samedi 31 mars 2012

Flamenco al desnudo

Le flamenco n'est pas une danse, c'est une respiration.
La phrase n'est pas de moi, cher lecteur, et à cette heure tardive j'avoue ne pas me souvenir du nom de son auteur. Cependant, elle correspond parfaitement au spectacle que je viens de voir et dont je te fais le récit à chaud.
Lumière.
Un homme est assis à une table, il écrit. Journal intime. Une rencontre. Une femme.
Trois musiciens. Cajon, guitare, contrebasse.
Voix.
C'est parti.
L'homme se lève et danse son journal intime. Les mots prennent corps, prennent vie, de la tête aux pieds et jusqu'au bout des doigts.
L'homme et la femme sont face à face. Talons, pointes, cajon, coeur qui bat. Tun tun, tun tun. L'éblouissement du premier regard, l'émoi, la vie.
Deuxième acte. Le rêve. Voix rauque, accents orientaux des brisures de cette voix. Rouge. Irréel.
La femme qui s'illumine, s'anime. Seule, elle occupe toute la scène, elle remplit tout l'espace. On ne voit plus qu'elle, on se suspend à ses doigts et à ses talons, à sa manière rageuse d'agripper sa jupe puis de la jeter en arrière, à ses yeux, ce regard de braise, fixe, qui se baisse et se relève d'un saut pour se planter droit devant, vers un point à la fois lointain et très intérieur. Gauche, droite, mouvements brefs de la tête, nets, les gouttes de sueur qui jaillissent de ses cheveux brillent dans la lumière des projecteurs.
Lui. Mouvements lents et circulaires, rondeurs des bras, univers qui se dessine et se referme. Allure chaloupée qui soudain se fait précise, découpée, exacte, sans fioritures. Le flamenco à nu, al desnudo, dépouillé, total. Nous sommes loin des clichés, en plein dans la danse, dans l'expression de l'âme, le corps qui écrit une histoire, qui nous raconte un voyage, une introspection. Comme un clin d'oeil, soudain, des accents de danse indienne dans l'écho que se renvoient la voix du cantaor et le zapateado. Tatitam tatitam tatam. Voyage aux origines, aux sources. Profondeur. Racines.
Une fin inattendue qui renforce encore le frisson. Une apothéose poétique dans la réflexion existentielle sur les vides et les pleins de la vie, les erreurs du destin, les moments perdus, les actes manqués.
Rideau.
Flamenco al desnudo, une oeuvre totale, entre danse, musique, théâtre, poésie et bien d'autres choses encore, qui chatouille les cordes sensibles de l'âme et nous transporte dans le rire, la tristesse, la colère, la frustration, la beauté, l'amour, tous les sens en éveil.
Evidemment, je n'ai pas vu ce spectacle dans de bonnes conditions. Je souris encore de ceux qui ont bavardé pendant 1h30, qui ont ri grassement au mauvais moment, fait des commentaires aussi déplacés qu'impromptus, se sont endormis ou ont pesté à la fin du spectacle de "n'avoir rien compris". Des handicapés de la beauté, des allergiques de la poésie, des gens que les chaînes de bêtise et d'étroitesse d'âme qu'ils se trainent laissent hermétiques au mouvement du monde et empêchent de s'envoler.
Qu'importe. Je n'ai pas cligné l'oeil de tout le spectacle, j'ai eu trop peur d'en perdre ne serait-ce qu'un millimètre. J'ai dévoré ce que j'ai vu, l'ai gravé, intériorisé, presque ressenti, quand par moments mon corps s'échappait et esquissait un mouvement, pris par le rythme, accompagnant d'un frémissement musculaire la transe des danseurs.
Et je me suis dit que oui, ce que je savais déjà se confirmait, le flamenco n'est pas une danse, c'est une respiration, le souffle et les étincelles de l'âme, la rondeur du monde et l'âpreté des sentiments, la beauté dans le tragique.
La vie telle qu'on devrait la vivre.
Totale.


lundi 26 mars 2012

On parle de nous dans La Patria!

