jeudi 24 janvier 2008

Que cherche-t-on quand on voyage?

Vaste sujet! Et les discussions n'en finissent pas, sont mêmes parfois houleuses et marquées par l'incompréhension.
Il en ressort que certains voyagent pour faire du tourisme: voir des ruines Incas ou le Salar de Uyuni en Bolivie en 4x4, Tiahuanacu, etc... en bref le plus de choses possibles pour après son retour en France raconter "Je suis allé là, là et là" comme on parle d'un tableau de chasse. Chacun sa façon de voir les choses et je le respecte, sauf que je ris doucement lorsque les gens ouvrent de grands yeux étonnées en m'entendant dire que non, je ne suis pas allée à Uyuni, ni au Lac Titicaca, ni au Machu Picchu, mais que je suis quand même restée un certain temps en Bolivie et que durant mes semaines passées dans la décharge de K'ara K'ara à Cochabamba j'ai sans doute vu plus de choses -en fait j'ai "rencontré" le pays- que eux qui ont fait un tour express de la Bolivie.
Deuxième catégories d'interlocuteurs sur ce sujet épineux: ceux qui ne comprennent absolument pas pourquoi on a besoin d'aller au bout du monde pour chercher le dépaysement alors qu'il suffit parfois d'aller à côté de chez soi pour ressentir le mal du pays. Alors ceux là je les arrête tout de suite, nous les voyageurs du bout du monde, ce n'est pas du tout ce qu'on cherche! Ceux qui partent pour le trouver, le dépaysement, sont en général intarissables sur les plats les plus exotiques qu'ils ont pu manger, les animaux et les coutumes bizarres -tout dans le même sac!- qu'ils ont aperçus. Alors ils s'étonnent aussi quand on leur dit que non, on n'a rien trouvé d'extraordinaire là-bas, que tout nous a semblé "normal" en fait... "Alors pourquoi t'es partie?"
J'oubliais, ceux qui voyagent par procuration: "une amie m'a raconté que...", "je sais comment c'est là-bas, parce j'ai entendu dire que...", "cette culture est difficile d'accès pour les étrangers: un ami y est allé et m'a dit que..." Bref, cette catégorie de gens voyage avec des rumeurs, et le jour où ils se déplacent vraiment, il y a de fortes chances pour que "ce-que-mon-ami-m'avait-raconté" s'avère exact puisqu'ils partent avec des préjugés tels qu'ils voient la réalité avec un filtre d'incompréhension pré-établi.
Alors, me direz-vous qu'est-ce qu'on cherche quand on voyage? Et bien, ce n'est pas facile à expliquer. Voici une phrase qui résume bien mon idée sur la question:


"Assez de voir des civilisations en boîte et de la culture sous serre. Mon musée à moi, ce sont les chemins, les hommes qui les empruntent, les places de village,et une soupe, attablé avec des inconnus". (Bernard Ollivier)


En bref, Bernard Ollivier -qui à la soixantaine a décidé d'un coup de tête de faire la route de la Soie à pied et donc sait de quoi il parle (il faut lire ses livres qui sont une merveille de récit de voyage comme on n'en fait plus, sans préjugés et les yeux grands ouverts)- peste contre les voyages par procuration, mais aussi contre ceux qui vous confinent dans un hôtel de luxe ou vous enferment dans un circuit tout planifié et pendant lesquels vous ne voyagez en fait pas: à la limite vous transportez votre mode de vie sous des climats plus agréables. Lui -et je partage son avis- pense que le voyage ce sont les chemins, les rencontres, et qu'il faut les vivre plutôt que de les décider à l'avance, qu'il faut se laisser envahir plutôt que de débarquer avec trente kilos de bagages -matériels et symboliques-. Alors quand on voyage qu'est-ce qu'on cherche? On se cherche peut-être soi-même, à travers les rencontres, à travers le contact avec l'Autre qui est souvent une révélation; la plupart du temps on ne cherche rien, on laisse faire la magie et les sensations nous envahir. En résumé on ne "voit" pas des curiosités, on sent une atmosphère; on ne "fait" pas un lieu touristique, on vit, un pays, un peuple, une terre. Et parfois au bout du monde on se reconnaît dans un lieu ou le sourire d'une vieille dame. Alors sans se revendiquer de tel ou tel endroit, on est simplement chez soi.

Photo: Luis CHUGAR

2 commentaires:

Anonyme a dit…

la soirée d'hier t'a marquée ! Moi aussi… j'ai beaucoup aimé tes petits sourires…je suis impressionnée par ta "sagesse" (désolé!) alors que tu aurais l'âge (désolé encore, c'est la mémé qui parle) de penser différement … j'aurais bien aimée avoir déjà cette vision des choses il y a 10 ans !
Vivre et laisser dire…

Anonyme a dit…

Il est certain que beaucoup oublient que le premier geste du voyage est de laisser, quitter, voir abandonner l'endroit où l'on vit,ainsi que les habitudes qui vont avec. Le manque de confiance en soi, en l'autre, la peur de manquer?