mardi 14 juin 2011

Le facteur

Antonio Skarmeta, El cartero de Neruda, 1985.

Grand classique, ce texte, que j'avais souvent croisé par bribes mais que je n'avais jamais lu. Neruda étant pour moi un monstre sacré et ses textes suffisamment impressionnants pour que je n'y mette que rarement le nez, j'avais du coup toujours retardé la lecture de ce roman de Skarmeta. J'étais il y a une semaine dans une librairie, en pénurie de livres, décidée à refaire le stock. J'ai pour une énième fois croisé "le facteur", et allez savoir pourquoi, cette fois je l'ai acheté. J'ai d'abord lu un autre roman, celui de Laura Esquivel, dont je suis une grande admiratrice et dont le sujet m'inspirait plus. Et puis, hier, j'ai ouvert celui de Skarmeta. Je l'ai lu. Sans m'arrêter. En trois heures à peine. Un record. En tout premier lieu, j'ai aimé le prologue où l'auteur nous raconte ses débuts d'écrivain, ses romans entamés et jamais terminé d'écrire, ce fameux reportage sur Neruda que son journal à sensations lui avait commandé, ses échecs pour rencontrer le poète et enfin la naissance de ce livre, après 14 ans de gestation. On s'y reconnaît tous un peu, dans nos créations commencées et jamais menées à bout, tous ces mots qui trainent dans nos tiroirs sans jamais qu'on ai le courage ou l'audace de les en sortir. Puis vient le roman en lui-même et dès les premières lignes, c'est l'éblouissement devant ce style si riche et si imagé, si truculent et plein de saveur qu'on le déguste, qu'on le lit goulument et avec un plaisir sans pareil. Les personnages sont hauts en couleurs, les terres décrites balayées par les vents et les marées et en toile de fond de cette étonnante rencontre en Neruda et son facteur, entre le poète et celui qui veut le devenir, entre la sagesse et la candeur, les événements politiques du Chili des années 70. L'euphorie Allende, la crise, le coup d'Etat, l'occupation de la Isla Negra et un voile noir qui vient recouvrir, comme on tire le rideau sur les acteurs, cette tranche de vie. Le tragique rejoint le comique, on ne sait plus si sourire encore ou trembler. Mais je ne vais justement pas vous dévoiler la fin. Elle est à la hauteur de tout le roman. Trois petites heures de lecture et tout un monde dessiné en quelques pages. Neruda éternel. C'est encore un chef d'oeuvre. J'en redemande.

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