Voici deux liens qui vous conduisent tout droit vers le supplément dominical du journal La Patria de Oruro, qui publiait ce dimanche un article sur le travail de traduction des Contes de la mine entrepris avec Victor Montoya, ainsi que la traduction en espagnol d'un de mes articles du blog sur le même sujet. Bonne lecture!

http://lapatriaenlinea.com/index.php?t=obra-de-victor-montoya-traducida-al-frances&nota=101959

http://lapatriaenlinea.com/index.php?t=cuentos-de-la-mina-la-traduccion&nota=101960

lundi 19 mars 2012

Doña Domi nous a quittés

Por Victor Montoya


Doña Domi, qui est devenue l’une des femmes emblématiques de l’histoire du syndicalisme bolivien, je m’en souviens depuis mon enfance. Nous nous retrouvâmes parfois dans les manifestations de protestation sur la Place du Mineur de Siglo XX, où je parlais en tant que représentant des étudiants du second degré et où, par sa parole et par son courage, elle s’élevait comme le leader incontesté du valeureux Comité de Femmes au Foyer.
Elle était une femme faite de copagira et de fibre minière, non seulement parce qu’elle était fille de mineur, mais aussi parce qu’elle fut l’épouse d’un autre mineur ; de ses pores jaillissait la sueur des palliris et dans ses mains s’exprimait le sacrifice d’une femme habituée à doubler ses journées pour accomplir les tâches domestiques et s’occuper de sa famille. Elle vivait pour travailler et travaillait pour que les hommes et les femmes apprennent à défendre leurs droits les plus élémentaires.
Ses discours, faits de feu de et de passion ardente, étaient incendiaires lorsqu’il s’agissait de faire référence aux crimes de lèse-majesté commis par les régimes dictatoriaux, qui semaient la panique et la terreur chaque fois qu’ils intervenaient militairement dans les districts miniers, laissant un flot de morts et de blessés.
Jamais elle ne cessa de protester contre le pillage impérialiste, dans une nation qui, tout en étant riche, est tellement pauvre à la fois, et ne s’inclina jamais face aux menaces de ceux qui la frappaient dans les geôles des dictatures. Elle eut toujours la tête haute et le cœur palpitant aux côtés d’un peuple qui clamait pour la justice et la liberté.
Je retrouvai Doña Domi en 1980, à Stockholm, après le sanglant coup d’état mené par Garcia Meza et Arce Gomez, où nous partageâmes le même pas dans une marche de protestation et parlâmes des morts et des disparus, après la prise par les armes de l’édifice de la Fédération des Mineurs. Ensuite, nous partageâmes la joie de rencontrer et d’écouter Garcia Marquez l’année où il reçut le Prix Nobel de Littérature, lorsqu’il parla devant des centaines de latino-américains exilés et qu’il lut l’un de ses contes dans le salon officiel de LO (Centrale Ouvrière Suédoise), dans le rude hiver 1982.
Une fois rétablie la démocratie en Bolivie, doña Domi décida de rentrer dans son pays pour se réinsérer au sein du mouvement populaire qui se battait pour prendre les rênes du pouvoir politique. Je lus dans la presse qu’elle se présenta comme candidate à la vice-présidence et que les votes des électeurs ne furent pas suffisants pour la mener jusqu’au Palacio Quemado. Cependant, cela n’entama pas sa détermination et elle poursuivit sa lutte avec la même persévérance de toujours. Nous savons maintenant qu’elle ne parvint à être ni vice-présidente, ni ministre, ni sénatrice de la république, pas même pendant le processus de changement que dit avoir mis en place le gouvernement actuel.
J’eus beaucoup de peine en voyant la photo sur laquelle elle apparaissait avec un foulard sur la tête, marquée par une maladie irréversible et un traitement de chimiothérapie. Mais, même ainsi, on la voyait souriante face à l’appareil, comme se moquant de la mort, comme se moquant de ceux qui lui souhaitaient le pire, parce qu’une femme comme doña Domi, qui avait appris à se jouer des bonnes et des mauvaises passes de la vie, était alors déjà une femme immortelle, car ses luttes, ses mots, son exemple, ses expériences et sa soif de justice resteraient pour toujours parmi nous, avec nous, comme les flammes qui demeurent vives dans la mémoire  collective et le témoignage historique d’un pays fatigué d’attendre dans la queue de l’histoire.
Doña Domi nous a quittés entre les pleurs et les cœurs serrés par son départ, entre des hommes, des femmes et des enfants qui assistèrent à sa veillée funèbre et ensuite à ses funérailles. Nous ne pouvons nier le fait que, durant les dernières années de sa vie, elle resta un peu recluse dans la douleur, le silence et, pourquoi ne pas le dire, dans une sorte d’oubli de la part de ceux qui, un jour, l’avaient considérée comme leur camarade de lutte et qui, le lendemain, l’avaient abandonnée par jalousie et à cause des ambitions mesquines de certains qui s’octroyaient le mérite d’être des combattants sociaux sans même le mériter.
« Si on me donne la parole… », qui résume les idées et les sentiments de cette indomptable femme des mines, restera une lecture obligatoire pour les femmes de Bolivie, d’Amérique Latine et les pays de ce qu’on appelle le Tiers Monde. Dans  ses pages résonne la voix d’une femme qui,  porteuse d’une profonde sagesse populaire, critiquait les conceptions du féminisme arriéré, et revendiquait la véritable émancipation des femmes qui, aux côtés des hommes, devaient forger une société plus libre et équitable, basée sur les principes de la solidarité et le respect des Droits de l’Homme.
Malgré tout, doña Domi aura toujours, par son propre mérite, une place privilégiée dans les campements miniers, dans les gravas des desmontes et dans les ténèbres des galeries de Siglo XX, où règne encore le Tio de la mine, qui est le maître absolu des richesses minières et le patron des mineurs, de ces géants des montagnes qui apprirent à lutter contre la roche, d’arrache-pied, la dynamite à la main, avec la même énergie avec laquelle ils apprirent à affronter leurs ennemis de classe, menés par des syndicats révolutionnaires dont les leaders, de même que doña Domi, donnèrent des leçons d’humanisme, de dignité combative et de démocratie participative.
COPAGIRA: f. Eau mêlée à des résidus de roche, de couleur jaune ou grisâtre, résultant du processus de lavage du minerai
DESMONTE: m. Entassement de résidus de la mine considérés comme stériles, mais qui, en réalité, constituent d'importantes réserves pouvant contenir de l'étain.
PALLIRI: f. Femme qui, à coups de marteau, triture et choisit les morceaux de roche minéralisée dans les desmontes.
TÍO: m. Divinité. Diable et dieu tutélaire qui habite à l'intérieur de la mine. Les mineurs le craignent et lui font des offrandes.
(traduction:emi)

