jeudi 6 octobre 2011

Captive

Clara Rojas, Captive, 2009.
Elle a été séquestrée pendant 6 ans par les FARC dans la jungle colombienne et elle a la force de nous livrer ce témoignage, d'opérer un douloureux retour en arrière pour nous faire partager ses souvenirs, ses peurs, ses espoirs, ses douleurs et ses combats quotidiens. Clara Rojas, à l'époque, en 2001, était la directrice de campagne de la candidate à la présidence Ingrid Bétancourt qui dirigeait le Parti Verde Oxigeno. Ces deux là étaient liées par une même volonté, une amitié sincère qui n'a pas résisté à la captivité et a très vite littéralement explosé. On connaît Clara Rojas parce qu'elle "a eu un enfant dans la jungle". Tous les médias s'étaient emparés du sujet, spéculant sur le nom de père et les circonstances de cette grossesse. Viol? Histoire d'amour? Le livre ne répond surtout pas à cette question, cela demeure de l'ordre du privé, de l'intime et c'est très bien ainsi. Ce qu'il en reste, ce sont les heures, les semaines, les mois, mêlés de courage, de joie intense, de souffrance extrême, psychologique et physique, la torture mentale et corporelle d'accoucher seule, sans famille, au milieu de nulle part, sans assistance médicale, au bord de la mort. Ensuite, on sait toute l'aventure de cet enfant miracle, Emmanuel, enlevé à Clara alors qu'il n'a que 8 mois et qu'elle ne reverra que 3 ans plus tard, à l'aube de ses 4 ans. Comment survivre à l'insoutenable, la séparation, l'arrachement de l'enfant à la mère? Clara nous parle énormément de sa foi. Catholique pratiquante avant l'enlèvement, elle le reste, le revendique et creuse son sillon spirituel pendant ses 6 ans de captivité. Croyant ou pas, catholique ou pas, on accepte volontiers que c'est cette foi sans bornes en Dieu qui lui a permis de rester debout quand la folie la guettait. Car à quoi d'autre se raccrocher? A rien. Les guerrilleros sont loin d'être dépeints comme des sauvages sanguinaires, mais ils restent des ravisseurs, des hors la loi, des voleurs de vie. Certains otages de l'époque de Clara Rojas y sont d'ailleurs toujours. Elle, elle dit qu'on lui a volé des années de sa vie. L'épreuve est morale, physique aussi. Marcher, changer de camp, avancer pendant des jours à travers la jungle humide, mouillée jusqu'aux os, dormir dehors, sous la lune, entourée de fourmis, de serpents, de moustiques. Lutter contre le paludisme, l'absence de communication, avec le monde mais aussi avec les autres otages. L'autre point qui a été largement repris par la presse, outre la naissance de son enfant, ce sont les relations avec Bétancourt. Tout l'inverse de ce qu'Ingrid a bien voulu raconter. Des conflits à revendre, des semaines de silence, du mépris, de la colère, de l'ignorance. On a envie de pencher d'un côté plutôt que de l'autre, et puis on se raisonne: comment ne pas changer de personnalité, ne pas devenir autre, fou, dans cet enfer vert, entourée de ses hommes armés jusqu'aux dents, harcelés par les hélicoptères de l'armée, quand d'une seconde à l'autre tout peut basculer. Enfin, Clara nous parle de sa libération, de Chavez, très polémique également, encore un peu sombre dans les détails. Mais ce n'est pas ce que nous retenons de ce livre. C'est plutôt, loin de la politique et de la folie des hommes, l'épopée d'une femme forte, d'une héroïne qui ressemble malheureusement à tant d'autres en ce moment dans le monde.

1 commentaire:

aldeaselva a dit…

Mon grand-père, au service en 1912, à la guerre en 1914, libéré de Poméranie en mars 1919, après avoir couché des nuits durant dans la boue cote à cote avec les cadavres de ses camarades, rappelé réserviste en 39, libéré de son oflag en 41, démissionaire de l'administration de Vichy face au trafic des personnes expédiés vers les camps, n'a jamais de sa vie raté une messe.
L'histoire officielle effectivement ne raconte pas tout, ou du moins à sa manière!...