roman ? C'est la question qu'on peut se poser en terminant ce court livre de Stéphane Denis intitulé "Les dormeurs".
L'action se passe en Suisse. On sait peu de choses du protagoniste, Philip Julius, sinon qu'il s'agit d'un ancien journaliste ayant fait carrière en France et de retour dans sa terre natale helvétique après quelques différends mystérieux. Accueilli par un avocat spécialisé dans la gestion des grandes fortunes, Philip se voit confier la mission d'occuper la maison de riches propriétaires étrangers pendant leur absence, afin de ne pas attirer les convoitises et les cambrioleurs. Ensuite, une sombre histoire de transfert de fonds qui se comptent en milliards d'euros, des comptes blindés d'argent depuis la seconde guerre mondiale, les fameux "dormeurs", et des stratégies de dissimulation de fortunes. 
Le synopsis n'est pas clair et pour cause, le roman ne l'est pas plus. Tout est opaque au possible et embistrouillé, quasiment incompréhensible, et je ne pense pas que cela soit dû à la technicité du propos. Non, il s'agit plutôt d'une oeuvre manquée, pas bien écrite dans le sens où la langue est souvent floue, avec en prime quelques grosses coquilles qui sautent aux yeux. 
D'ailleurs, lisez donc cet article de la Dépêche de Genève, qui ne proteste pas contre un ouvrage qui mettrait à mal la réputation de la Suisse mais qui dézingue, plutôt aimablement d'ailleurs, un auteur pourtant éminemment récompensé en France. 
Le sujet était intéressant, le résumé attirant ; le contenu est décevant, presque insultant pour le lecteur tellement il semble bâclé. L'auteur était-il pressé ? Il semble qu'il ne lui ai pas fallu plus de temps pour écrire ce livre que l'on en met pour le lire. Une heure à effacer bien vite.

vendredi 26 avril 2013

Sarah Wiener à Evolène

Sarah Wiener, restauratrice à Berlin, se risque dans ses séries de reportages à travers l'Europe à essayer de nouvelles cuisines, des spécialités "terroir". Au cours de ses tribulations, elle va à la rencontre de personnages qui mettent en valeur leur région et leur gastronomie, et entre en cuisine pour mettre en oeuvre les recettes dont elle a été dénicher les produits. Le ton est dynamique, enjoué et Sarah est attachante et enthousiaste à souhait.
La région mise en valeur par le reportage diffusé aujourd'hui, c'est le Valais, en Suisse francophone et en particulier le charmant village d'Evolène. Dans les vallées alentour, les champs regorgent d'énormes abricots gorgés de soleil, juteux et naturellement sucrés. Tout en haut, les vaches noires de race hérens, qui se reposent, animaux extrêmement paisibles et affectueux entre deux séances de lutte dans les alpages. Les sonnailles retentissent lourdement et la vue est incroyable sur la Dent Blanche et le pic du Matterhorn. Et, au creux de ces paysages époustouflants, le village d'Evolène.
Sarah Wiener vient donc y cuisiner dans une auberge. Mais, en plus de la cuisine roborative, des fromages délicieux et des fruits savoureux, ce qui frappe, c'est la gentillesse des gens. Qu'on règle le problème une bonne fois pour toutes : non, les Suisses ne sont pas le peuple froid, rigide et renfermé qu'on veut bien  décrire. En tout cas, ces qualificatifs n'ont aucune raison d'être dans le Valais. Là-haut, peut-être grâce à cette qualité de vie incomparable et à l'environnement magnifique à 360 degrés, grâce à cette beauté qui éblouit partout où le regard se pose, les gens sont accueillants, souriants, tranquilles. Vous êtes perdu : qu'à cela ne tienne. Il y a toujours un charmant grand-père pour s'accouder à la portière de votre voiture et vous indiquer les chemins carrossables pour le départ de votre randonnée. Votre voiture est tombée en panne dans la montée ? Pas de panique, quelqu'un vous aidera sûrement à la réparer. Et encore une fois, dans le reportage de Sarah, on retrouve cette fameuse gentillesse valaisanne qui fait de cet endroit un lieu béni des dieux où l'on revient avec joie et dont on part toujours avec un pincement au cœur.  D'ailleurs, Sarah Wiener conclut l'une des séquences de son reportage en disant d'un air songeur : "J'aimerais vivre ici". 
Et si vous trouvez que le portrait que je dresse est un peu trop idyllique, allez donc faire un tour dans le Valais !