mercredi 14 mars 2012

Domitila de Chungara

2005. Je commence à travailler, mais, en même temps, je décide de poursuivre mes études. Je tente de convaincre une directrice de recherche: si je fais des recherches universitaires, ce sera sur la Bolivie. C'est non négociable. On me dit de travailler sur un thème à partir d'un ouvrage. Je n'ai pas grand chose sous le coude, rien qui m'inspire. Et puis, de Cochabamba, on m'envoie un petit livre photocopié. Domitila de Chungara, Si me permiten hablar... Aussitôt, je me plonge dans la lecture et dans l'étude de ce témoignage d'une femme de mineur bolivien. C'est une découverte. Le monde des mines, les tragédies, la difficulté du travail et du quotidien, les combats, le courage des femmes. Et puis en janvier 2006, tout se décide très vite, je partirai en Bolivie pour rencontrer Domitila. C'est mon premier voyage. Llallagua, Siglo XX, Oruro, je pose les pieds sur ces hautes terres, austères et colorées, dures et fières à la fois. Avant de partir, je contacte Domitila par téléphone grâce à des proches. Je lui pose timidement quelques questions. Elle répond avec une patience, une gentillesse extrême. Elle m'explique des choses qu'elle a déjà dû répéter des centaines, des milliers de fois, mais elle le fait avec passion, sans rien omettre, tout naturellement. En février 2006, je me rends à Cochabamba, dans le quartier des anciens mineurs, au local de son Movimiento Guevarista. Je suis face à une femme souriante, qui dégage une force incroyable, une paix aussi, mais de ces paix déterminées, inébranlable, animée d'une certitude sans faille, de l'amour de son peuple et de la soif de justice. Doña Domi me raconte encore les campements de mineurs, les injustices, la pauvreté, les maladies, les grèves, les massacres, la torture. Comment ne pas être impressionnée par cette femme, conquise, admirative? Ensuite, le témoignage de doña Domi ne m'a plus quittée. Sa force m'avait ébranlée et changée. Elle m'a ouvert les portes du monde minier bolivien et je m'y suis engoufrée, pour ne plus jamais en sortir.
Aujourd'hui, Domitila vient de nous quitter. C'est un choc, une immense perte, un chagrin terrible qui envahit tous ceux qui l'ont connue, qui ont fait un bout de chemin à ses côtés. Nous sommes tous un peu orphelins de son aura de mère, de son courage qui nous faisait relever la tête, de son sourire enveloppant, de la tendresse qu'elle avait pour chacun et pour son peuple. Domitila de Chungara est l'une de ces femmes qui ont changé la face du monde, qui ont lutté et tenu tête pour un monde plus juste. Elle reste l'une de celles qui ont fait l'histoire de la Bolivie, une héroïne, une étoile, un guide.

