dimanche 28 septembre 2008

Une saga américaine

Chesapeake, James A. Michener, 1978.
Au départ je devais le lire pendant mes longues journées d'été inoccupées, mais vous savez ma difficulté à commencer des livres longs, de peur de m'ennuyer et de ne jamais les terminer. Il y avait eu La Montagne Magique l'été dernier, cette année je me suis finalement lancée dans la lecture de Chesapeake, 1160 pages, record battu! Tout commence ainsi:
"1583
Depuis quelques temps déjà, les soupçons pesaient sur lui. Des espions observaient ses faits et gestes pour en rendre compte aux prêtres et, lors des conseils de la tribu, on ne l'avait pas écouté quand il s'était opposé à une expédition guerrière contre ceux qui vivaient de l'autre côté de la boucle. Plus symptomatique encore, les parents de la jeune fille qu'il avait choisie pour remplacer son épouse défunte avaient refusé les trois longueurs de roanoke qu'il offrait pour prix de son acquisition.
A regret, il avait fini par conclure qu'il était temps pour lui de quitter cette tribu qui lui avait infligé toutes les avanies, hormis le bannissement officiel. Enfant, il avait eu l'occasion de voir ce que devenaient les hommes considérés comme parias, et il ne souhaitait pas connaître leurs souffrances: l'isolement, le mépris, l'amère solitude.
Ainsi, tandis qu'il pêchait le long du fleuve, ou chassait dans la prairie, ou s'arrêtait pour méditer, toujours seul, il comprenait peu à peu qu'il lui fallait partir. Mais comment? Et pour aller où?"
Tout commence donc en 1583 en Amérique du Nord, lorsque l'indien Pentaquod décide de quitter sa tribu et vient trouver refuge dans la baie de la rivière Chesapeake. C'est là qu'il s'établit, et le roman ne va plus quitter ce théâtre naturel qui sera le décor de tout le reste de l'histoire. A travers les siècles, nous allons suivre dans cette baie l'arrivée, la vie de toutes sortes de colons, d'habitants: catholiques persécutés en Angleterre et venus trouver refuge dans ce coin perdu de la Colonie brittanique, quakers chassés comme des hérétiques qui à leur tour trouveront asile dans ce même endroit, hommes du marais, puis esclaves noirs. A travers cette saga familiale, on suit aussi le cours de l'histoire américaine: la persécution et l'extinction des indiens, la page sombre de l'esclavage et les luttes pour la liberté, les guerres d'indépendance et de Sécession, et finalement le scandale du Watergate. Ce livre est loin d'être un simple documentaire car il est écrit dans un style très littéraire, avec un vocabulaire extrêment riche -chapeau aux traducteurs! je dois même avouer que j'ai appris des nouveaux mots...- et jamais l'histoire des familles mises en lumière ne sert de prétexte à l'étalage d'un quelconque savoir ou à l'apologie patriote des Etats-Unis. Pourtant l'oeuvre est parfaitement documentée: on y apprend des tonnes de choses sur la vie dans le marais, la faune et la flore, on admire les connaissances précises de l'auteur sur la navigation et la construction navale, on se réjouit de ne pas avoir à craindre d'anachronisme ou de descriptions erronnées de faits historiques. Au contraire, tout est parfaitement exact et juste, et ce gros bouquin se lit en fait avec plaisir. Au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture et qu'on se rapproche de la fin, on se demande même comment l'auteur peut bien terminer sa saga américaine: on aurait presque envie de savoir la suite, de connaître la destinée d'autres générations de personnages à qui il a si bien su donner vie et un caractère propre. Encore une fois je remercie ma conseillère en lecture, -elle se reconnaîtra!-, pour tomber toujours si juste dans le choix des livres qu'elle me conseille!

1 commentaire:

M a dit…

Un bonheur ce livre ! dans ma tête une scène, sans doute au début, un personnage, caché dans les herbes au bord de l'eau... ce devait être Pentaquod.