(pour ceux qui auraient des doutes, je tiens à le démentir immédiatement : non, je ne suis pas payée par le bureau de promotion touristique d'Evolène... et, non, je n'ai pas de compte en Suisse. Par contre, le Valais est une passion familiale puisque les photos sont de maman !)

jeudi 25 avril 2013

Le port de la Mer de Glace

Dominique Potard, Le port de la Mer de Glace, 1997.
Il y a des gens qui osent écrire ce qui leur passe pas la tête, de persévérer dans leur délire littéraire, sans adhérer à aucun courant, sans se soucier d'être crédibles ou pas, en restant fidèles à leur ligne de création. Le livre de Dominique Potard obéit à ces critères. L'auteur est guide de haute montagne à Chamonix mais ne se lance pas dans un énième récit d'ascension "classique", "normal". Il tourne le dos aux conventions et produit un roman totalement halluciné, entre divagations d'alcooliques et mise à nu poétique des âmes humaines à la dérive. 
Tout commence lorsque le narrateur pénètre dans ce bar du bout du monde, ce recoin du fond de la vallée : le Port de la Mer de Glace. Un nom pas commun dans la région et le départ d'un jeu avec ce terme de "mer". Les personnages, tous plus ravagés et attachants les uns que les autres, nous font l'effet d'un rassemblement d'internés psychiatriques. Surtout lorsque l'un deux, surnommé Clint Eastwood, ne se présente pas au rendez-vous du petit blanc de 10h30. Alors, une équipée incohérente s'encorde et se met en marche pour aller le rechercher sur la face nord des Drus. Drôle de destination pour des piliers de comptoir, drôle de caravane que ces trois-là, harnachés de sacs à dos dont vont sortir, au fil du récit, une montagnes de vivres solides et liquides et autres casseroles, friteuses et gamelles plus improbables les unes que les autres. 
Mais l'humour, ou plutôt l'ironie, qui guident le récit de cette aventure, ne dépeignent pas avec sévérité les déboires de buveurs invétérés et déjantés. Au contraire, une immense tendresse entoure la description de ces personnages, un amour pour ces gens-là qui transfigure le burlesque en poésie pure. La dernière image de ces hommes au sommet des Drus, au-dessus de la mer qui ne semble plus faite que de nuages, représente le paroxysme de la beauté. Une peinture de la condition humaine, depuis ses petits travers jusqu'à ses grandes folies. Ou l'éloge de la singularité.

mercredi 24 avril 2013

La ferme d'Ecancourt

En région parisienne, rares sont les lieux entourés de nature et qui sont encore gratuits. Le moindre étang est transformé en base de loisirs, barrières de péage à l'entrée. Pour l'entretien du site, diront certains ; pour cibler les publics, diront d'autres, beaucoup plus mauvaises langues et beaucoup moins tolérants. Un droit d'entrée, pourquoi pas, mais, au moins, qu'il ne soit pas dissuasif. Car, si on veut que les gens se rendent sur les sites naturels, il faut que ce soit abordable (ne parlons pas de la réserve de Thoiry, dans les Yvelines, qui, avec ses 27 euros par personne, ne surpasse que de deux girafes celle de la Haute Touche, dans l'Indre, 3 fois moins chère) ; mais il faut surtout que le lieu soit ouvert à tous les visiteurs dans une optique pédagogique. En région parisienne, dans le domaine de l'éducation à la nature, à la faune et à la flore, tout reste quasiment à faire. 
Et puis, rares aussi sont les espaces de verdure, forêts, parcs, sentiers de randonnée, au bord desquels ne coure pas une route. Il est quasiment immanquable de faire sa balade au son des voitures, au rythme des trains, à la vue plongeante sur les immeubles d'en-face ou à l'odeur peu alléchante de l'usine d'en-bas. 
Alors, une ferme pédagogique, en pleine nature, dont l'entrée est libre, et gérée par une association : il faut sauter sur l'occasion ! 

