mardi 6 décembre 2011

Révélations sur l'affaire Bétancourt

Jacques Thomet, Les secrets de l'opération Bétancourt, 2008.
Décidément, les événements actuels en Colombie sont passionnants. J'avais déjà lu avec beaucoup d'intérêt le témoignage de Clara Rojas, ex otage des FARC. Je viens à l'instant de terminer la lecture d'un excellent document dont les révélations ont de quoi ébranler pas mal de certitudes. Mais attention, le livre de Jacques Thomet n'est pas du tout l'un de ces essais à scandales qui paraissent chaque année, ramassis de soit disant scoops, mais sans aucune source. Au contraire, ce travail là est une réalisation de longue haleine, extrêmement documentée et dans laquelle l'investissement de l'auteur se démontre à chaque page. Et il est vrai que la France n'en sort pas grandie. Petit retour en arrière. Libération d'Ingrid Bétancourt et d'autres otages des FARC (en tout 15). Remerciements au président Sarkozy, à Hugo Chavez, etc... Sauf que les deux présidents en question n'étaient pas au courant de la fameuse opération "Jaque", "mise en échec". Cette opération, dissimulée jusqu'à la dernière seconde, a en réalité été menée du début à la fin par l'armée colombienne et en particulier par 9 volontaires, lesquels ont suivi un entrainement intensif (comédie, langues étrangères, arts martiaux...) afin de se faire passer pour une mission humanitaire. Sans aucune arme sur eux. Derrière cette organisation méticuleuse, une infiltration réussie des FARC par l'adresse des services secrets colombiens (encore une fois, on a beaucoup parlé du rôle de la CIA, il n'en est apparemment rien) qui sont parvenus à court-circuiter des mails et des messages de César, celui qui a alors la charge des otages, vers le nouveau chef Alonso Cano (mort il y a peu. C'est lui qui avait remplacé Raul Reyes, également tué par l'armée colombienne). L'opération Jaque est donc menée de main de maître et, sans une goutte de sang, parvient à libérer 15 otages, dont Ingrid et les 3 américains. Mais quel a donc été le rôle de la France dans cette libération, dans les négociations? C'est sans doute le point le plus intéressant du livre, outre les relations étroites entre Chavez, Correa, la Suisse et les FARC. Depuis le début de la prise d'otage d'Ingrid, sa famille s'oppose à toute intervention militaire. Chirac puis Sarkozy les suit. Commence alors une longue période au cours de laquelle le gouvernement français va se croire souverain en Colombie et tenter d'ouvrir des négociations directes avec les FARC, sans passer par le gouvernement colombien. De malentenus en fiascos, la France enchaine les bourdes: sommes d'argent colossales destinées à la guérilla et versées par erreur à un bandit de grand chemin s'étant fait passer pour un intermédiaire des FARC; mission "humanitaire" stationnée au Brésil, menée par Dominique de Villepin, qui était partie sans même en aviser le président français; autre mission à la frontière colombienne, au cours de laquelle les hauts responsables français, dont Bernard Kouchner, ne seront pas sortis de leur hôtel, dans l'incapacité totale d'enter en contact avec la guérilla. Toutes ces grossières erreurs, appuyées par les enfants d'Ingrid, son ex mari et sa mère, crachant sans cesse leur venin sur le gouvernement colombien, comme s'il était responsable de la prise d'otage, retardent les libérations. Mais il y a autre chose encore. A un autre niveau, éthique celui-là. Il y a Sarkozy qui donne du monsieur à Manuel Marulanda, accusé de crimes contre l'humanité (dans le dernier message adressé à Marulanda et diffusé sur toutes les télés du monde entier, Sarkozy fera en plus l'erreur de s'adresser à un mort, le chef terroriste ayant succombé à un cancer). Il y a aussi la proposition "d'échange humanitaire", c'est-à-dire Ingrid (puisqu'à partir de ce moment là, le gouvernement français ne parlera plus des autres otages, semble-t-il moins importants à ses yeux) contre des prisionniers FARC. Sarkozy se déclare même prêt à accueillir sur le territoire français, avec le statut de réfugiés politiques, des terroristes sous le coup de dizaines de procès pour meurtres et crimes contre l'humanité, ceux-là même dont il a été avéré qu'ils séquestraient et assassinaient aussi des bébés. Trois ans après la libération d'Ingrid par l'armée colombienne, la France n'a toujours pas amendé son double discours qui d'un côté condamne les terroristes, mais de l'autre héberge bel et bien des rebelles FARC sur son territoire, leur fournissant argent et logement, sans s'inquiéter du passé peu reluisant de guerilleros plus proche de la sauvagerie que du romantisme. Certes, le gouvernement Uribe a des liens avec les paramilitaires, eux-aussi sanguinaires trafiquants de cocaïne, ainsi qu'avec l'Opus Dei, appui d'autres coups d'état, notamment celui contre Chavez en 2002 à Caracas. Certes, le bonhomme n'est pas tout blanc. Mais je refuse de jouer à ce fameux jeu du "lequel est plus cruel que l'autres". Il me semble juste qu'en sachant ce que l'on sait sur les FARC, il semble impossible aujourd'hui de fermer les yeux sur leurs exactions sous prétexte qu'ils représentent une forme de pseudo héroïsme pour tout un ensemble de gens dits "de gauche", quant à eux bien à l'abri dans leurs pays riches et épargnés par ces absurdes séquestrations. Aucun idéal n'est suffisamment juste pour être soutenu s'il emploie la violence. Le Che est mort en 1967.
http://www.jacquesthomet.com/

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