mercredi 7 novembre 2012

La prophétie de la femme médecine

Hernan Huarache Mamani, La prophétie de la femme médecine, 2012.
Très étrange que cette histoire nous soit racontée par un homme. J'ai même pensé au tout début à un subterfuge inverse de celui utilisé par le grand Yasmina Khadra. Mais non, Hernan Huarache Mamani est bien un homme, de ceux, rares, qui se font parfois les porte-parole des femmes, ou plutôt, de La femme. Il faut dire que dans les Andes, avant l'arrivée des espagnols et la diffusion de leur catholicisme machiste, avant même les Incas, existaient des sociétés dans lesquelles femme et homme n'étaient ni ennemis, ni opposés par un schéma de dominant-dominés, mais bien complémentaires. Attention, pas égaux: complémentaires. Totalement différents dans leurs capacités, leurs savoirs, leurs modes de fonctionnement, mais complémentaires. L'esprit occidental a un mal fou, y compris les femmes, à ne pas être tenté de classer les femmes en deux groupes: soumises ou féministes, en d'autres termes, dominées par l'homme ou en conflit avec celui-ci. Pour les femmes andines encore attachées à leurs savoirs ancestraux, il est abérrant de demander l'égalité entre les sexes. Etre comme les hommes? Quelle hérésie! Et alors, avoir les mêmes travers, perdre le sens du féminin -qui n'a rien à voir avec la féminité telle qu'on l'entend et qui ne fait, encore et encore, que réduire les femmes à cette notion, et donc, à des objets-, reconnaître la supériorité masculine en en adoptant les valeurs, la force, les comportements? Ce serait une grande erreur. Si la femme doit reprendre sa place dans le monde, qu'elle le fasse, oui, mais en restant elle-même, c'est-à-dire une créatrice de vie, une distillatrice de paix et d'amour, une maîtresse de l'intuition et de la guérison.
Le professeur Huarache, dans son roman -dont il reconnaît lui-même qu'il n'en est pas vraiment un mais plutôt un récit romancé de faits réels- nous communique parfaitement tous ces savoirs que les femmes ont en elles mais ignorent, briment, refoulent, enferment à double tour avec sur la porte un gros écriteau marqué "tabou". La faute à la société, aux différentes religions qui ont statué sur la place de la femme -soumission, chosification, ventrification et j'en passe-, à la violence de l'homme qui s'est imposé par la force, à la recherche du profit au détriment de la santé et de l'équilibre du monde. La jeune femme héroïne de l'histoire est en réalité tout ce que les femmes d'aujourd'hui sont: moderne, active, amoureuse, mais inconsciente et malheureuse. Au cours de son long chemin d'initiation avec différents guérisseurs, elle va découvrir, libérer puis maîtriser cette immense énergie que chaque femme possède en elle et qui peut lui permettre d'atteindre la paix et d'avoir le monde à ses pieds, non pas par le biais de la force, mais par l'action de la douceur et de l'amour.
Vous trouverez sans doute cela assez naïf: les hommes, parce que vous ne donnez pas aux femmes leur vraie valeur, les femmes, parce que vous êtes encore dans le déni ou dans l'oppression aveugle. Mais le livre et l'action de Huarache Mamani méritent le détour et un moment de pause sur notre vie et le chemin que nous croyons bon pour nous. Ne reste plus alors, après la remise en question, que la mise en pratique de quelques enseignements fondamentaux qui permettent de sortir la tête de l'eau pour ensuite commencer le long chemin qui nous attend tous et que nous refusons souvent d'entreprendre comme un cheval refuse l'obstacle.
Ces enseignements, Hernan Huarache ne s'est pas contenté de les livrer dans un roman. Il a créé un institut à travers lequel il diffuse les valeurs ancestrales des sociétés andines de par le monde.
Je tiens tout de même à mettre un bémol à toutes ces louanges, non pas en ce qui concerne le contenu, mais plutôt sur la forme, puisque tout au long du livre, j'ose le dire, même si c'est à grand regret, la traduction est consternante: fautes de français, incohérences, concordance des temps illogique, erreurs de traduction... Et j'en passe. Toutes ces horribles choses qui ont par moment failli stopper ma lecture tellement les fautes étaient grossières et démontraient une absence de rélecture et une ignorance parfois coupable de la langue hispano-américaine. Le travail de traducteur est lourd, long, pénible, et je reconnais que, parfois, le langage latino-américain fait que l'on écrive comme on parle, avec d'inévitables traits d'oralité: manque de ponctuation, répétitions, erreurs de concordance des temps. Mais, mis à part si le travail consiste à transcrire mot pour mot les paroles d'un personnage, la traduction dite "littéraire" demande aussi, sans pour cela modifier le contenu, que l'on améliore parfois un peu la forme lors du passage au français, langue bien plus exigente que l'espagnol dans ses tournures. Dans ce cas précis, j'ai bien peur de devoir penser que la traduction a surtout abîmé l'original. Quel dommage.
D'ailleurs, les écrits de Hernan Huarache Mamani me titilleraient bien le germe de la traduction...

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