C'est la ferme d'Ecancourt, au centre sud du 95, nichée tout en haut d'un promontoire de verdure. Du plus haut des points de vue, la ville paraît tellement lointaine qu'on ne se sent plus, et c'est rare près de Paris, dans un ersatz, mais bel et bien prêts à déconnecter vraiment. Suivez donc la visite : chèvres, cochons, chevaux, poules, oies, vaches... Un peu à l'écart, les enfants sont à la fête et leurs cinq sens sont sollicités à travers un parcours ludique autour du jardin, des odeurs et des senteurs. Mettez-leur le nez dans la sauge, je vous assure que cela les captive !

Et puis, une fois le parcours "classique" fait et refait, une fois parcourues les allées du potager, laissez vos pas vous éloigner de la marmaille en groupe et vous guider vers le verger. En cette fin d'avril, sous le soleil déjà haut et chaud, les fruitiers ploient sous l'exubérance de leurs fleurs blanches. Artistiquement, c'est un régal visuel. Plus loin encore, les ruches, même à l'écart, vous embaument les narines de l'odeur suave du miel en fabrication. La ferme ne vous suffit pas ? Qu'à cela ne tienne : la forêt est juste au bout du chemin et de larges sentiers balisés vous attendent dans ce bois de l'Hautil. Une belle découverte.


Avant de repartir, arrêtez-vous encore un instant dans la cour de cette ferme rénovée dont les lourds bâtiments sont traditionnels de la région. On peut retrouver ces grosses pierres élégantes plus haut dans le Vexin ou encore au fin fond des Yvelines, deux régions d'apparence encore très rurale et au rythme lent et apaisé. Et n'oubliez surtout pas, ce serait un comble, d'acheter en passant quelques délicieux fromages de chèvre, fondants à souhait. A déguster sans modération !


mardi 23 avril 2013

Métronome

Lorant Deutsch, Métronome, 2009.
Commençons par la polémique. Lorant Deutsch accusé d'affabulation et de défendre la Monarchie au détriment de la Révolution. Oui, oui, en France, c'est mal vu. Mal vu d'avoir un avis, mal pensant de ne pas être contre les puissants. Ce même fameux parti qui ne manque jamais de nous rappeler quelle belle démocratie a pu être Cuba ces dernières années et quelle belle époque celle d'avant la chute du mur. Bref, une armée de vieux croûtons engoncés dans des fauteuils années 70 et qui refusent obstinément de voir la part noire de l'histoire. Car, de ce côté, moi qui suis bien loin d'être royaliste et trop fervente catholique tel qu'on a pu en qualifier l'auteur, je n'ai à aucun moment lu dans ce livre d'excuses trouvées face aux inconséquences et aux excès libertins ou violents de la Monarchie. Alors, peut-être que le fait de décrire simplement le sang versé lors de la Révolution suffit en France à faire de quelqu'un un ennemi de la Démocratie... Ces gens-là, qui ont protesté à la sortie du livre, ne se souviennent peut-être pas de la fameuse phrase du Che, qui disait lui-même qu'une révolution ne se fait pas sans verser de sang. Quant aux affabulations et aux inventions historiques, le jeune homme semble suffisamment passionné par son sujet qu'on doute qu'il se soit laissé glisser dans la médiocrité de ceux qui parlent pour ne rien dire. Mais, là encore, en France, si l'on n'est pas universitaire et qu'on écrit pourtant sur un sujet spécialisé, on est aussitôt mis en accusation, traité d'incohérent et d'ignorant ; surtout, on devient gênant pour les pauvres ronds de cuir des facultés de France qui s'abîment les yeux pendant des décennies sur un thème historique et culturel sans jamais parvenir à la gloire.
Passons et revenons au livre en lui-même. Je suis désolée, vraiment, messieurs les chercheurs sibyllins et élitistes, mais cette vision-là de l'Histoire et surtout cette manière incomparable de la raconter me séduisent. Sans doute parce que, tiens, c'est très étrange, comme des millions de Français qui ont plébiscité le livre de Lorant Deutsch, je suis une inculte, une handicapée de la chronologie, une fâchée des débuts et des fins de règnes, des sacres et des successions. Mais qu'entends-je dans l'oreillette ? Une culture de masse n'est pas forcément de la culture ? N'est pas culture qui veut ? Allons, ne soyez pas plus offensants que vous ne l'êtes déjà. En aucun cas la confusion ne serait permise entre Nabilla et Lorant Deutsch, entre les livres de vulgarisation historique, technique et culturelle et la téléréalité, et vous le savez très bien. Le grand public n'est pas qu'une masse au cerveau informe et englué dans les bassesses qu'on veut bien lui servir. Ce livre est vraiment un condensé d'informations, qui plus est écrit dans une langue riche, imagée, dense, colorée, digne d'un très bon écrivain.  
Une approche décomplexée de l'Histoire comme on aimerait en lire plus souvent en France, pays de la Révolution et de l'élitisme culturel...

