jeudi 11 octobre 2012

J'ai lu Zola

Cela mérite un grand bravo et je ne suis pas prétentieuse. La littérature française reste le cauchemar de mes années de collège et de lycée, voir même d'université, puisque je n'ai jamais dépassé le 9/20 de moyenne dans cette matière depuis l'âge de 15 ans. J'ai maudit Molière et ses dialogues à apprendre par coeur, j'ai détesté Maupassant et son Horla à propos duquel il a fallu faire des heures et des heures de commentaires, j'ai soupiré de lassitude face aux interminables phrases de Stendhal et de Flaubert qu'il m'a fallu traduire en italien. Je m'en suis donc tenue là pendant quelques années, années bénies où j'ai découvert d'autres littératures. J'ai dévoré les romans de Garcia Marquez et les nouvelles de Cervantes, avant de me rendre compte, en fin de compte, que la littérature espagnole, niveau ennui, n'avait rien à envier à la française. Camilo José Cela et Quevedo étaient des raseurs. C'était dit. Alors est venu le temps des récits de voyages, des récits de vie, des récits d'ascension et autres littératures qui ne disaient pas leur nom. C'était moins intimidant, plus dépaysant, deux bonnes raisons d'y aller. Un jour, pourtant, au moment où je m'y attendais le moins, les grandes oeuvres revinrent frapper à ma porte. Je préparais un travail de recherche sur les mines boliviennes et, pour en savoir un peu plus sur le métier de mineur, sur les conditions de vie et de travail, je me suis dit, un coup de folie: "tiens, et si je lisais Germinal?". J'avais été impressionnée par le film et par conséquent, l'oeuvre me paraissait intéressante. En fait, je l'avoue, et à mon plus grand étonnement, j'ai été captivée. Par le décor, par ces ciels lourds et éternellement gris, par ses visages fermés, ce travail infernal, la gueule béante de cette mine mangeuse d'hommes et de destins. J'ai lu Germinal et je ne l'ai pas compris, je l'ai visualisé. C'est là que je me suis dit que ce Zola était sacrément fort pour susciter tant d'images dans un tête d'inculte littéraire. Et puis, ceci mis à part, la condition des mineurs de la fin du 19ème en France ressemblait beaucoup à celle des mineurs boliviens des années 60-70 que j'étudiais. Zola avait frappé en plein dans le mille. Les années ont passé, les oeuvres se sont succédé mais je n'ai jamais renouvelé ma rencontre avec la littérature française. Et puis, un jour encore très récent, j'ai décidé de mettre un terme à ma carrière d'use-pantalon sur les bancs des facs de France. Enfin, pour la première fois depuis 10 ans, je pouvais lire CE QUE JE VOULAIS. Mais par où commencer? Le choix était si vaste! Les grands auteurs me causant encore une angoisse toute scolaire, j'ai d'abord lu un peu de tout, ce que je trouvais, des auteurs "actuels", du bon, parfois même du très bon. Eric Emmanuel Schmitt, une constante. Frison Roche, pour la montagne. Giraudeau, tout, dans l'ordre et dans le désordre et à répétition. Puis, peu à peu, l'appréhension des grands noms a disparu, parce que, comme avec la nourriture, plus on mange et plus on a faim, il en est allé de même pour la lecture. Et rien ne m'a plus paru insurmontable. C'est dire le chemin parcouru.
A la bibliothèque municipale. Octobre 2012.
"Bonjour, je n'ai pas trouvé les livres de Zola.
- Oui, ils sont dans un carton, dans le bureau. Suivez-moi!
- (Déjà, c'était louche).
- Lequel voulez-vous?
- C'est que... je commence... je ne sais pas par quoi commencer...
- Eh bien, attendez voir...
- J'ai lu Germinal parce que je travaillais sur les mines et puis j'ai lu beaucoup (ouh la menteuse) de littérature espagnole et latino-américaine pour mes études alors voilà. (reprise du souffle)
- Bien sûr, on ne peut pas tout faire!
- Voilà! (sourire de marmelade d'enfant qui cherche une mauvaise excuse parce qu'il n'a pas lu le livre au programme).
- Il y en a beaucoup! Attendez... Non, celui-là est très gros!
- (merde, je suis démasquée)
- C'est dommage, Au bonheur des dames est déjà emprunté. Essayez celui-ci. La curée. C'est le deuxième des Rougon Macquart.
- Merci. Merci beaucoup!"
Bon, une semaine plus tard, j'ai avalé, dévoré, je me suis préparée chaque soir à retrouver Zola avec l'excitation toute propre aux plaisirs nouveaux et un peu cachés. J'ai aimé. Et je suis fière d'avoir franchi ce pas, après toutes ces années de brouille, d'avoir fait ce geste symbolique de réconciliation avec la grande littérature française. Voyez-vous, j'en suis même encore plus fière que si j'avais remporté une épreuve olympique, ou pire, si j'avais été lauréate de l'agrégation. Sacré Zola.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Que c'est bon de lire ce qu'on veut, sans résultat attendu à la clé, sans enjeu, juste le plaisir simple de la lecture...moyennant quoi, on peut avaler n'importe quoi pourvu qu'on l'aie décidé, na.
pcr