Il ne fallait absolument pas manquer l'événement. Après une expo réussie il y a quelques semaines à Saint Maur (36), la famille Carrasco ouvrait les portes de l'atelier de l'artiste bolivien au Menoux, son village de coeur. Pendant deux jours, les visiteurs ont pu entrer dans le secret de la création des sculptures, des peintures, se familiariser avec le personnage de Carrasco, complexe, entier, humaniste, passionné, ainsi qu'avec son oeuvre. Visiter l'atelier de l'artiste, c'est à la fois émouvant, prenant, intéressant, parce qu'on y sent son empreinte à fleur de peau. Sans être là, il est partout; tout en étant absent, il remplit tout l'espace. Que dire alors de l'église du Menoux, sa réalisation magistrale, l'oeuvre de toute sa vie. Ces fresques gigantesques figurant le mouvement du monde, de la terre et des cieux jamais dissociés, de l'âme et du corps toujours liés, étroitement. Samedi soir était organisé un concert de musique folklorique bolivienne, au terme d'une journée de visite de l'atelier de Carrasco et de dégustation de plats typiques. Après s'être rassasiés de salteñas -dont le nombre était proportionnel à la qualité de l'acceuil: immense-, les gens sont donc peu à peu venus peupler les bancs de l'église. Un brouhaha incroyable dans un lieu saint s'est alors installé. Etait-ce l'originalité du lieu, la proximité du concert, l'enthousiasme de la découverte? C'en était presque trop... Qu'importe, ce soir-là, le groupe bolivien Llapaku était tout spécialement venu de Rennes pour célébrer l'événement, en mémoire de Carrasco, par amitié pour lui et sa famille. Llapaku, c'est l'un des meilleurs groupe andins en France, des musiciens époustouflants, des rythmes et des mélodies venus tout droit des hauts plateaux jusqu'au coeur de la France. Car c'est bien au coeur que la musique est arrivée. Tout était parfait. Les toyos grondant et vibrant tels les vents sauvages de l'altiplano, les cordes au son rapide et cristallin d'un ruisseau d'altitude, et un bombo qui a fait s'emballer le rythme de notre propre coeur. Llapaku est un groupe authentique, qui ne sacrifie pas aux rituels de la "variété" ni aux morceaux dits "festifs", réclamés par un public parfois ignorant de la véritable nature de la musique des Andes. Au contraire, ils ont administré samedi, en quantité non négligeable, une dose de sincérité et de vérité musicale qui a convaincu les spectateurs les plus réticents. Je n'avais pas vu de concert de musique bolivienne depuis un certain temps, mais d'un autre côté j'en ai tellement absorbé que je pense pouvoir dire que c'était du très haut niveau. Et puis, ce moment musical était très lié à l'artiste Carrasco, notamment lorsque Llapaku a interprété deux morceaux de Los Jairas, groupe phare des années 60, iniciateurs de la diffusion en Europe de la musique bolivienne depuis le berceau de la Peña Naira à La Paz, co-fondée par Carrasco lui-même. Plus que jamais, à ce moment du spectacle, sa présence était palpable. Une immense émotion, relayée par cet accueil tellement chaleureux, à la spontanéité non mesurée, de la part de la famille Carrasco, pour qui l'hospitalité est une qualité naturelle. Des coeurs ouverts dans lesquels on s'engouffre avec tellement de joie.
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