mercredi 17 avril 2013

Intrigue à Versailles

Adrien Goetz, Intrigue à Versailles, 2009.
Très érudit, ce livre. Trop ? Moi qui ai déjà du mal à suivre une enquête policière d'une série télé de base, j'avoue que je m'y suis un peu - beaucoup, pour être franche - perdue. Quant aux retours en arrière, n'en parlons pas : je n'y comprends tout simplement rien. Cette lutte interne entre différents clans jansénistes, au-milieu de ce lieu tellement chargé d'histoire qu'est le château de Versailles, m'a laissé comme une impression d'inculture quasi totale. Attention, je parle de moi, pas de l'auteur. Car celui-ci déploie une connaissance quasi exhaustive de chaque thème traité et démontre à chaque page la quantité de recherches documentaires qu'il a pu mener pour l'écriture de ce roman. Sauf qu'à un moment, tellement les informations sont denses, tellement les paragraphes explicatifs historiques ou religieux sont vastes, on décroche. Trop complexe. Passionnant, évidemment, mais ce livre ne s'adresse pas à n'importe quel amnésique qui aurait oublié jusqu'aux dates de règne de Louis XIV (que personne ne se sente visé, je prends l'entière responsabilité de cette lacune). Beaucoup de personnages, également, dont les caractères ne sont, à mon goût, pas suffisamment déterminés et mis en valeur pour qu'on les identifie d'entrée. Ainsi, dans certains dialogues, on en vient même à ne plus savoir qui parle. Pourtant, j'ai aimé ce livre, en particulier grâce à cette passion de l'auteur qui transparaît pour l'Histoire et ses énigmes, grâce à l'odyssée des jansénistes que j'ignorais totalement, et pour cette touche de je ne sais quoi qui rend ce roman et son héroïne, Pénélope, attachants. D'ailleurs, si mes professeurs d'histoire avaient fait des cours de ce genre, je ne serais pas l'inculte que je suis...

lundi 15 avril 2013

La 1000 ème !

Il y a un petit plus de 6 ans, commençait ici une grande aventure : celle du blog.
Une amie en avait un, elle écrivait (et elle écrit toujours, d'ailleurs !), des tas de choses très intéressantes sur ses voyages, ses lectures, la musique qu'elle écoute et qu'elle joue et bien d'autres sujets encore. Non, les gens qui tenaient des blogs n'étaient pas tous des déballeurs de vie privée, de rendez-vous chez le gynéco et de récits des gastros du petit dernier. Ni une ni deux, ayant deux ou trois petites choses à faire partager et une furieuse envie d'écrire, je me lançai. Au fil des articles, les sujets se sont diversifiés, les limites se sont précisées et le ton s'est affiné. 1000 interventions et quelques années plus tard, vous m'avez suivie en Bolivie, dans les montagnes savoyardes et sur d'autres chemins. En voyant ce chiffre aujourd'hui, je me suis dit que, tout de même, 999 messages plus tard, il fallait marquer le coup, et qu'une millième, nom d'une pipe, ça se fête !
Alors, bonne fête, amis lecteurs, et merci pour les petits bouts de sentiers que nous avons partagés, pour les commentaires que vous n'osez pas mettre et pour vos mots qui parfois se sont faits hommes et femmes.

