lundi 8 octobre 2012

Les grandes eaux musicales de Versailles


Quoi de mieux pour se noyer dans la foule, pour user ses semelles sur les pavés, pour se saouler de bousculades et de coups de coudes, que d’aller trainer ses guêtres un dimanche après-midi aux grandes eaux musicales du château de Versailles ? Centième visite des jardins, énième détour par les mêmes allées, Versailles rempli de touristes, et pourtant Versailles, toujours. Versailles à toutes les saisons ; les roses de la colonnade au printemps, les mirages du soleil sur le grand canal en été, les ciels lourds d’automne, les ciels bleu de glace des hivers en plein vent. Il faut voir Versailles à toutes les saisons. Et s’offrir, lors des grandes eaux, quelques heures dans le beau. Le château ultra élégant, presque guindé ; le roucoulement des fontaines qui se jettent vers le ciel en ne manquant pas de nous arroser insolemment ; le baroque dans les hauts parleurs et les costumes dans la tête. Car comment expliquer autrement que par le perpétuel enchantement ces visites répétées à un endroit qui n’a plus besoin de la nôtre pour prospérer ? En étant près de ce joyau, parfois, on ressent comme un appel, comme un « tiens, il y a longtemps… » qui nous titille et nous pousse, nous aimante.  Alors, on se sent un peu comme des extraterrestres, comme un cheveu sur la soupe, sans but précis au milieu des touristes minutés, organisés, guidés. Plan, appareil photo, montre à la main, contre nez, yeux, vent. Le combat est inégal. Lorsque les grandes eaux commencent, il ne nous reste plus qu’à les suivre, à emprunter les chemins de la grande transhumance. Et allons-y pour Jupiter, allons-y pour Neptune, allons-y pour Apollon. Et, tels des adeptes d’un mystérieux rituel, chacun de faire une photo à un endroit précis, les deux pieds posés sur une croix rouge implicite, tous à la suite. Nous qui ne sommes pas des touristes, qui avons un regard différent ou qui le souhaitons, il ne nous reste plus qu’à nous jeter comme des morts de faim sur des détails, quelques gouttelettes, certaines transparences dans les jets d’eau, ces visions intimes que Versailles cherche à dissimuler et que personne ne nous volera. Il y a presque de l’indécence dans ces formes au deuxième degré, dans cette eau qui se faufile lascivement et caresse les corps cuivrés. Il y a, certainement, une joie malicieuse, jalouse, à capturer un instant de beauté qui n’appartient qu’à nous.  Ensuite, l’appareil photo tente de faire ou de défaire le reste, de dompter ces images fuyantes, de les représenter comme il peut. Et le cerveau le gronde, se fâche, face à cette minable machine incapable, ce débris de ferraille et de plastique, infoutu de reproduire les choses telles qu’elles sont. Ou telles que nous croyons les avoir vues. Mais nous ne sommes pas fous, pourtant ! N’avons-nous pas clairement distingué les frissons des statues dans les fontaines ?







1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il est vrai qu'on ne s'en lasse pas... c'est particulièrement superbe en automne je trouve. Ca tombe bien, on y est!
pcr