jeudi 13 octobre 2016

La femme de l'Antarctique

Laurence de la Ferrière, La femme de l'Antarctique, 1997.
Basta de Rio, Santiago et autres contrées calientes (vous avez lu la superbe interview de Sophie qui nous parle de sa vie d'expat en Amérique Latine ?), basta de lectures qui vous emmènent dans les jungles de l'Equateur, changement de cap et de décor : direction le Pôle Sud. Encore un des livres retrouvés dans ma maison, encore un récit d'aventure tels ceux que je lisais déjà dans mon adolescence et qui forgent pour toujours une identité voyageuse. Non que l'Antarctique me tente, loin de là. Mais le récit d'exploits surhumains éveillent en moi une curiosité sans bornes. Se confronter à soi-même, relever le défi de repousser ses limites corporelles et mentales dans des environnements hostiles, voilà qui a de quoi interpeler. L'indécrottable machisme avec lequel nous réfléchissons rend l'expérience d'autant plus glorieuse lorsqu'il s'agit de celle d'une femme. Ici : Laurence de la Ferrière. 
En 1996, quand elle se retrouve seule à tirer son traîneau de quelques 140 kilos sur la calotte glacière, la demoiselle n'en est pas à son coup d'essai. Elle est déjà forte d'une expérience monumentale sur les plus grands sommets du monde. L'Himalaya est son jardin, même si un record lui échappe : celui de l'Everest sans oxygène. La performance est déjà belle, puisqu'elle réussit à atteindre 8700 m d'altitude sans assistance respiratoire, mais pas le sommet. Or, loin de s'effondrer et de se lamenter sur ses lauriers, elle sait déjà qu'autre chose l'attend ailleurs. Elle traverse le Groenland en 1995, ultime introduction à l'aventure qu'elle relate dans ce livre. En 1996, la voilà donc en solitaire sur l'étendue blanche la plus hostile et désertique du monde. 

Elle laisse le monde, son mari, ses deux filles et enchaîne les jours de marche et de souffrance. Son corps n'est plus qu'une douleur immense, ses doigts gèlent, mais son mental ne vacille pas. Égoïste ? Asociale ? De tels aventuriers des temps modernes sont souvent taxés d'adjectifs peu flatteurs. Parfois, on les admire ; d'autres fois, c'est l'incompréhension qui domine les débats face à l'apparente inutilité de l'acte. Marcher jusqu'au Pôle Sud, "pourquoi faire?", selon l'une de mes répliques quotidiennes favorites. Deux réponses : premièrement, on se met le doigt dans l'œil jusqu'au coude, car il faut considérer que les aventuriers modernes sont les premiers observateurs du climat et les premiers défenseurs de notre planète. Ensuite, ce superbe passage que je ne résiste pas à vous citer et qui résume parfaitement sa quête à elle, en fait, notre quête à tous, explorateurs du Pôle, du Sahara, du coin de la rue ou de nous-mêmes :
"... je me dis que chaque individu naît avec une destinée à accomplir. Certains ont la chance qu'elle se révèle à eux dès le plus jeune âge de sorte que leurs jours se placent aussitôt sous une lumière favorable. D'autres ne parviennent jamais à la trouver, ou tardivement. Tant et si bien qu'ils ont le sentiment que quelque chose leur échappe. Ils sont en état de manque, furetant dans tous les coins de leur existence afin de satisfaire un désir qu'ils ne savent pas identifier."
Ensuite, Laurence de la Ferrière a traversé l'Antarctique dans l'autre sens, puis les Alpes de Vienne à Menton. Elle en a fait des livres, des films... et quelque chose me dit que je vous en reparlerai !

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