lundi 2 janvier 2012

Corrida, flamenco et autres fanatismes

L'Andalousie, et Séville plus que Cordoue ou Grenade, c'est l'exubérance, l'extrême, l'exagération, le fanatisme. Je l'ai déjà dit, ce qui frappe, c'est que rien n'est fait à moitié, rien n'est dit à demi-mots. Même le climat y va de ses outrances: 47 degrés de moyenne en été, il y a de quoi faire fuir le touriste. Et il n'y a pas que cela. Séville est comme ça. Entière. On l'adore ou on la déteste. J'ai fait un peu des deux, je crois. Je l'ai adorée parce qu'elle est colorée, saturée de couleurs même, piquante, enlevée, envoûtante, dévorante. Je l'ai détestée pour les mêmes raisons, plus ou moins. Trop vive, trop fatigante, canibale. Du sang et des larmes, on se croirait dans un livre de Garcia Lorca. Et pourtant c'est bien ça.
Reparlons religion. Je sais que ça vous fâche. Mais il faut quand même dire que lorsqu'on se rend à Séville, il faut savoir qu'il est des villes catholiques comme il est des pays musulmans. Religion officielle. Ecoles confessionnelles, uniformes, églises à tous les coins de rues, encens sur les places et prières dans les hauts parleurs, messes à tout bout de champ, crèches en veux tu en voilà, étendards annonçant la naissance du Christ à toutes les fenêtres. De quoi se sentir quand même un peu mal à l'aise si on n'est pas catholique. On sent bien que le passé musulman et juif a depuis longtemps été mis au rang des affaires classées. Séville, sois belle et tais-toi...


Autre fanatisme. La corrida. Je ne suis pas aficionada du spectacle, je n'y connais d'ailleurs pas grand chose; pas une fervente opposante non plus. Je suis donc allée visiter la Maestranza, la Plaza de Toros, par curiosité, intriguée par la ferveur populaire que déclenche le spectacle (je suis d'ailleurs en train de lire un livre sur le sujet, je vous en reparlerai). Visite commentée. Passionnante. D'abord, les arènes de Séville sont grandioses. Pensez-vous, 26000 places. Et puis le musée raconte toute l'histoire de la corrida, depuis les origines jusqu'à aujourd'hui en passant par tous les détails techniques, les évolutions de l'habit de lumière et quelques exentricités. Par exemple, on peut voir dans une pièce du musée la tête empaillée d'une vache, pas n'importe laquelle. Je ne résiste pas à vous raconter l'histoire.
1947. Manolete, célèbre torero, idole des foules, meurt sous les cornes d'un toro bravo. Le propriétaire de l'animal, ami de Manolete, est très affecté par ce décès. Pour briser la lignée du taureau assassin, il décide de tuer la mère de celui-ci (le mâle donne en effet la force physique, mais c'est bel et bien la femelle qui donne les caractéristiques "techniques" et d'intelligence au taureau). Voilà donc pourquoi on retrouve empaillée au musée taurin de Séville la tête de cette vaca brava... Sortant de cette extraordinaire visite, je ne prends toujours pas partie, mais espère secrètement quand même avoir l'opportunité un jour d'assister à une corrida. Parce que ça doit quand même être quelque chose. Si l'Andalousie devait être associer à un spectacle, un art, une boucherie, comme vous voudrez, cela ne pouvait être que celui-là.




Et comme l'âme sévillane m'intriguait décidément, je suis allée faire un tour du côté du musée du flamenco. Clin d'oeil à mon adolescence, quand j'écoutais à tue-tête un vieux disque de Camaron de la Isla. C'est le musée le plus cher du séjour (10 euros, quand même...), mais artistiquement, c'est un bijou, une plongée théâtrale dans les coulisses de ce qui est, cette fois considéré de manière unanime, un art. Toute la visite est mise en scène, dans une obscurité quasi totale, où on découvre d'abord les origines de la danse, puis ses différentes techniques et traditions. Ecran géant sur les danseurs de bulerias. On s'asseoit. Epoustouflant. Pièce suivante, toujours le noir, cette fois des voix, des voix qui racontent l'histoire et la légende, des voix qui chantent. Puis on se laisse volontiers enfermer dans une autre pièce, cernés par le chant et les gestes, les regards et le zapateado d'une troupe de danseurs. Jusqu'à la claustrophobie, jusqu'à l'obsession et l'overdose. Mise en scène encore de loges d'artistes, miroirs et spots éclairant les costumes, les chapeaux et un couteau posé là, ouvert, servira-t-il?
Exubérances donc, outrances, fanatismes. Séville nous bouscule et nous choque. Pour ma part, ses provocations ont le don de me plaire.

1 commentaire:

Gilles a dit…

Tu racontes trop bien !
j'ai l'impression d'y être