samedi 24 septembre 2011

Les cols des Alpes

Samivel, Les grands passages des Alpes.
C'est en fouillant dans la petite bibliothèque de mon village que je suis tombée sur ce livre. L'auteur, évidemment, et le titre m'ont inspirée, je l'ai lu. Outre quelques photos vieillies mais qui laissent quand même reconnaître les lieux, l'ouvrage de Samivel contient aussi des gravures anciennes représentant les passages, souvent périlleux dans les temps anciens, que sont les cols des Alpes. L'auteur a choisi de nous parler des principales portes naturelles entre la France, la Suisse et l'Italie et qui ont derrière elles une longue histoire de point de communication entre un pays et un autre. Du col de Tende au Simplon en passant par le Mont Cenis, le Grand et le Petit Saint Bernard, Samivel retrace l'Histoire des cols alpins, souvent lieux de passage connus dès l'Antiquité, bien que parfois les preuves en soient assez rares. Ensuite, à travers le temps, ce sont souvent des armées entières qui s'y sont succédées, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, laissant des traces de violences hors du commun dans les écrits et les esprits de la région. Une parenthèse est faite pour nous parler d'Hannibal et des différentes hypothèses sur l'endroit de son passage, les habitants et autres "spécialistes" attachés à tel ou tel col le revendiquant comme l'authentique lieu de passage d'Hannibal, sans que jamais la vérité ne puisse être découverte puisqu'aucune trace n'a jusqu'à aujourd'hui été trouvée nulle part, ni des hommes, ni des fameux éléphants. Puis vint Napoléon, le célèbre Bonaparte qui, dans sa soif d'expansion, a tenté d'exploiter jusqu'au bout de le relief, cherchant à le moderniser et à faciliter ainsi le passage vers des terres à conquérir. Son leitmotiv: "est-ce que le canon passe?". Si le chemin était encore trop impraticable à son terrible engin de guerre, Bonaparte a donc entrepris d'en faire améliorer l'état, de l'élargir, d'en faire une route. Plus tard, des aventuriers, un peu inconscients compte tenu de leur équipement sommaire, se lancent à l'assaut des cols, accompagnés par les marrons, les ancêtres des guides. Et puis vient la grande déferlante des sports d'hiver qui modifient le panorama et viennent à jamais révolutionner l'histoire des cols des Alpes. Comme toujours, la langue de Samivel est un régal et on regrette même qu'il ne se soit pas attaqué à d'autres cols que ceux dont l'historique est contenu dans cet ouvrage. Au delà des sommets, Samivel nous parle aussi des hommes. On peut lire par exemple un excellent passage, que j'ai lu avec une attention redoublée puisque l'endroit m'est familier. Il s'agit de l'histoire de Pierre Chanoux, sorte d'hommage à l'abbé qui pendant cinquante ans resta fidèle au poste à l'Hospice du Petit Saint Bernard. Comme dit Samivel, il était "the right man in the right place". Seul, "avec ses chiens, ses livres, les silences étincelants de la montagne", il accueille les pélerins, les randonneurs égarés, même les mendiants. Amoureux de sa montagne, de son col auxquels il dédie toute sa vie, le personnage ne manque pas de modernité et d'originalité.
"On connait de cet écologiste avant la lettre des traits éloquents, comme de proscrire la chasse aux environs de l'hospice, placer au printemps quelques brassées de foin à l'orée du trou des marmottes, lorsque celles-ci émergent, le ventre vide, des longues torpeurs de l'hiver; porter à toutes les formes de vie, même et surtout les plus humbles, les plus fragiles, une attentive sollicitude. Après avoir cédé d'abord à l'impulsion primitive consistant à cueillir les fleurs "parce qu'on les aime", il s'évertua à les sauver des cueillettes destructrices. Il fit mieux, et sa grande affaire fut de créer de toutes pièces un jardin où se trouveraient protégées la flore alpestre et celle d'autres régions montagneuses du globe. Avec l'aide de quelques spécialistes, l'entreprise réussit brillamment puisque à sa mort, cette "Chanousia", comme on l'a baptisée, contenait déjà 2000 espèces. C'était en 1909."
L'hombre de ce personnage plane encore au-dessus du Petit Saint Bernard où il règne une atmosphère spéciale, un peu austère, mélancolique, étrangement attirante.
(le jeu consiste à compter le nombre de fois où j'ai écrit le mot "passage" dans cet article!...désolée, lecteur, la fatigue, parfois...)
(Photo VBerger, à retrouver ici: http://www.podcastjournal.net/L-IMAGE-DU-JOUR-Col-du-Petit-Saint-Bernard_a6235.html )

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