jeudi 11 avril 2013

Galletas de avena

Définitivement, il n'y a pas que dans la vie de tous les jours que les différences culturelles sont criantes. Dans la cuisine aussi. Evidemment, il y a les plats typiques, les épices, les produits, les recettes locales. Mais il y a aussi, à produits égaux, des manières différentes de les préparer : assaisonner avant ou après, faire revenir ou pas, la viande ou les légumes d'abord, ah bon, on peut mélanger ces deux choses-là ? Et des idées à foison. Le métissage, quoi. Que ce soit avec la cuisine bolivienne, italienne, indienne ou même de certaines régions de France, je voyage, apprends beaucoup de la culture à travers les spécialités et les manières de les faire, de les manger, aussi, de les percevoir. Mais quand on s'attache à respecter les proportions, alors, là, c'est vraiment un inconnu culturel. Aujourd'hui, comme d'autres fois, j'ai tenté de me lancer dans une recette bolivienne. Une cuillère de beurre, une tasse de sucre, deux tasses de flocons d'avoine... Mais, encore aurait-il fallu savoir de quelle taille, la cuillère, et quelle genre de tasse : thé ? café ? cappuccino ou espresso ? J'ai cru un instant avoir réussi mes petites galettes. Il était écrit : espacez-les sur la plaque, elles ont tendance à s'étaler un peu... Un peu ? Fichtre ! Complètement, oui ! Un grand étalage dans mon four : elles ont fini par se fondre et recouvrir toute ma plaque. Mis à part rire, que vouliez-vous que je fasse ? Après la cuisson, je les ai donc découpées en carrés, au couteau, sans manquer de les casser, de les briser... C'était un peu périlleux. Encore une fois, la cuisine reste une alchimie que j'espère ne jamais réussir à maîtriser, juste pour le plaisir d'essayer, de douter, de tenter, de craindre le pire, de découvrir, de percer quelques secrets et, tant bien que mal, d'être fière d'avoir réussi quelque chose de pas si mal. 

mardi 9 avril 2013

La fille de l'hiver

Eowyn Ivey, La fille de l'hiver, 2012.
Cette histoire est bouleversante. En la commençant, je ne m'attendais pas à être subjuguée à ce point par le décor, les personnages, le merveilleux de ces contrées sauvages de l'Alaska. Je m'attendais à un conte, mais pas à une sublimation du paysage, à la description détaillée d'une nature omniprésente et fascinante dans laquelle se tisse l'histoire. Car il y a les forêts enfouies sous la neige et enveloppées de silence cotonneux, et il y a ce couple, Mabel et Jack, venus dans cette région hostile pour se retrouver, redémarrer une nouvelle vie et tenter de survivre au drame qui les lie, celui de la perte d'un nouveau-né. Peu à peu, d'étrangers qui ne connaissent pas les codes de l'espace naturel dans lequel ils évoluent, ils deviennent deux âmes, deux corps, deux espoirs chevillés à cette vie qui recommence à chaque hiver. Car, contrairement aux idées traditionnelles selon lesquelles le printemps apporte le renouveau, ici, ce sont les premières chutes de neige qui annoncent l'entrée dans la magie de cette saison aux promesses insensées. Et, parmi ces promesses, celle d'un enfant, d'une petite fille de neige que Mabel et Jack sculptent de leurs mains usées et qui, soudain, se matérialise, prend vie en la personne d'une enfant aux yeux de glace et aux cheveux d'or. Est-elle réelle ? Est-ce une nymphe, un ange, un mauvais tour joué par cette fièvre noire qui rend les gens fous ? La suite de l'histoire en elle-même est un enchantement, un émerveillement, celui de l'auteur à travers les yeux duquel on observe, on s'imprègne de cette nature époustouflante. Autour de cette petite fille de neige et de ses apparitions et disparitions, se nouent toutes les angoisses, les craintes, les peurs, les espoirs, les illusions, les joies intenses, les peines immenses, toutes les morsures universelles qui façonnent les âmes des hommes. 

