lundi 2 novembre 2009

Un cancre exemplaire

Daniel Pennac, Chagrin d'école, 2007.

Un livre, sur le cancre qu'il était, un indécrottable cancre, irrécupérable, devenu féru de lettres, professeur et écrivain, armé de dictionnaires pour corriger son orthographe toujours incertaine. On a du mal à le croire, que nos élèves pourraient "devenir", ceux pour qui nous pensons qu'il n'y a plus rien à faire pour eux, qu'ils sont des ratés en puissance. Et pourtant... Pennac était véritablement un de ceux là, de ceux pour qui les noms propres et les dates s'effaçent aussi vite que par la magie d'un coup de vent dans leur cerveau, ceux qui oublient instantanément le peu qu'ils ont réussi à retenir, ceux qui sont persuadés qu'ils n'ont pas d'avenir, que dans le futur, ils seront juste les mêmes, les mêmes en pire. Un petit livre donc rempli d'enseignements, pour les enseignants justement, qui ignorent la plupart du temps comment se comporter avec un cancre, vu que souvent ils étaient de bons élèves. Enseignement aussi pour les parents, souvent désorientés, désarmés, que va-t-on faire de lui?, qui leur démontre que parfois, le vent tourne, on ne sait jamais, il ne faut pas désespérer. Et c'est là qu'on se dit que, selon ce que raconte Pennac, les profs ont parfois un rôle très important, consciemment ou inconsciemment. Parce que l'auteur a été sauvé de sa cancrerie par certains d'entre eux qui étaient dans la classe, pleinement, et pas ailleurs, amoureux de ce qu'ils faisaient, sachant créér une parenthèse dans leur classe, suspendre le temps et les élèves à ce qu'ils racontaient, vivaient, enseignaient, transmettaient. Et puis tout au long de ce livre, de cette réflexion, des échanges avec l'ancien cancre de Pennac, toujours présent, revenant parfois pour le faire douter de qu'il écrit, de ce qu'il est, et affirmant que le problème, ce ne sont pas les problèmes économiques, la violence, le nombre d'élèves par classe, la société de consommation. Non, le problème c'est de passer de l'ignorance à la connaissance, et pour le prof de se mettre à la place de celui qui ne sait rien, d'être patient en toutes circonstances, de se souvenir toujours de ses propres difficultés; un Capes ou une Agreg donc où, d'après le cancre toujours, on devrait instaurer une épreuve de souvenir de mauvaises notes, d'exercices ratés, de leçon oubliées. Le mieux en somme, pour être un bon prof, c'est de toujours rester un élève. Et bien, il me semble que beaucoup devraient en prendre de la graine, ceux qui pensent que leur métier est l'aboutissement de toute leur vie, qu'on doit les valoriser, voir même les vénérer pour le savoir qu'ils détiennent (d'ailleurs, qui détient quoi?), ceux qui pensent qu'ils ont "la" méthode et qu'ils ne doivent plus se remettre en questions... Je suis plutôt de ceux qui avouent ramer, faire ce qu'ils peuvent, chercher toujours des solutions, et ramer encore. Et je me reconnais dans ce que dis Pennac: les meilleurs sont sans doute ceux qui font des tonnes de choses après l'école, en dehors, loin, très loin de leur métier; et non pas les autres, perpétuels frustrés en attente de mieux et qui misent tout sur leur travail, névrosés de la salle des profs. Pour être un bon prof dit Pennac, il faut avant tout être une personne riche de ses expériences personnelles, et donc, puisque sa vie est ailleurs, totalement présente dans sa classe quand il le faut.

2 commentaires:

naline a dit…

Mmmm... cela me donne envie de m'y plonger !

Lilichocolat a dit…

Outre le fait que tu me donnes terriblement envie de lire ce livre, je trouve le ton que tu emploies d'une grande justesse; beaucoup d'enseignants sont aujourd'hui désorientés et déstabilisés, mais n'est-ce pas le signe d'un début, d'une nouvelle voie, d'un chemin à inventer?
Merci pour cette fenêtre que tu m'ouvres, et le courage que tu me redonnes.