J’aurais aimé vous parler des immensités, du ciel bleu sans
nuages, du silence de l’altitude. Mais aujourd’hui je n’ai entendu que du
bruit. Le seul moment de calme, et peut-être n’en ai-je pas assez profité, ce
fut dans le télésiège, au-dessus du monde. Avant et après, tout n’a été que
chaos et bousculade. Embouteillage sur la route de Chamonix. Vraiment, je
plains les chamoniards au mois d’août, qui ne peuvent pas mettre le nez dehors
sans tomber sur des hordes de touristes. D’habitude, je fuis les grands centres
touristiques. Mais que ne ferait-on pas pour avoir encore le plaisir de voir
des étoiles dans deux yeux noirs. Aux Praz, pourtant, en voyant l’immense file
d’attente au pied du téléphérique de La Flégère, une espèce d’instinct
sauvage m’a presque fait renoncer. Une demi-heure plus tard, et c’était un
moindre mal, nous le verrons plus loin, nous voici donc dans l’énorme benne, à
survoler le golf de Chamonix. Puis, d’un coup de tête, nous voilà les deux
fesses bien posées sur le télésiège, les jambes dans le vide jusqu’à l’Index.
2300 mètres de grande solitude ? Que nenni. Le chemin qui mène au Lac
Blanc est impossible à manquer, c’est une autoroute. Toutes les générations
s’entassent là, soufflent et renâclent, telle une colonne colorée de bagnards volontaires.
Tout ce que vous aimez en montagne, oubliez-le. Le calme, le sourire, la
fraternité, le partage… Oubliez. Ici, c’est le royaume des Nez Baissés. Plus
personne ne se regarde, plus personne ne vous salue. On va droit devant, on se
bouscule. On se croirait sur la ligne 13 du métro aux heures de pointe. Ici, il
semble qu’on retrouve le type de personnage qui klaxonne à Paris quand toutes
les voitures sont à l’arrêt, le même qui vous passe devant à la caisse du
supermarché de la Côte d’Azur, ou encore celui qui chronomètre son moindre pas
et étale ses prétendus records aux oreilles de tout le monde, bien fort, quand
vous, vous êtes encore rougeauds et essoufflés par la montée. En somme, le
royaume du con. Les cons sont partout, mais, dans ces lieux-là, ils sont à un taux beaucoup plus élevé qu’ailleurs. Haute
toxicité. Lac Blanc, Mer de Glace, Brévent, Aiguille du Midi, le con pullule au
Paradis. Ceci étant dit, qu’il ne nous empêche à aucun moment de profiter de la
vue grandiose, plus belle et différente à chaque virage. Une sorte de poster
façon Joconde qui vous suit au fur et à mesure de votre parcours. La chaîne du
Mont Blanc s’étale-là, dans toute sa splendeur et sa grandeur, éblouissante.
Malheureusement, le Lac Blanc n’est pas le genre de lieu qui pousse à la
contemplation, où l’on aime à s’attarder. Bien au contraire, il nous fait fuir.
Alors on redescend, parce qu’en mouvement, on est encore au moins sûr de
transporter avec soi son minuscule espace vital et de ne pas se le faire
piétiner. Le calvaire ne s’arrête pas là, puisqu’une heure d’attente entre le
télésiège et le téléphérique représente la dernière torture –épreuve
divine ?- avant de redescendre, totalement sonné par tant d’agitation.
Ensuite, il faut retraverser Chamonix en voiture. J’ai fait ma bonne action. Je
me suis rendue compte en discutant avec quelques personnes que mes lieux de
prédilection restent méconnus du grand public. Je me suis bien gardée d’en
faire la publicité. Demain, je retrouverai avec joie et soulagement la montagne
comme je l’aime.
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