Trio Sol Andino au Menoux


lundi 8 avril 2013

Bougeotte

Bougeotte
Où ?
Pour combien de temps ?
Prépare les semences.
Sème quelques graines.
Attends.
Ça pousse pas.
Attends encore.
Ça pousse pas.
Ça moisit.
Ça pourrit.
Va voir ailleurs
Si j'y suis.
Ailleurs.
L'herbe est plus verte,
Ailleurs ?
Ici ou là-bas.
Bougeotte.
Départ.
Où ?
Pour combien de temps ?
Prépare les semences.
Au cas-où...

samedi 6 avril 2013

Stephan Eicher à Conflans

Il n'y a pas de mots pour décrire ce que j'ai vu hier, les expressions sont dérisoires, c'est juste énorme. Musicalement, je n'ai JAMAIS vu un truc pareil. Dès le premier morceau, Eicher commence seul au piano, puis les musiciens viennent s'intégrer au fur et à mesure. ça va crescendo, jusqu'à une apothéose de son  comme une rafale qui nous emporte et nous soulève. A la fin de ce premier morceau, silence. Et la salle, à l'unisson, qui fait "waou". Scotchée. Le concert était lancé. Ensuite, un enchaînement de deux heures de morceaux non stop, pas de temps mort. Résolument rock, avec une batterie de folie, des guitares déchaînées  et une basse renversante. Et, à-côté mais pas au second rôle, un violon virtuose, un cor électrisant. Que dire d'autre ? Stephan Eicher, un artiste surdoué, un personnage attachant, drôle, communicatif. En témoigne la fin du concert, quand les musiciens au complet se mettent en mode fanfare et descendent dans la salle en défilé, font le tour du public. Génial de simplicité et de générosité. Bref, en résumé, un moment inoubliable, un spectacle réglé au millimètre, maîtrisé à la seconde et en même temps qui laisse la place à l'imprévu. Question de Stephan : "Vous voulez quoi comme morceau ?", et il le joue. Facile. Un génie. Une belle personne. Si vous passez dans les villes de la tournée, qui n'en est qu'à sa moitié, ou dans le coin, n'hésitez pas, allez-y, vraiment. Tout ce que vous aurez vu avant vous semblera hésitant et apprêté. Du moins, je me dis qu'enfin, après avoir lutté pour obtenir cette place, j'ai vu quelque chose que je ne reverrai pas demain, j'ai pris la mesure du talent et du professionnalisme. Je suis bluffée. ENCORE !!!!
Voici quelques videos de la tournée :

