samedi 16 juillet 2016

Un 14 juillet en trois temps

D'abord, il y a eu ce sentiment bizarre de voir les gens applaudir des machines de guerre et rendre hommage à des militaires qui avaient combattu contre la liberté et la souveraineté des anciennes colonies assoiffées d'indépendance. Il y a eu la légère nausée d'observer ces enfants si petits à côté des chars et des chenilles. Il y a eu cette impression de mascarade risible avec cet alignement de pantins déguisés à la démarche mécanique, téléguidée, vide de pensée. Et cette Marseillaise si contestée, ces phrases qui, décontextualisées, en choquent beaucoup désormais. Et puis, comme un panorama n'est jamais complet sans un contrepied, une adolescente au comble de la fierté, "c'est mon papa ! c'est mon papa !" et l'homme sur le siège passager du char de sourire à sa fille. Rien n'est jamais ni noir, ni blanc. Tout est toujours à nuancer. Enfin, n'empêche, tout ce déballage me fait plus penser à la guerre qu'à la paix. Toute cette autosatisfaction m'inquiète plus qu'elle ne me rassure...

Ensuite, comme à chaque fois, il y a le feu d'artifice, la fête populaire qui réunit et la douce conviction, malgré tout ce qu'on veut nous faire croire, qu'on vit bien, ici, en France, qu'on n'est pas en guerre, qu'on peut encore respirer en toute insouciance. Si on regarde le verre à moitié plein, elle est belle, la vie !

Le troisième temps de ce 14 juillet, c'est le dur réveil. Nice endeuillée par un camion fou. Il y a de quoi avoir la gueule de bois. Et, aussitôt, des discours haineux, argumentant de l'absurde au nom de l'intérêt politique. Alors quoi ? Enfermer les Français dans une bulle ? Alors quoi ? Devenir adeptes de la surveillance dictatoriale ? Il y a les choses qu'on peut prévoir, comme une rupture amoureuse quand tout va déjà trop mal, la naissance d'un enfant quand tout va déjà très bien, la mer qui sera froide en janvier et le soleil qui brûle la peau en été. Les impondérables. Et il y a le reste, tout ce qu'on ne peut pas prévoir ni empêcher. Les nuages qui s'amoncellent, le vent qui tourne, les accidents, les échecs, les victoires, la violence. Les drones, les caméras et les dénonciations n'y changeront rien. Il faudra continuer d'avancer. Les fourmis s'arrêtent-elles de travailler quand un pied humain déboussole leur chemin ? Elles reconstruisent, sans cesse, obstinément, vers l'avant.
Image finale : l'équipe de France de Coupe Davis qui sort la Marseillaise de ses tripes plus qu'ils ne la chantent. Les paroles, oui... les paroles... Mais le symbole ! Oui, le symbole. 

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