jeudi 17 novembre 2011

Les bijoux de la Castafiore

Pourquoi les femmes portent-elles des bijoux? On se pose parfois des questions existentielles le jeudi soir. C'est la réflexion que je me suis faite en ôtant mes parures et mes breloques ce soir (et encore, c'est un minimum).
Il y a ici des souvenirs de partout, des moments de ma vie, des racines et des rêves, des ruptures dans les absences et des certitudes dans les trésors rapportés des différentes régions du monde où j'ai planté mes racines. Dans mon cas, ces bijoux, c'est moi, juste moi et rien d'autre, un résumé comme d'autres portent des tatouages. Sans tout cela, je me sens nue, c'est étrange. Et je me demande, pourquoi porte-t-on des bijoux?
J'ai l'habitude de toujours observer les bijoux chez les femmes que je croise. Avant même de regarder leurs yeux je regarde leurs mains et leurs poignets, parce que mine de rien cela m'indique beaucoup de choses sur la personne qui est en face de moi. En France, ce sont d'un côté les bijoux "fantaisie", de l'autre la fameuse alliance, accompagnée de la bague de fiançailles, comme une indication de statut, comme si on avait besoin de l'afficher, et pour se protéger de quoi? Dans d'autres pays, les bijoux de mariage, c'est le moyen d'afficher sa richesse. Plus il y en a, plus il y a d'or, mieux c'est. D'autres parures sont carrément des particularismes régionaux. En Savoie, les femmes arborent fièrement leur croix en or à chaque grande occasion. Religiosité et tradition obligent. En Bolivie, les cholitas sont vraiment quant à elles un cas à part. Boucles d'oreilles qui pendent jusqu'aux épaules, broches, bracelets, bagues, colliers, et même broderies sur les châles, le tout en or, massif. Etre cholita, c'est un art de vivre. On ne se sépare jamais de tous ses atours, sinon, on perd le prestige. Cholita, c'est presque une caste. En tout cas, cela coûte très cher aux fiancés! "Se marier avec une cholita, c'est la ruine!', m'avait dit un jour un bolivien, me racontant que l'un de ses amis, marié à l'une de ces figures de la Bolivie, devait se serrer la ceinture pour faire des cadeaux d'anniversaire dignes de ce nom à sa femme. Un bouquet de fleur ou un foulard à pois, que nenni! Non, de l'or, du vrai, du lourd, sinon rien. Le statut avant tout. Et attention, ce n'est pas un déguisement ni un costume de fête, non, c'est la tenue de tous les jours, celle avec laquelle on lave le linge, on négocie le prix du quartier de viande ou on va à la banque. C'est l'uniforme, un signe de reconnaissance, d'appartenance, qui se transmet de mère en fille en général. Femmes fortes, les cholitas, de décision, parfois de pouvoir.
Cholita en Urkupiña, Quillacollo, Bolivia - foto emi

En Bolivie toujours, d'autres femmes portent d'autres sortes de bijoux, beaucoup plus discrets, mais tellement intéressants, notamment par les motifs qui y sont gravés: lamas, chakana, tumi, autant de symboles de la cosmovision andine qui se retrouvent sur les mains et aux poignets des boliviennes d'origine indigène. Telles des ñustas, des princesses incas, ou plus loin encore des femmes des civilisations pré incaïques, elles portent sur elles toute la majesté de leur culture, de leur vision du monde, de leur race, diraient-elles. Nous sommes bien loin de l'alliance de mariage occidentale. L'union, ici, se fait avec la Terre. Que d'histoires dans tous ces bijoux, combien de mains observées, de doigts usés serrés dans des bagues resplandissantes sur les marchés, de poignets de bronze ornés de cercles d'argent, d'oreilles tout justes naissantes déjà parées. En portant toutes mes breloques, je me sens un peu semblable à toutes ces femmes. Des boucles d'oreilles immenses des cholitas aux bagues pleines de farine des cuisinières en passant par les motifs indigènes sur des bras aux teintes cuivrées, je porte moi-aussi ma vision du monde; entre l'anthracite des mines alpines et l'argent de celles de Potosi, les richesses de la terre mère sont ma protection, mon tasliman et ma coquetterie, les bijoux de la Castafiore...
En souvenir d'autres jeudis soir, Lili...

1 commentaire:

metreya a dit…

ouai… eh ben… je trouve que mon histoire d'huître c'est beaucoup plus rigolo ;-)
blague à part… en Asie c'est la même chose : la femme mariée se doit de porter ses parures en or massif et qui constituent une grande partie de sa dot. Et c'est de l'or et des pierres précieuses… c'est tout. Les bijoux fantaisie sont réservés aux jeunes filles…