jeudi 4 avril 2013

Nouvelles d'en-bas

Bernard Ollivier, Nouvelles d'en-bas, 2001.
Cela fait deux jours que j'ai terminé ce bouquin, j'en ai même commencé un autre, et je ne sais toujours pas quoi vous dire dessus. A la question d'une amie de blog qui me demandait si je terminais systématiquement les livres que je n'aimais pas, j'avais répondu que tout dépendait, mais qu'en général je leur laissais leur chance jusqu'au bout. C'est ce que j'ai fait ici. Attention, ce n'est pas vraiment que je n'ai pas aimé les nouvelles de Bernard Ollivier. Déjà, je tiens à dire que je les ai choisies parce que j'aime cet auteur, cette personne, cet être humain hors catégorie qui, à 60 ans passés, décide sur un coup de tête de marcher sur la route de la Soie, tout seul, avec simplement son sac à dos et ses questions existentielles (pas le courage de faire un lien ce soir, allez voir par vous mêmes sur le blog !) J'avais aussi adoré les écrits qui avaient fait suite à sa descente de la Loire de la source jusqu'à l'estuaire. Un trajet épique raconté avec l'auto-dérision nécessaire de quelqu'un qui ne veut pas se faire passer coûte que coûte pour un extraordinaire aventurier, comme d'autres sont tentés de le faire, à juste titre d'ailleurs, mais ça manque cruellement de modestie. Bref. J'ai vu le nom sur la couverture, le sujet, vite fait, je le reconnais. J'ai emprunté. J'ai emboîté le pas de l'auteur dans les souterrains du métro. Et, si je vous dis que je n'ai pas détesté mais que je ne sais pas trop non plus décrire mon impression finale, c'est que ce livre ne laisse pas indemne. Pour résumer, on pourrait dire que ce sont des histoires de clochards, noires, glauques, puantes et alcoolisées. Mais ce serait trop simple. Non, ce qui laisse cette petite sensation de malaise, c'est que ce sont des histoires de "nous". Je me comprends, vous comme moi, nous ne sommes pas clochards. Et je ne vais pas insister sur le fait que les aléas de la vie, qu'on ne sait jamais, que demain, etc... Ce sont des histoires de "nous" pour cela, bien sûr, mais aussi parce que nous sommes dans chacun des personnages, que chacun des anti-héros est un peu nous, aussi, dans nos démons, nos échecs, nos ras le bol, nos peurs, nos engrenages. Et c'est là qu'on se sent tellement concernés par ces histoires. Âmes sensibles, peut-être, s'abstenir. Surtout que l'écriture journalistique, épurée, sans détours, produit son effet. Le petit bémol, c'est qu'au fur et à mesure des nouvelles, on a la fâcheuse petite intuition de la répétition des schémas. Mais, encore une fois, je suis allée au bout. Pour les notes de poésie diffusées dans la crasse et la galère, pour le fait, rien que ça, déjà, c'est énorme, d'avoir osé écrire ce livre et de l'avoir fait avec autant de vérité, sans prendre de pincettes mais surtout sans exagération. Môssieur.

mardi 2 avril 2013

Histoire d'un roman

"Observe. Des visages cuivrés dans la pénombre d’un bistrot, flottant au-dessus de bières déjà vides. Regards noirs et perçants, voix enrouées par le froid et l’alcool. Ecoute..."
Non, ce n'est pas un extrait du livre que je viens de refermer et dont je vais vous faire la critique. Mais ce sont peut-être les premières lignes de celui que vous lirez à la rentrée. Ou l'étrange cheminement qui nous fait passer du griffonnage à l'histoire, de l'ébauche à l'épopée : celle de l'écriture d'un roman. Comment cela est-il arrivé, je ne me souviens plus bien exactement de la genèse de cette folle aventure. Toujours est-il que, sans doute, mes recherches sur la Bolivie ne me suffisaient pas, j'avais d'autres choses à écrire, à dire. Au début, ces choses qui sortaient de mon stylo n'étaient destinées qu'à moi-même, comme un réconfort, un doudou. Peu à peu, cela a pris tournure, les personnages se sont affinés, imposés. Ils venaient frapper à ma porte comme dans une pièce de Pirandello. J'avais des flashs, je les voyais évoluer, bouger. Je visualisais ce que j'allais écrire. Par la suite, je me suis mise à écrire comme on se raconte soi-même les histoires qu'on aimerait lire au lit, le soir, au coin du feu. A quelle moment l'idée du roman a-t-elle surgi ? Encore une fois, je n'en sais rien. J'ai avancé, un point c'est tout. Souvent en tâtonnant, par épisodes, par rafales après des accalmies de plusieurs semaines. Au bout d'un moment, c'est vrai, je me suis dit que, tout de même, il semblait que j'approche de la fin. Alors j'ai mis les bouchées doubles. Après ces longues années à couver cette histoire, je me suis décidée à accoucher et à laisser les autres apprécier ce que j'avais écrit. C'est d'ailleurs la théorie de Liz Gilbert pour tenter de se libérer de cette pression que les écrivains se mettent sur le dos comme une épée de Damoclès : est-ce que ce que j'écris en vaut la peine ? Selon elle, il faut absolument se désolidariser de cette peur qui accompagne le désir de séduire et se dire que, de toute façon, on ne peut pas s'empêcher d'écrire et qu'alors, faisons-le, que diable !, mais laissons aux lecteurs le soin de juger si notre travail est bon ou mauvais. Car, une fois le manuscrit terminé, nous avons aussi achevé notre boulot. 
(intervention à voir ici :)


