Aujourd'hui c'est la journée de la femme, je suis donc allée jeter un coup d'oeil dans les journaux boliviens pour voir ce qu'ils en disaient. Pour commencer, le journal El Potosi -de la ville du même nom- évoque le fait que depuis quelques temps les femmes commencent à travailler dans les mines, non pas à l'extérieur comme elles le faisaient déjà mais au fond, comme les hommes. C'est une petite révolution dans ce milieu essentiellement masculin et où on croit que les femmes portent malheur si elles pénètrent dans la mine parce que leur présence pourrait fâcher le Tio (voir mon article sur "Le Diable de la mine"). On peut cependant se demander si ce changement peut vraiment être qualifié d'évolution si on prend en compte les risques que comportent le travail dans la mine et le fait que ces femmes de mineurs ne descendent surement pas au fond pour revendiquer une quelconque égalité de droits; elles sont plutôt poussées par la misère et la nécessité de nourrir leurs enfants quand le salaire de leur mari est insuffisant ou que celui-ci est décédé... Mais comme la journée de la femme est une vaste hypocrisie, on cherche à souligner les pseudo avancées pour éviter à tout prix de s'attaquer au vrais problèmes...
Le deuxième article je l'ai lu dans le journal La Patria de Oruro. Il s'intitule "Femme: sacrifice, amour et force" et rend hommage aux femmes boliviennes qui tout au long de l'histoire "furent les principales protagonistes de l'Indépendance, de la conquête des libertés, de la consolidation de la démocratie et pour l'égalité de droits". Et on cite différents noms:
-Bartolina Sisa: compagne de l'indien Tupac Katari, elle fut à ses côtés durant la révolte indigène de 1781 contre les espagnols. A cette époque et chez les Aymaras, on ne se posait pas la question de la discrimination homme/femme puisque les deux étaient deux parties égales et indissociables d'un tout.
-Juana de Azurduy: dans les années qui ont précédé l'indépendance de la Bolivie (en 1825), Juana a pris ses enfants sous le bras et a rejoint les révolutionnaires dans la lutte contre les espagnols, au péril de sa vie.
-Les Heroïnes de la Coronilla: même période, même combat. Les femmes s'unissent pour déloger les espagnols de la bonne ville de Cochabamba. Elles ne font évidemment pas le poids mais leur combat est héroïque. Le massacre est terrible mais l'image de leur révolte est omniprésente dans la mémoire bolivienne.
-Domitila de Chungara: femme de mineur née en 1937. Présidente du Comité de Femmes au Foyer des mines de Siglo XX, organisation de femmes de mineurs qui ont mené des combats pour la justice et les libertés dans les mines, également au péril de leur vie. En 1976, Domitila organise une gréve de la faim au terme de laquelle le dictateur Banzer tombe. Cette femme, je l'ai rencontrée l'année dernière à Cochabamba, j'aurais beaucoup de choses à dire sur elle et j'y consacrerai peut être un autre article...
Pour conclure, le grand absent dans ces articles aujourd'hui c'est le niveau des femmes boliviennes dans le monde en terme de liberté et de développement. D'après une grande radio bolivienne, elles occupent le 96ème rang mondial, le taux d'analphabétisme est énorme, les violences sont monnaie courante et la discrimination est omniprésente. Alors qu'une poignée de femmes entrent travailler à la mine n'est définitivement pas le centre du problème et est surtout à mon avis une très mauvaise façon de l'aborder...
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