dimanche 3 août 2008

La fin d'une aventure?

Bernard Ollivier, Longue marche, Le vent des steppes, 2003.
Il est arrivé! Après 12 000 km entre Istambul et Xi'an en Chine, il a parcouru la route de la Soie à pied, sa route, parsemée de centaines de rencontres, de péripéties plus ou moins drôles ou inquiétantes, de doutes, de souffrances et de moments de joie profonde.
Ce troisième livre (lu en 5 jours!) comprend en fait les récits des deux dernières années de marche de Bernard Ollivier. Si dans les deux premiers chaque jour était pratiquement détaillé et on pouvait le suivre pas à pas, kilomètre après kilomètre, cette fois l'écriture se fait plus elliptique pour ne garder que des instantanées de l'aventure. Et puis tout au long de cette dernière partie on ne trouve plus la magie des rencontres qui avaient pu avoir lieu en Turquie ou en Iran par exemple. Notre marcheur entre en Chine et les habitants de cet immense pays sont loin d'être aussi hospitaliers que les autres. Rien de gratuit, pas de cadeau, Bernard Ollivier en est désapointé et poursuit sa course en avant presque comme une fuite, sans grande passion dans la dernière partie, se demandant toujours où est donc cette sagesse qu'il était parti trouver il y a 4 ans sur les chemins mythiques de la route de la Soie.
Une rencontre cependant, muette mais pas marquée par l'incompréhension (la non connaissance d'une langue ne signifie pas le manque de communication, on ne le dira jamais assez, et vice versa d'ailleurs):
"C'est alors que j'aperçois, marchant en sens inverse, un petit homme étonnant. A ma vue, il éclate de rire, ce que je fais moi aussi en l'approchant. C'est un moine tibétain qui pérégine vers le monastère de Labrang, avant de se rendre à Lhassa. Nous avons un air de famille: le crâne rasé, une barbe de trois jours qui grisonne, le visage et les mains cuits par le soleil et par la pluie. (...)
Il me salue joliment d'une courbette, les mains jointes, pose son sac, délie un petit tapis de crin qu'il étale au bord de la route et nous nous asseyons face à face, indifférents au trafic. Je sors de ma besace pommes et raisins, lui pain et abricots secs. Nous sommes instantanément en empathie. (...) Nous nous comprenons par signes et par rires. (...)
Je m'étonne de la minceur de son bagage, il se moque de mon matériel (...) L'Orient face à l'Occident... J'ai encore fort à faire pour atteindre le dénuement. (...) Cet homme est détaché de tout superflu (...)
Quand il nous semble que nous avons fait le plein de sourires, de gestes affectueux et de démonstrations de sympathie, il boucle son petit sac que d'un ample mouvement il place sur son dos, range ses lunettes, le livre et les photos dans une musette qui lui ceint le ventre, me salue de la même courbette qu'à l'arrivée, les mains jointes et le sourire toujours aussi vif, et me tourne définitivement le dos. Il s'éloigne d'un pas rapide que rythme son bâton, ne se retourne pas une fois. Cet homme vit intensément, avec une conscience vive, chaque instant de sa vie, ayant appris à faire fi de l'accessoire, du lien qui vous endort. A moi d'en prendre de la graine..."
A ceux qui s'étonnent de la performance de Bernard Ollivier qui a marché seul pendant tout ce temps, il répond à la fin de son récit:
"Voici que, au hasard des millions de pas qui m'ont mené jusqu'ici, défilent des visages, des paysages de cette route immense, de bons et de moins bons moments (...) Ils arrivent en foule, mes amis de la route de la Soie, pour me souhaiter la bienvenue, au pied de la tour de la Cloche, au bout de ce chemin de légende. Ils lui donnent vie et chair, habillent l'histoire. On s'émerveille que j'aie pu faire ce chemin en solitaire, mais j'ai rarement été seul. Ils sont tous là, mes compagnons d'un jour ou d'une heure, ces femmes bourrant mon sac de victuailles de peur que je ne meure de faim, ces hommes qui m'ont donné leur amitié et l'accolade de la fraternité, lorsque les mots manquaient pour exprimer l'affection que nous ressentions."
Et si notre marcheur devant l'éternel, parvenu à son but, ne réalise pas tout à fait le parcours accompli, s'il s'étonne de ne pas être plus enthousiaste, c'est pour nous donner une autre leçon, celle de la vie, de ne jamais s'arrêter de marcher, de toujours poursuivre un but, tout simple ou plus inaccessible, et d'y croire jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'on y parvienne, comme une étape vers autre chose. Le dernier mot du livre parle de lui même:
"Mais ce n'est pas une fin. Juste un nouveau commencement.
Allons."

1 commentaire:

M a dit…

C'est juste et beau...