Aujourd'hui, donc, j'ai terminé ce roman, je m'en suis enfin défaite, libérée, et je n'en rêve plus la nuit. Mes personnages ne me hantent plus à longueur de journée, en voiture, dès le petit déjeuner. Je leur ai réglé leur compte. Maintenant, mes pages sont entre de bonnes mains pour une énième relecture, une traque aux coquilles que j'ai confiée à l'un de mes amis les plus chers, celui qui m'a donné le goût de l'Amérique Indienne, de Arguedas, de la passion qui agite nos tripes et du travail bien fait. Ensuite, le manuscrit pourra affronter les comités de lectures des éditeurs. Mais c'est une autre histoire.
En tout cas, chers lecteurs, c'est peut-être aussi un peu à cause de vous, vous qui m'avez poussée à en écrire toujours davantage par vos commentaires (pas toujours) amicaux, par vos encouragements, vos yeux derrière l'écran. Je me suis entraînée, je me suis prise au jeu. Je peux dire sans hésiter un millième de seconde que, si on me payait pour ça, si j'en avais la possibilité et le droit, écrire, je ne ferai que ça. 

lundi 1 avril 2013

Mortemart, rochers et menhirs

Au lendemain d'une journée de pluie, direction le ciel bleu et l'ouest du Limousin pour aller à la découverte de l'un des plus beaux villages de France : Mortemart. Nous nous situons juste après Bellac, à l'écart de cette fameuse route Océan-Suisse qui porte si bien ce joli nom, en plein coeur des Monts de Blonds, douceur de collines et de prés verdoyants. 
Dès l'entrée du village, on se rend bien compte de la raison pour laquelle Mortemart est considéré comme l'un des plus beaux de France, et on tombe immédiatement sous le charme. Au milieu de la petite place ensoleillée remplie de touristes souriants et détendus, le vieux tilleul écarte ses branches par encore garnies de feuilles. Les maisons, toutes rénovées, font briller leurs pierres blanches surmontées de toits de tuiles claires et font comme une ronde autour des murs du château. Et, partout, dans chaque jardin, à chaque coin de rue, des camélias et des tulipiers à foison. Un régal pour le regard. 



Plus loin, nous entrons dans l'église des Augustins. Aussitôt après avoir refermé la lourde porte, le retable nous éblouit. Un véritable retable baroque dans toute sa splendeur. A remarquer, sous les sièges réservés aux religieux, des figures toutes plus diaboliques les unes que les autres. Autre édifice religieux, l'ancien couvent des Carmes nous accueille par un porche et un mystère qui n'ont rien à envier aux missions jésuites d'Amérique du Sud. 

A l'extérieur, nous nous laissons encore une fois éblouir par le soleil et par son reflet dans les étangs qui entourent le château. Plus loin, ceux-ci forment un paysage tout à fait bucolique. Un petit paradis de silence ponctué par l'écoulement de la petite rivière. 

A quelques kilomètres, nous grimpons sur les rochers de Puychaud, un ensemble minéral tout droit sorti d'une forêt de contes de fées, puis nous restons un moment ébahis devant la masse imposante d'un menhir qui dresse sa face en direction du soleil d'ouest, preuve que l'histoire de la région commence bien avant le Moyen-Âge. Il est temps de repartir, mais quelle réjouissance pour les yeux, que de beauté au mètre carré !