vendredi 7 octobre 2011

Elles n'ont pas la langue dans leur poche

Tiens, cela faisait longtemps, cher lecteur, que je ne t'avais pas parlé boulot. Je sais, tu vas me dire, le boulot, toi, pour ce que tu en sais... Et l'éternel refrain sur ces feignasses de profs. Comme chaque année (et là tu vas me dire eh bien, tu ne te renouvelles pas beaucoup!), je tente de faire faire un tour de l'Amérique Latine à mes élèves d'option 3ème européenne, à travers l'art, la poésie, la peinture, le cinéma et évidemment la musique, sinon ce ne serait plus moi. J'ai commencé par les Etats-Unis et la culture "chicana" des mexicains immigrés, qui vivent "dans le monstre", comme l'aurait dit José Marti. Je travaille sur le poème "She" de Sergio Elizondo, qui mêle espagnol et anglais, qui raconte en spanglish le quotidien bipolaire (privé/public, maison/travail, intime, sentiments/concret) d'une jeune fille. Ensuite, je jette mes élèves à l'eau en leur donnant comme seule consigne de me produire un poème bilingue, espagnol et une autre langue, de préférence celle qu'ils parlent chez eux. Certains cette année ont été totalement bloqués et n'ont pas pu écrire en arabe, ont préféré l'anglais ou même l'allemand, histoire de ne pas se livrer, de détourner le problème. D'autres en revanche ont joué le jeu et le résultat est incroyable. Je vous livre quelques uns de ces poèmes polyglottes, comme je les appelle, entre introspection, retour aux racines, affirmation de convictions ou création totale (l'une de ces jeunes filles, fan de mangas, dessinatrice hors pair, apprend le japonais toute seule chez elle... je rappelle qu'elles n'ont que 14 ans... )
"De kono kawa yume
Sora wa yume anata no
En este rio de flor
sakura kaze no naka e
Estos ojos ven la belleza
que esta en nosotros
tu espiritu es del color
del arco iris"
(Dans cette rivière de rêve, elle rêve de toi / dans cette rivière de fleur/ les fleurs de cerisiers volent au vent/ ces yeux voient la beauté qui est en nous/ ton esprit est de la couleur de l'arc en ciel)
"Viva Donia!
Me gusta esta tierra
Le cunt el ouhel
yo viajaria por el mundo
yo cantaria con mi voz
el ard douribet bil ahasir
estos rios donde encontramos nuestras risas y nuestros dolores
nhab el ard, el wardetou lhalem
y este amanecer infinitamente cariñoso venido del este
ah limada nehki hada?
Porque me encanta esta tierra
viva Donia!"
(j'aime cette terre/ si j'étais un oiseau je voyagerais à travers le monde/ je chanterais avec ma voix/ la terre fouettée par les tempêtes/ les fleuves où nous trouvons nos rires et nos peines/ j'aime cette terre, ces fleurs et ce monde/ et cette aube infiniment tendre venue de l'est/ ah, pourquoi je raconte cela? parce que j'aime cette terre/ vive la vie!)
"La revolucion
L'abed ykhafou y jianin
luchan por la libertad
t'alkou al khobs
luchan por el dinero
ir al khedma
yistena barcha por la libertad
i'moukiou alla bledom
son valientes
son pacientes
viva la libertad!
viva la révolucion!"
(les gens ont peur et faim/ ils se battent pour la liberté/ ils se battent pour le pain/ ils se battent pour l'argent/ aller au travail/ ils attendent beaucoup, pour la liberté/ ils meurent pour leur pays/ ils sont courageux, ils sont patients/ vive la liberté! vive la révolution!)
Un petit air de "printemps arabe" dans la classe et peut-être de futures Prix Nobel de la paix... ou de poésie!

2 commentaires:

aldeaselva a dit…

Bon, eh bien tout espoir n'est pas perdu!

Anonyme a dit…

De bien belles poésies !