jeudi 3 novembre 2011

La culture dans le potager

Ce genre de reportages me met autant l'eau à la bouche que du baume à l'âme et de l'espoir en pagaille. Arte, GlobalMag, reportage à Montreuil (93), sur une parcelle en friche que, grâce à l'insistance d'une association, la mairie a bien voulu prêter à une famille de roms récemment installés dans la commune. Agriculteurs en Roumanie, cette opportunité leur permet d'exercer une activité qu'ils connaissent très bien, tout en tentant de s'insérer dans la société française. Les légumes poussent à foison, nourrissent la famille, servent à la préparation de repas lors de l'assemblée de l'association et autres rencontres sur le thème du partage et de l'accueil. La famille rom rêve maintenant de vendre des paniers de légumes aux voisins et ainsi de commencer à exercer une activité salariée, de s'assurer un avenir un peu moins sombre que celui qui les attendait sûrement sous un pont de l''autoroute A3. Car quoi de plus fraternel et en même temps philosophiquement intéressant que de nourrir les voisins français, la terre d'accueil, avec des produits "bio", dont les graines proviennent toutes exclusiment de Roumanie? Il est assez drôle de songer au parallèle entre les semences et le fait de chercher à s'implanter sur une nouvelle terre... C'est ce qui s'appelle joindre le geste à la parole. Et je me prends à rêver de ce monde là où chacun aurait quelque chose à offrir à l'autre (et où l'autre recevrait ce qu'on lui offre, mais ce n'est pas toujours le cas, dans un sens comme dans l'autre et vice versa, vous suivez?)
Suite du reportage, nous partons au Kenya, dans le plus grand bidonville du pays, sans cesse alimenté par l'exode rural. Là, des farfelus ont l'idée de créer un potager "bio": l'idée se creuse, germe et prend racine. Des habitants du township sont maintenant salariés de cette coulée verte entre les baraquements. La graine va se semer ailleurs puisque dans des cours, entre les murs de tôle, d'autres habitants font pousser des légumes, des arbres fruitiers dans des sacs de jute remplis de terre: de quoi faire de sacrées économies, éviter d'aller dépenser l'argent qu'on n'a pas au marché et nourrir la famille en fruits et légumes frais. Quelle fierté de faire pousser quelque chose dans cet enfer sur terre, quelle renaissance! L'occasion aussi pour ces migrants de la campagne de renouer avec leurs racines rurales et ainsi recréer un microcosme agricole aux portes de la métropole grouillante et polluée. Cela ne vous inspire pas, vous, cet élan vers la nature, ce retour aux sources, cette paix et cette humanité qui se dégagent de ces potagers improvisés et de ces gens qui les cultivent? Vous me direz sans doute que je vis dans un monde parallèle et que c'est une utopie... Mais si c'était ça l'avenir, si ce monde parallèle dont je rêve était la solution à nos problèmes de crise, de dettes et autres inflations monétaires? Un retour vers l'échange, la solidarité et le contact direct entre les gens et avec la terre. Songe halluciné d'une adoratrice de la Terre Mère, sans doute.
Sans doute, oui. Parce que d'ici j'entends déjà des voix qui disent "on ne mange pas de ce chou fleur là". Parce que depuis ma banlieue riche de Paris je perçois des échos de vieilles rangaines racistes encore plus vivaces que des mauvaises herbes. Je vois autour de moi des gens qui savent pester de manière virulente contre de jeunes blancs becs fumant du shit en bas de nos immeubles bien sous tous rapports, mais qui tracent à la ligne rouge (bleue blanc rouge?) une frontière entre ces sales gosses et les autres, ceux qui ne sont pas de la même couleur, ceux qui "ne sont pas latins" (je cite les paroles exactes d'une de mes voisines: sourire sans équivoque, question de gènes). Mal au coeur, mal aux tripes quand on a un enfant "pas latin" avec soi; mal aux tripes de ne devoir choisir qu'entre la banlieue béton-drogue-police et la banlieue argent-bon français-racisme. La mixité est donc définitivement impossible, non pas parce que, comme dit ma chère voisine, "on est trop différents, les origines, on ne peut pas vivre avec eux", mais bien parce que des gens comme elle sont tellement fermés qu'ils en oublient d'être humains. Et si ces "jeunes à casquette", ces africains, arabes et autres "basanés" se mettaient à cultiver des tomates pour faire fleurir leur avenir, je crois bien que ces français qui se croient "bons" préfèreraient redevenir carnivores... Et le pire étant qu'ils le revendiquent. Intolérance assumée.
N'avaient-ils pas ri, pourtant, au sketch de Fernand Raynaud sur le boulanger étranger découragé et harcelé par une population raciste qui préfère se priver de pain plutôt que de le voir pétrir par des mains étrangères? Ou bien peut-être ne se sont-ils pas reconnus?

1 commentaire:

Gilles a dit…

Tu as tout dit ou presque , le "pas latins " employé par ta voisine ne s'adresse pas à ton enfant, parce qu'elle vous connaît, elle vous voit tous les jours , vous faîtes partie de son environnement, elle l'a même peut-être dit en toute naïveté en regardant ta fille mais sans l'inclure dans les "pas latins"; non, le problème ce sont tous les autres , tous ceux que l'on ne connaît pas et qui sont donc suspects ,inquiétants, a fortiori s'ils sont d'un autre couleur et/ou d'une autre culture.
toute la question est là , ou bien on a l'envie , la curiosité de connaître l'autre ou on se réfugie derrière les remparts au milieu des siens , de son clan en refusant par peur , par bêtise, par idéologie de comprendre ceux d'en face.
NB: moi-même je ne suis pas sûr de toujours faire les efforts ou attention aux "pas latins " ou aux "différents" que je croise !