samedi 10 mars 2012

Le peuple de papier

Salvador Plascencia, Le peuple de papier, 2010.
Je l'avais bien vu à la bibliothèque, je le scrutais depuis quelques temps, mais, l'ayant ouvert et ayant découvert une mise en page un peu farfelue, je l'avais reposé plusieurs fois. Pourtant, il était toujours là, tentant. Cette fois, je me suis dit, allez, un peu d'originalité, soyons téméraire, que diable! Et je l'ai emprunté. Le résultat est ébouriffant.
Je ne peux même pas vous dire si c'est un roman... Quand à raconter l'histoire, ou même en faire un résumé, c'est carrément mission impossible... Que vous dire alors? Qu'il faut le lire, il FAUT, mais sans argument, je reconnais que vous n'êtes pas convaincus. Et comme mes talents douteux de critique littéraire ratée ne vous permettent pas de me croire sur parole, il va bien falloir que je développe. Alors je vais comparer, depuis ma maigre culture, pour vous donner une petite idée de la chose.
La quatrième de couverture, qui cite certains critiques, eux très avisés, dit qu'il y a du Garcia Marquez là-dedans. Ce n'est pas faux. Dans le courage, le clin d'oeil, l'ironie de nous raconter des choses sans queue ni tête, sans chercher à ce que cela soit vraisemblable, juste en établissant un pacte avec le lecteur. Je te raconte des énormités et tu les avales, parce que tu me connais, et parce que je cherche à te surprendre. Réalisme magique, real maravilloso, une réalité en dehors du temps et de l'espace. Une expérimentation.
Mais il y a aussi du Horacio Quiroga dans ce livre. Plus tragique que Garcia Marquez, moins joueur. Plus à vif. La mort qui rôde, l'atmosphère lourde, pesante, parfois même étouffante et des personnages qui souffrent, qui se font mal, physiquement, moralement. On imagine bien des couleurs saturées, un récit toujours sur le fil du rasoir. Glauque, une horrible beauté. La magie.
Et puis, il y a du Carlos Fuentes. Ca m'a rappelé La region mas transparente, je ne sais pas pourquoi. Sans doute ce défilé de personnages dont on ne sait plus bien quel rôle ils ont, s'ils sont importants ou pas. Le récit du quotidien qui côtoie le mythique sans que l'on parvienne tout à fait à trancher, à démêler l'un de l'autre. Un fouillis littéraire, parfois fatigant. Une chorale, presque un choeur tragique. C'est ça, oui, nous nous approchons de la tragédie.
Il y a ensuite du Luigi Pirandello, ça, c'est évident. Dans cette recherche expérimentale que l'auteur italien avait mené dans Six personnages en quête d'auteur, dans ce dialogue, cet échange souvent virulent, allant jusqu'à l'accusation, entre des personnages de papier et leur auteur, totalement dépassé par les prétentions au réel de ses créations, créations qui lui échappent alors complètement. De là, chez Plascencia, à mener de front une véritable guerre contre le romancier. Et on s'en délecte.
La plupart du temps, on ne sait pas du tout où il veut en venir. C'est osé, vraiment. Surréaliste, absurde, tout ce qui fait qu'on se trouve toujours à la limite du scénario catastrophe, ou du plus de scénario du tout. Le bazar narratif. Un grand n'importe quoi. De la chimie. Un mélange d'ingrédients totalement disparates. Et pourtant, on ne sait pas bien pourquoi, ça tient, on suit, on le suit. L'auteur. Celui qui nous emmène dans un monde en dehors du monde, avec des personnages de papier, à une frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, théâtre de cette histoire qui n'en est pas une.
Je ne sais pas si je vous ai convaincus. En tout cas, je n'ai jamais lu un truc pareil. Je ne sais même pas si ça s'appelle de la lecture ou bien si c'est de la déambulation. Ca vaut vraiment le coup. Les autres livres, ensuite, pourront paraître fades, convenus, mais seront sans doute aussi... reposants, moins déroutants, plus classiques. Après la lecture du Peuple de papier, ce qui est sûr, c'est qu'on est un lecteur un peu différent d'avant.

