vendredi 21 septembre 2018

L'invention du voyage

L'invention du voyage, Anne Bécel, Sylvain Tesson, Christian Bobin, Isabelle Autissier, Pierre Rabhi, Alexis Jenni, etc..., 2016.

C'est marrant comme un livre peut complètement coller à ce qu'on pense, peut dire parfaitement ce qu'on balbutie maladroitement depuis si longtemps. Non, voyager n'est pas que se déplacer, réserver un hôtel et poursuivre son parcours en abrutissant la toile de récits inintéressants. Voyager, c'est beaucoup plus profond que cela. Bien évidemment, certains auteurs du livre, comme Isabelle Autissier, n'envisagent pas le voyage autrement que sous forme de déplacement géographique et reconnaissent ne trouver aucun frisson dans leur quotidien sédentaire. C'est un point de vue très intéressant. Mais, ce qui frappe, c'est que la plupart des intervenants ont livré à la journaliste Anne Bécel, coordinatrice de cet ouvrage, des textes passionnants sur leur vision d'un état de voyage permanent, puisant dans les souvenirs, dans l'imagination, la lecture, l'écriture ou encore la spiritualité. Peut-on, en effet, retrouver cet état d'esprit libéré, ce lâcher prise et cet émerveillement permanent une fois que nous sommes de retour en terrain connu ? Peut-on suivre ce fil conducteur qu'est la soif de l'autre, l'ouverture à la découverte et à l'imprévu au cœur de notre routine trop souvent perçue comme inintéressante, voire abrutissante ? Sylvain Tesson nous glisse ainsi sa vision de "l'éblouissement pratiqué comme un exercice spirituel" car "la morosité est un poison qui décharge la moelle". Une philosophie de vie. On est loin de considérer qu'il suffit de quelques tissus bariolés et d'un vase en terre cuite posé sur la cheminée pour être en état de voyage permanent. On n'y est même pas du tout. Là n'est pas la question. Ici, on parle état d'esprit face au monde, face à l'Autre, face à la vie. Car, pourquoi se sent-on si bien ailleurs ? Parce que, loin de nos convenances, de notre rôle à jouer et de notre position sociale, on est libre d'être ce que l'on est, d'accepter les choses telles qu'elles sont et d'en célébrer la beauté. De là à dire que le voyage est avant tout spirituel, il n'y a qu'un pas. D'ailleurs, voyager, c'est d'abord aller à la rencontre de soi. C'est ainsi que Bernard Ollivier, le marcheur, a créé une association, Seuil, qui accompagne pendant plusieurs mois et sur des sentiers rudes et formateurs des jeunes en rupture et n'ayant plus d'autre choix que de faire ce périple avant la prison. Selon lui, le taux de réussite est énorme, parce que les jeunes, en marchant, loin de tout, prennent confiance en eux, se découvrent une force et une identité jusqu'alors insoupçonnées. Il est difficile de résumer les multiples aspects de cet ouvrage en quelques lignes et il faut vraiment le lire pour saisir l'essence de chaque texte. Un livre à garder dans sa bibliothèque et à relire de temps en temps, pour se rafraîchir les idées, se remettre les points sur les "i", poursuivre la route... 

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