Longtemps que je me disais qu'il faudrait bien que je me résolve un jour à lire Steinbeck. Référence littéraire s'il en est, son nom croisait sans cesse mes lectures. J'ai lu. Dur de parler d'une référence. Difficile de mettre des mots sur ce que tant de critiques ont déjà consciencieusement décortiqué. Un peu d'appréhension à enfoncer des portes ouvertes, à étaler des fadaises sur le chef d'œuvre. Mais je me lance. J'ai aimé. Ces nouvelles dont le fil conducteur et l'héroïne, finalement, ne font qu'un en la presque personne de la Californie, de cette région de Salinas d'où est originaire l'auteur et en particulier les fameuses "pasturas del cielo" qui n'existent que dans son imagination. Or, ce paysage, on le voit. On y est. Sont-ce simplement les descriptions, ou bien ce qui en est suggéré ? En tout cas, on ressent chaque brin d'herbe, chaque pré, chaque colline éclairée par un soleil millénaire comme si on connaissait ce lieu à la perfection. Steinbeck est un artiste peintre. Ensuite, dans ce décor à la fois idyllique et terrible - terrible parce que la terre est dure à manier, parce qu'il faut s'y escrimer sans cesse pour en sortir quelque chose - se mouvent des personnages aux prises avec leur destin. L'institutrice qui se bat en duel avec le souvenir embelli de son père ; le fermier sans reproches qui aime assister à des exécutions capitales ; l'enfant dont la mère cherche à faire taire la folie ; l'orphelin adulte qui essaie de dompter une maison familiale hantée par les fantômes de parents froids et exigeants ; l'homme paresseux épris de littérature et de liberté. Une galerie de portraits qui ont tous en commun d'être attachés aux Pâturages du ciel par un lien invisible, presque surnaturel, ainsi qu'une impuissance ironique face au destin qui se joue d'eux. Steinbeck est un dramaturge antique. Et puis, au-delà des mots, il y a des idées qui surgissent, des réflexions qui s'immiscent dans l'esprit des personnages et dans celui du lecteur. Une vie à penser la même chose, à se croire sur le bon chemin et, soudain, le doute qui fait irruption et renverse nos châteaux de cartes, déstabilisent nos certitudes et nous retournent le miroir. Il n'est jamais trop tard pour découvrir Steinbeck.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire