Méribel. Un nom qui ne fait pas forcément envie en été. On a
des souvenirs de Flaine, station d’hiver totalement sinistrée et vieillie en
été, quand la neige s’absente et la met à nu pour en découvrir toutes les rides
et les fissures. Méribel, certes, n’en est pas du tout là. C’est une station
agréable, toute de bois vêtue, propre et à première vue accueillante. Mais
c’est une station. Elle a des souterrains sous les immeubles, des parkings
habilement cachés, des rues qui passent en tunnels. Elle est idéalement pensée,
mais elle n’a pas d’âme. La nature environnante l’a-t-elle perdue aussi ?
Notre mission est de le découvrir.
Au-dessus de Méribel, allons donc faire un tour, et pourquoi
pas le tour, du lac de Tuéda. Les
pêcheurs pêchent et les marcheurs marchent. Jusque-là, rien d’anormal. Essayons
encore d’oublier la station en contrebas. Montons, cachons-nous dans la forêt
pour retrouver l’odeur des sapins et le scintillement des torrents. Enfin
débarrassés de la civilisation – plus on monte, plus on est seul -, nous voici
sur des pentes dignes de ce nom, dans un recoin de la Tarentaise, entre les
rochers et les sifflements toujours plus insistants des marmottes. La montée
est raide mais, au détour d’un virage, nous nous retrouvons sur ce qui
ressemble à un altiplano andin. Et au-milieu coule un torrent. Que dis-je, il
rugit, il fonce, il gronde et il turbine. Tout semble si paisible pourtant,
comme arrêté. A droite du fleuve intérieur, c’est clair comme de l’eau de
roche. On pourrait s’accroupir et passer sa vie à compter les galets dans le
filet de rivière qui passe ici. Si on remonte son cours, on arrive jusqu’à un
lagon. Il faut le voir pour le croire. Un petit lac turquoise, transparent,
exotique, incongru, tahitien. Mais la vie est ailleurs.
A quelques mètres de là, dans les ruines d’anciens refuges
de bergers, des nez frissonnent, des moustaches se trémoussent, des poils se
dorent au soleil. Qui l’aurait cru : au-dessus de Méribel, c’est le
royaume des marmottes. Ce ne sont pas quelques spécimens égarés qu’on devine à
peine à la longue vue. Ce sont des colonies, des familles entières. Sur le
plateau, les marmottes sont plus nombreuses que les hommes. Et elles le savent.
Elles sifflent pour la forme, pour nous narguer, mais elles savent bien
qu’elles sont les maîtresses du lieu. Elles nous dominent, nous mènent par le
bout de leur nez. Gros plan sur la fourrure. Du coin de l’œil, elles nous
surveillent, nous jaugent, nous épient – se moquent ?-. On en oublierait
presque de respirer tellement on est près, tout près d’elles. Est-ce que ce
sont les 400 mètres de dénivelée ? Est-ce que c’est l’ivresse des sommets,
ce bégaiement de la parole et de l’esprit propre à l’altitude ? Est-ce que
ce sont des mirages ? Nous nous sentons aussi drôles que si nous avions croisé
des lutins. Pour de vrai.
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