jeudi 8 mars 2012

A l'anglaise

Bon... je n'ai rien à vous dire en ce moment, rien à raconter d'hyper capital culturellement parlant... comme d'habitude, me direz-vous. Et comme d'habitude dans ces cas-là, je ne voudrais pas vous laisser sans rien sous la dent, alors, comme je le fais dans ces circonstances de faim intellectuelle intense, je vais vous parler de bouffe! (Tout en vous faisant croire, comme il est de coutume ici, que je vais, ensuite, vous parler d'un sujet passionnant, d'un livre extra que je suis en train de lire, en somme, du bobard de première, puisque vous savez comme moi qu'il ne se passe jamais rien de captivant par ici...)
Bref, je suis allée à Paris (oui, ça m'arrive), dans un salon de thé (hé oui, je deviens snob). Mais pas n'importe lequel. Pas le salon du thé en sachet et du dessert surgelé. Non, un établissement de grande classe. Dans une petite rue pas très loin des Halles, une façade qui ne paie pas de mine, trois marches à descendre vers le Paradis (comme quoi, il faudrait parfois inverser nos visions communes sur le haut et le bas, le Paradis et l'Enfer. De toute façon, on a de la chance, les deux se trouvent sur terre. Enfin, c'est une manière de voir les choses). Deux ou trois marches à descendre, donc, et on s'installe dans une atmosphère chaleureuse, énormes poutres au plafond, couleurs douces, tissus fleuris. Le thé est servi dans des tasses en porcelaine toutes plus élégantes les unes que les autres. On se sent accueillis. On se sent bien, dans un petit recoin du monde à l'abri de tout. On peut y déjeuner, mais on y vient surtout pour goûter les pâtisseries, comment dire... renversantes (même si je n'ai pas vu l'ombre d'une tarte tatin sur la carte). Fondants au chocolat, scones, tarte au citron, tarte au chocolat et caramel, etc... Nous avons testé pour vous le fondant au chocolat, tout chaud, et la tarte au citron, sans meringue, pas du tout acide, tout en douceur, à l'image du lieu. Et le top du top, c'est que tout est fait MAI-SON, et ça se sent, impossible de s'imaginer le contraire. C'est un régal pour les sens, un bonheur comme on n'en fait plus, à l'heure du surgelé et du rapide. Ici, le temps s'arrête, on ne sait plus si on est à Paris, dans un jardin anglais ou chez sa grand-mère, peu importe, on plane. Allez-y en courant donc, et plus vite que ça s'il vous plaît!
Queen Ann
5 rue Simon le Franc
Paris 4ème
Metro Rambuteau

jeudi 1 mars 2012

A la douane

Et la douanière s’évanouit.
Jusque –là, la traversée de Paris et l’arrivée à l’aéroport de Roissy n’avaient pas posé de réel problème. Bien sûr, le taxi parisien, fidèle à lui-même, bougonna quand même en râlant parce qu’ils allaient salir le siège en skaï de sa Mercedes. C’était pour la forme. En tout cas, il ne les obligea pas à attacher leur ceinture, de toute façon, lui-même ne la mettait pas, il préférait s’accrocher à son téléphone portable. En cas d’accident, il serait sans doute mis directement en relation avec les Urgences, progrès oblige. Une fois à l’aéroport, ils sortirent tant bien que mal de la berline pour partir à la recherche de leur porte d’embarquement. Restait à passer l’épreuve de la douane. Au moment de déposer leurs affaires sur le tapis roulant, ils se posèrent la question suivante : devaient-ils passer sur le tapis ou sous le portique ? Les gens autour leur jetaient des coups d’œil amusés, méfiants, parfois terrorisés. Il faut dire que même si l’on vit à une époque dite libérée, le sexe à l’air, ça fait désordre. Ils remarquèrent bien le malaise des mères de famille face à cet attribut exposé sans vergogne à la vue de leurs enfants, mais ils se refusèrent à avoir honte étant donné que, de toute façon, il n’existait pas de slip de cette taille. Ils passèrent sous le portique. L’alarme de détection des métaux ne sonna pas mais on appela quand même discrètement un responsable de la sécurité. Le douanier ordonna qu’on fît une fouille au corps. Ils se regardèrent en silence, un sourire provocateur au coin des lèvres et l’œil qui frisait. Sur le premier d’entre eux, la fouille fut rapide et sans problèmes. Sur le deuxième, la palpation s’avéra plus risquée, d’autant qu’elle fut exécutée par une jeune femme. Celle-ci ne put réprimer une grimace de dégoût en promenant son détecteur sur le corps de la créature qui lui faisait face, le sexe en érection. Elle eut même l’impression que cela s’aggravait au fur et à mesure de la fouille. En tout cas, la créature lui souriait avec un plaisir non dissimulé. Leurs regards se croisèrent ; deux billes de feu percutèrent les deux yeux tendres de la jeune femme. Et la douanière s’évanouit.
Aéroport de La Paz- El Alto.  15 heures. Un écrivain bolivien tente de passer la douane pour transporter jusqu’en France une effigie grandeur nature du Tio.
L’écrivain : « Tu pensais à quoi ? »

Le Tio: "Le retour va être galère."