vendredi 8 février 2013

Le poil et la plume

Anny Duperey, Le poil et la plume, 2011.
Elle aime la Creuse, Anny, et on ne peut plus dire qu'elle est creusoise "d'adoption". Parce qu'elle s'est fondu dans le paysage et dans la vie de cette belle région, jusqu'à en devenir l'ambassadrice. Avec une nuance, quand même : celui d'être suffisamment discrète pour ne pas crier sur tout les toits son adresse, cette vieille batisse dont elle a fait un paradis. Car Anny n'aime pas trop qu'on vienne passer au ralenti devant chez elle, par curiosité, pour voir où elle crèche... et se retrouver nez à nez, de la paille dans les cheveux et les bottes crottées, avec des admirateurs. S'intégrer dans une région qui n'est pas la sienne, d'autant plus lorsqu'on est connu, nécessite quelques efforts et surtout de montrer patte blanche. Il ne s'agit pas de venir trois semaines par an, quand il fait beau, et de faire entretenir le reste de l'année son jardin aux volets clos par une personne extérieure, ou pire, par une entreprise pas du coin. Anny, elle, a mis les mains à la pâte : rénovation, jardinage, élevage, contact avec les gens du village, longues périodes d'écriture avec la Creuse par la fenêtre, toujours en point de mire. Elle nous raconte dans son livre sa passion pour les poules, animaux pas si bêtes qu'on veut bien le croire. Et c'est l'occasion pour notre creusoise de nous faire passer, tout en douceur mais bien franchement et sûrement, quelques messages sur l'élevage intensif, la maltraitance subie par les animaux en batterie, ceux qu'on mange, qui sont bourrés d'antibiotiques. Attention, ce n'est pas du tout une incitation à devenir végétariens. Plutôt une réflexion sur comment chacun de nous peut essayer de moins manger, pour manger un peu mieux, rechercher les petits producteurs locaux, histoire de faire aussi perdurer la vie rurale. Message reçu ? Anny n'a pas la langue de bois, et, en plus, elle sait de quoi elle parle, elle qui mange ses propres oeufs.
Pour conclure et pour le plaisir, un magnifique passage sur la Creuse :
"On ne "passe" pas en Creuse [...]
Rien à faire. Pour y aller, il faut le vouloir, sciemment. Vous ne la découvrirez pas par inadvertance. [...]
La Creuse évoque un pays préservé, à l'écart de l'agitation, un territoire un peu mystérieux, comme un secret gardé quelque part ailleurs et au fond de soi, un paysage et une manière de vivre comme les ont connus nos grands-parents et ceux d'avant encore, au sein d'une nature omniprésente et en accord avec son rythme. Un écho nostalgique, un peu touchant mais lointain. [...]
C'est un pays de bocages, doucement vallonné par les premiers contreforts du Massif Central, admirablement entretenu par les gens qui y vivent de l'élevage. Peu de friches, pas de champs abandonnés en Creuse. [...]
Tout y est "comme avant", d'où cette impression, en parcourant les chemins creux bordés d'arbres parfois pluricentenaires, entre le joli bordel des pâtures et les murets de pierres sèches, d'effectuer en saut en arrière dans le temps. [...]"

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