Le Col des saisies, malgré son altitude encore modeste, est
à la fois une station populaire, le tourisme de masse et l’immensité à perte de
vue, des alpages à n’en plus finir, le tintement des sonnailles à 360 degrés.
Avant le col, en venant de Hauteluce, on peut choisir d’éviter les immeubles
pour s’échapper par une petite route qui monte sur la gauche. On arrive alors
sur un plateau, le Col de la Lézette, à quelques 1700 mètres. Il faut alors
s’empresser de laisser là la voiture. Les jambes en fourmillent tellement les
possibilités de balades sont légion, dans toutes les directions. Nous
choisissons aujourd’hui de partir le nez en direction du Mont Blanc. Celui-ci
joue à cache-cache derrière des masses de coton immaculé. Qu’importe, nous nous
lançons. Après avoir goûté la vue panoramique, nous quittons le chemin
carrossable pour s’enfoncer dans la forêt de sapins. Cela sent les aiguilles et
la résine, levons le pied : attention, racines. On monte, on descend, on
remonte pour redescendre encore, de quoi fatiguer les jambes avec ce dénivelée
capricieux. Plus loin, nous retrouvons le large chemin qui sépare les alpages,
sans pour autant dissocier le son des cloches. Les belles ruminantes, à cette
heure de l’après-midi, commencent déjà à se diriger, lentement mais sûrement,
vers la traite. Une horloge dans les mamelles ou la ponctualité de l’instinct. Nous
nous essayons aux toilettes sèches d’altitude, quand soudain le sentier nous
indique une dernière ligne pas vraiment droite en perspective. Les dernières
centaines de mètres vers le Mont Clocher se font sur un chemin à vaches, une
sorte d’arête tord-chevilles, un brise-mollets. Mais le réconfort vaut bien
l’effort. Là-haut, en plein vent, on frissonne autant de froid que du plaisir
d’avoir réussi, de la sensation unique d’un tête-à-tête amoureux avec la chaîne
du Mont Blanc. Un moment qu’on voudrait être le seul à connaître, un instant
où, on l’avoue, on aime jalousement sa neige éternelle, on déteste
méthodiquement chaque marcheur qui arrive au sommet après nous. Le retour, ce
ne sont que 4 km les pieds en avant et le cœur en arrière, le regard qui
balance entre les deux, qui tente de lancer son hameçon vers la gigantesque
croix du Mont Clocher qui, du haut de ses 1880 mètres d’altitude, se fait de
plus en plus petite. Elle a beau finir par disparaître, on l’a déjà plantée
dans la cervelle, comme un virus, une image parmi tant d’autres qui se plaquera
sournoisement devant nos yeux au moment le plus inattendu.
1 commentaire:
Mmmm... c'est si bien raconté que l'on ne se lasse pas. Magnifiques photos, merci emi.
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