samedi 24 août 2013

Partir

Sublimes reportages de Thalassa hier soir, sur ces gens qui changent de vie. On en a vu des centaines dans le genre mais j'ai été séduite par la diversité des portraits dressés et par le regard qui était porté sur eux, bienveillant, loin d'une caméra sensationnaliste, pleins feux sur les héros. Ici, on ne mettait pas l'exploit en avant (même si, la plupart du temps, exploit il y a), mais plutôt les personnalités qui nous étaient présentées. Et, surtout, on nous amenait à nous poser des tas de questions. On pouvait aussi se contenter de regarder de beaux paysages et des histoires incroyables, mais certaines phrases se sont plantées dans mon petit cerveau. Petit vélo, réflexion... mais, pourquoi, au fait ?
Tiens oui, pourquoi on part ? Celle-là, évidemment, je me l'étais déjà posée. Mais, par ailleurs, qu'est-ce qui nous en empêche ? Et qu'est-ce qui fait qu'on rentre ? Dans l'émission d'hier, il y avait plusieurs développements à ces questions et, dans ces portraits, quelques réponses. En voici ma lecture...
Tout d'abord, il y avait un couple de retraités. Cas classique de ceux qui en ont rêvé toute leur vie et qui ont attendu de ne plus travailler pour le faire. Tiens, pourquoi ? Parce que le travail, c'est important, et que, dans travail, il y a argent, et que, sans argent, pas de voyage. Quoique, on y reviendra... Il y a cette notion d'économies qui est omniprésente chez tous, et qui fait qu'on attend d'en avoir suffisamment pour prendre la poudre d'escampette. Mais, une fois qu'on a les sous, est-ce qu'on part pour autant ? Eh bien non. Parce qu'il y a les enfants. Les enfants, ça a besoin d'un cadre, d'une vie posée et régulière, enfin, c'est ce qu'on dit. Parce que cette petite famille qui vit 9 mois sur 12 sur un bateau volontairement prisonnier des glaces tout là-haut au nord du Canada, elle ne voit pas les choses comme ça. Pour eux, les enfants, ça s'emmène partout. Le cadre, on peut le recréer n'importe où, sous n'importe quelle latitude. Et ça fait une sacrée expérience aux bambins. L'enfant n'est pas un fardeau, c'est nous qui transposons et qui nous inquiétons à tort de tas de choses matérielles dont les mômes n'ont strictement rien à faire. Le petit nid douillet, c'est nous qui en avons besoin, comme un doudou, pas les enfants. Petite limite aux transport des têtards, la vie sociale. Oui, les enfants ont peut-être envie, à un certain âge, d'avoir une vie sociale. Dans ce cas, ce sont eux, c'est vrai, qui nous forcent à la sédentarité. Et puis, parfois, ce sont eux qui partent.
Très jolie histoire que celle de cet aventurier d'une vingtaine d'années, tout juste sorti de l'adolescence. Car le voyage, c'est aussi le voyage des autres. Et c'est sa mère qui en parle le mieux. Quelque chose à laquelle on reste étranger, un besoin incompréhensible de l'autre et qui nous étonne. Le gamin a déjà du cran : sa raison à lui de partir, c'est un pétage de plombs, un ras le bol, une colère intérieure trop forte et une question de vie ou de mort. Filer à l'anglaise pour s'offrir le silence, pour calmer ses nerfs et se trouver. Partir enfant et revenir homme. C'est lui qui le dit. Le voyage des autres, ça me fait aussi penser à ce couple et à leurs deux enfants. Ils sont jeunes, ils partent autour du monde, c'est l'euphorie des préparatifs. Le journaliste interroge madame. "Il va enfin vivre son rêve ! C'est génial ! - SON rêve ?, demande le journaliste. - NOTRE rêve, s'empresse de corriger madame." Ouais, sauf que quand c'est dit, c'est dit. Le lapsus est trop gros pour ne pas s'y arrêter. Voyager à deux, c'est donc souvent cela. De toute façon, le voyage est quelque chose de tellement intérieur qu'il ne peut être qu'extrêmement intime et personnel. Sauf quand il est simplement touristique, mais ça, c'est une autre histoire. Le rêve tient du jardin secret, le voyage ne se partage pas, dans le sens où il est découverte de l'autre mais surtout découverte de soi-même. On le voit bien dans ces reportages : l'un vit son rêve, l'autre suit, en fait. Frustrations en perspective. Et, d'ailleurs, peut-être que monsieur serait plus peinard sans madame, pour réaliser ses fantasmes d'enfant ? 
Lui, il l'a bien compris. Le grand Suisse qu'on voit ensuite a tout lâché pour aller se mettre tout seul dans une île déserte au fin fond du monde. Pas de compagnie. Miroir avec soi-même. Lui, il en a après le système. Sur son île, il dit merde aux règles et aux convenances. Pas d'horaires, plus d'obligations, manger avec les doigts, ne rien faire si on veut, être libre de ses mouvements et aller à la rencontre de soi-même. Pendant ces longs mois, il construit sa cabane, cherche tout seul sa nourriture. Robinson. Evidemment, au retour, tout redevient comme avant. Quoique. Il sait quand même, quelque part dans un coin de son cerveau, qu'une alternative est possible. Il le dit très bien : pourquoi on devrait consommer encore et toujours, avoir une maison à crédit, une clôture blanche, un chien et deux enfants ? On peut, si on veut, mais on ne DOIT pas. Voi-là ! Le gars a tout saisi ! On n'est pas obligé de faire comme tout le monde, on n'est pas dans l'obligation vitale d'obéir aux codes dont on veut bien nous faire croire qu'ils sont incontournables ! Bien sûr que non ! D'ailleurs, regardez bien la suite du reportage : on n'est pas obligé de partir au bout du monde sur une île déserte et de s'infliger des souffrances pour vivre une aventure. C'est encore notre ami helvétique qui le dit. Recul sur sa propre expérience.
Donc, l'aventure, le voyage, en premier lieu, ne nécessite pas forcément une folle somme d'argent. Notre post ado breton, pour faire le tour du monde et de ses questions, utilise surtout du matériel offert, donné ou récupéré sur des bateaux à l'abandon. 
Et puis, autre conclusion, l'aventure est au bout de la rue. A la lumière de ce qui a été montré, mieux vaut un petit voyage à soi qu'un grand voyage de quelqu'un d'autre. Beau proverbe, tiens ! Chacun fait ses propres voyages, ceux qu'il a envie de faire subitement, ceux dont il rêve depuis toujours, ceux qu'il s'invente dans son imagination, ceux dont il a besoin. Tout près ou très très loin, le tout, c'est de faire les bons choix (les bons voyages, les bons caps dans la vie, ce qui revient au même, en fait), et de ne pas perdre la main. Le voyage, ce n'est pas comme le vélo ; non pas que ça s'oublie, mais, c'est comme tout, ensuite la machine se rouille et on n'a plus les batteries pour repartir. Alors voyageons. Regardez, c'est facile : fermez les yeux, vous êtes déjà très loin...
Titicaca 2010

Vassivière 2012

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