mardi 15 novembre 2016

Maurice Herzog, un héros détestable

Maurice Herzog, L'autre Annapurna, 1998.
Herzog, ce héros, tel qu'il se décrit lui-même, nous propose ici une œuvre remplie d'auto-satisfaction, de glorification personnelle et de toute la prétention dont il était capable. Pas besoin forcément d'avoir lu en amont le livre de sa fille Félicité Herzog, dans lequel elle le décrit comme un père menteur et assoiffé de chair féminine, pour se faire une idée du personnage. Tout commence avec cette ascension de l'Annapurna, dont il affirme être le seul et l'unique vainqueur. Cette version n'est pas seulement contestée par sa fille, mais également par le récit a posteriori de ses compagnons de cordée, et notamment celui de Louis Lachenal, qui a été publié à titre posthume mais que Herzog, devenu tuteur des enfants orphelins de Lachenal, avait pris bien soin d'expurger des passages gênants. On connaît aujourd'hui, depuis 1996, la totalité de ce récit et l'on sait donc que tout a été fait, élaboré, préparé dans cette expédition pour qu'Herzog devienne un héros national et que les guides de la cordée, qui vouaient pourtant, contrairement à lui, toute leur vie à la montagne, soit relégués au rang de sous-fifres sans intérêt. On n'est même pas sûr que le mythe soit une réalité, que le sommet de l'Annapurna ait été atteint. Ce que l'on sait, c'est qu'Herzog s'est fabriqué de toutes pièces un personnage de sauveur, s'est érigé en quasi divinité et a réussi de main de maître à se placer dans les milieux les plus influents. Ce livre n'est en fait qu'une auto-hagiographie de celui qui se prenait pour Dieu. Et c'est tellement énorme qu'on poursuit la lecture en riant presque de son audace à mentir si franchement, de sa mégalomanie littéraire. C'est l'aigle qui menace de l'enlever alors qu'il redescend des montagnes himalayennes allongé sur son brancard, c'est la mort qui l'interpelle et le frôle, c'est le tigre qui menace de le dévorer, etc. Autant d'exagérations qui passeraient parfaitement dans un roman d'aventures dans lequel le lecteur serait complice de la duperie, mais qui nous laisse soufflés dans le cadre d'un soi disant récit de vie qui suppose un acte d'authenticité. Du coup, on finit par ne plus croire une seule miette de ce qu'Herzog nous dit. Tintin au Tibet ? L'idée vient de lui ! La création du Peace Corps (l'agence américaine pour la coopération) ? C'est lui qui a soumis l'idée à Kennedy ! La candidature de Giscard ? C'est de son fait ! Il s'attribue même une phrase de Malraux, n'hésite pas à se poser en chantre de la création de la lutte anti dopage dans le sport, et se décrit comme le grand manitou de la Résistance pendant la seconde guerre mondiale. Tout vient de lui, puisque je vous le dis ! Sans ce saint homme, que serions-nous devenus, nous, minables citoyens ? Seulement voilà, Herzog est aussi le DSK de l'époque, fricotant avec nombre de jeunes filles au pair, servant des obscénités à sa propre fille, dérivant sur une pente malsaine qui déchiquette totalement son beau costume de héros. Un homme détestable, en fait. Un goujat. Un imposteur. Un manipulateur qui use du chantage, de la menace et de la censure. A Chamonix, où il a été maire pendant des années (tiens, le Tunnel du Mont Blanc, c'est lui!), on connaît bien ses méthodes mafieuses.
C'est alors qu'on se pose la bonne, la seule et l'unique vraie question; comment peut-on encore admirer des types pareils ? Il en va des acteurs qui battent leur femme mais dont on préfère ignorer les violences "parce qu'ils sont bons, quand même, dans leurs films", aux réalisateurs violeurs et incestueux qu'on vénère parce que, "quel talent!". Maurice Herzog est de ceux-là, de ceux qu'on devrait déclasser, à qui on devrait arracher les médailles et qu'on devrait très vite oublier. 
Et ici une super BD qui explique parfaitement tout ça, à lire de A à Z !

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