Familia rodante, Pablo Trapero, 2004, Argentina.
Le point de départ (c'est le cas de le dire, vous allez comprendre tout de suite): Emilia, 84 ans, fête son anniversaire en famille quand elle reçoit un coup de téléphone: l'une de ses nièces se marie et lui demande d'être son témoin. Emilia, tout à sa joie et semble-t-il désireuse de réunir sa petite famille, dans laquelle, comme dans toutes les familles normales, on pressent déjà quelques tensions, décide que tout le monde, sans exception, l'accompagnera pour se rendre à ce mariage. Seul souci, le mariage en question aura lieu... à Misiones, tout au nord de l'Argentine. Et c'est le road movie qui commence pour traverser tout le territoire argentin. Les 12 membres de la famille s'entassent dans l'espèce de vieille caravane d'Oscar, le gendre d'Emilia. L'aventure et les problèmes commencent, tant sur la route que dans l'espace réduit de la caravane, idéal pour un huis clos hyper tendu. Au programme: des adolescents qui découvrent l'amour, des mères de famille insatisfaites, une fille déjà mère et dont le compagnon, qui les rejoint plus tard sur sa moto, est à la limite de la drogue et de la marginalité, un père qui déteste donc ce gendre indigne de sa fille... Je vous passe la suite. Une vraie famille, comme je vous le disais. A cela s'ajoutent les aléas du voyage: le trajet qui se déroule à un train de 60 à l'heure, la vieille carcasse de la caravane, chargée à bloc, ayant beaucoup de peine à avancer; les pannes diverses et variées; la chaleur de plus en plus étouffante au fur et à mesure que la troupe s'approche du Brésil, atmosphère pesante qui n'est pas seulement due à la chaleur, puisque l'espace de la caravane, en rapprochant physiquement les personnes (très bien filmé d'ailleurs, puisque les plans sont eux aussi hyper rapprochés, accentuant cet effet de cocotte minute roulante) exacerbe les tensions, rend palpables les non-dits et les désirs refoulés. D'ailleurs, le film est d'autant plus bon qu'il n'a pas de fin. Réconciliations, séparations, permanence du mensonge? On ne le sait pas, et a-t-on vraiment envie de le savoir. Familia rodante est à la fois une critique acerbe des relations familiales dans lesquelles règnent l'hypocrisie et la frustration, en même temps qu'une ode à la famille dans tout ce qu'elle a de noyau essentiel, indestructible malgré le chaos, une sorte de panier de crabes dans lequel on se retourne, on se cherche, parfois sans jamais se trouver, mais sans jamais pouvoir non plus en sortir. Cette famille-là tourne autour d'Emilia, la merveilleuse Graciana Chironi, tellement vraie, pilier au fort caractère et à l'autorité indiscutale, et dont le regard inonde en même temps tout son petit monde d'une tendresse infinie. Petit plus pour ce film: la BO signée par l'immense Leon Gieco.
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