samedi 9 juin 2012

D'un étang à l'autre

D'un étang à l'autre, d'un paysage à l'autre...
L'odeur de la vase qui rappelle tant de souvenirs, et au terme de ce tour, la sensation, par les odeurs, par les images, par les choses qu'on reconnaît sur le chemin, de savoir d'où on vient...
Des saules pleureurs à la forêt dense, du sentier qui suit l'étang au plateau, véritable désert de sable et de vent. Puis le pré, les pêcheurs installés non loin de leur tente, prêts à braver les intempéries et les moqueries des canards. Plus loin, c'est le bal des cygnes et de leurs petits et le retour à la civilisation.
C'est étonnant, la métamorphose des gens dans la nature. Un simple bonjour, un retour au primitif, un rapprochement de leurs congénères humains. Au retour à la ville, dès que le bruit des voitures n'est plus étouffé par le silence, dès que la forêt s'écarte, dès que le béton revient pervertir le rivage, les visages se ferment et s'ignorent. Il doit exister un signal inconscient, une barrière, un interdit non dit qui fait que ça ne se fait pas, qu'on veut bien être avenant dans la nature, ne pas avoir peur de ses chaussures terreuses ni honte de son odeur de sueur, mais qu'à la "ville" ces choses-là sont impensables. S'agit-il d'un statut, d'une apparence qu'on se donne, d'un moule duquel on se refuse à laisser déborder le naturel? Il est décidément des carcans qui me dépassent, des déguisements ridicules de bienséance qui me font même pitié. Pauvres ignorants qui ne savez pas que la nature vous a déjà colonisés, que vous avez beau l'ignorer une fois que vous êtes de retour dans votre quotidien, elle a fait son nid en vous. Mais il est parfois plus aisé de regarder l'horizon que de jeter un coup d'oeil à l'intérieur de soi...
"Bonjour!", comme une décharge électrique, un sourire comme un éclair d'orage ou une insulte à la morosité. De mes semelles sortent les racines, percent le synthétique pour se planter dans la terre à chaque pas. Mes mains, au passage, se perdent et cherchent la caresse des feuilles comme on tend les bras vers l'eau, vers un enfant. Je laisse les images envahir mes yeux jusqu'à ce qu'ils semblent changer de couleur à chaque regard et adopter, caméléons, le gris des nuages, les vaguelettes de l'égang, le rose vif de fleurs inconnues. Mais j'y suis! C'est peut-être ça! Ce regard multicolore, ces mains qui finissent par ressembler à des branches, cette odeur de verdure autour de moi comme un halo: est-ce que tout cela se voit vraiment de l'extérieur? Et si les gens, ce matin, à la place d'une femme, avaient croisé, ignoré, salué ou juste souri à un arbre en mouvement?











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