vendredi 17 octobre 2008

Il fallait le dire

Mara Goyet, Tombeau pour le collège, 2008.
Je ne sais pas ce qu'en ont pensé mes collègues professeurs souvent très critiques lorsqu'on parle, en bien ou en mal, de leur profession. "C'est une caricature", "ça ne se passe pas du tout comme ça", "c'est de la démagogie", etc... Mais pour ma part j'ai trouvé ce livre de Mara Goyet, professeur d'histoire qui a exercé en ZEP pendant des années, excellent. Ce n'est pas du tout une caricature, elle ne cherche pas à noircir le tableau. Elle ne prend pas non plus de gants pour dire ce qui ne va pas, et n'hésite pas à s'autocritiquer. Cependant elle le dit elle même, elle ne cherche pas à donner des solutions miracles pour sauver l'Education Nationale, les élèves, le collège. Elle témoigne, c'est tout, se remet en question, donne des exemples, raconte des anecdotes, analyse les situations. Elle est dans le juste, toujours, si bien que n'importe quel prof un peu censé et ne se voilant pas la face -ça n'est pas la majorité- aurait pu écrire la même chose tant les situations qu'elle évoque, on les a tous vécu un jour ou un autre. Exemple:
"Parlons à ce sujet du "coup de l'Institution". C'est peut-être le meilleur exemple d'anesthésie demi-habile que je connaisse.
Une enseignante est-elle traitée de pute? Il sera déploré que l'Institution ne préserve plus de telles insultes. Et il sera expliqué à l'infortunée calomniée que ce n'est pas elle qui était visée, mais l'Institution. Cela m'agace.
Non que cela soit faux. Sans doute les Institutions sont elles souvent visées quand bien même elles seraient censées être inexistantes. Il reste, envers et contre tout, que l'on s'est fait traité de pute.
De pute, de PUTE...
... et qu'étrangement, ce n'est pas à l'Institution que l'on a pensé en premier, mais à soi, à sa petite personne représentative de rien mais qui a subi l'outrage. On n'a pas vu la statue de la République verser des larmes de sang, on n'a pas entendu un ululement de détresse s'échapper des corridors du ministère de l'Education Nationale. Le buste de Jules Ferry n'a pas tremblé, sa face marmoréenne est demeurée impassible.
La pute, c'est moi. Voilà.
Le "coup de l'Insitution visée" apaise sur le moment, détourne l'attention, politise l'agressivité, atténue les conflits. Mais, parfois, l'esprit de finesse nous fait du tort. A force d'entendre qu'il ne faut pas prendre cela pour soi (sauf si on est prostituée, s'entend), on crée des espaces de tolérance et de compréhension: et le milieu scolaire devient un lieu privilégié où l'on pourra, en toute révolte légitime, par des moyens certes blâmables, traiter de pute une personne qui tente de vous instruire."
Et c'est tellement vrai. La mauvaise foi est tellement énorme. Ce témoignage est excellent, vraiment. A noter un très bon chapitre sur l'autorité, celle qu'on s'imagine avoir, celle dont on rêve, celle qu'on n'aura jamais mais à laquelle on croit, au risque parfois de devenir ridicule.
Vraiment j'aimerais bien savoir ce qu'en on pensé mes collègues, de ce Tombeau pour le collège...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ben tu vois, comme tout ce qui concerne mon quotidien professionnel, comme le dernier film à la mode, je n'irais certainement pas lire ce livre. Je lis ou je vais au cinéma pour me détendre, pas pour voir en images ou en mots ce qui je ressens tous les jours… avec de plus en plus de difficulté d'ailleurs ces derniers temps ! Bon week-end :-)