jeudi 15 décembre 2011

Puisque c'est une danse

Tu perds le fil, tu t’habitues et te complais dans la souffrance. Tu te décoches des poignards dans les flancs. Sabotage. Ouvre les yeux sur le monde autour de toi. Fauve blessé. Cesse de te recroqueviller. Ouvre les yeux.  Accepte l’amour qu’on te donne. Retire ta carapace d’acier, ta cuirasse de malheur et laisse toi cajoler, envelopper dans la chaleur des anciens, des amis, des amours, même des courts. Sourie à leur bienveillance. Détends-toi. Fais leur confiance. Lâche prise, lâche du lest, pose tes valises, bien trop lourdes. Cheval mort. Est-ce que ce sont les tiennes ? Assieds-toi. Prends un thé. Thé fumé. Mets-toi à l’aise. Réconfort. Pleure, ça soulage. Inonde-toi de larmes si ça te fait plaisir. Amazonas. Eau salée. Lâche toi, danse, chante, transforme la colère en création. Déploie tes ailes. Cherche la beauté autour de toi. Crie si ça te fait trop mal, si ça te dévore, si ça te grince à l’intérieur. Crie pour gratter ce vernis trop terne. Brille au soleil, éclate, éclabousse. Crache, étale sur le papier, jette toi corps et âme avec les mots. Balance, envoie, vas-y envoie. Envoie tout valser, puisqu’on te dit que c’est une danse. Danse avec la mort. Tangue, tango, tant que tu peux. Tant qu’y a de l’accordéon y’a encore de l’espoir. Mambo, maloya, milonga. Mambo, maloya, milonga. Sortie de secours. Evacue. Vide ton sac, sors tes poubelles. Change d’air. Vire les angoisses de chez toi, de ton refuge, mets-toi à l’abri. Emmerde le monde. Vis. Fais ce que tu veux. Rêve, sans jamais te bercer dans l’illusion. Rêve, parce que c’est encore gratuit, parce que c’est encore permis. Entreprends, crée, cuisine, épice, compose, tisse, répare, réécris le destin, invente la suite. Et aime. Aime puisque c’est là, en face de toi, partout où tu vas et souvent où tu ne vas pas. Aime autant que ce qu’on t’aime, renvoie la pareille, la monnaie de la pièce. On t’aime, aime ton chemin, ta maison, ton jardin, surtout secret, et les ombres qui le peuplent. Belles ombres. Aime la lune et les étoiles, celles du ciel, dans tes yeux, le reflet, dans ceux de l’autre, les mêmes. Aime plus fort, aime presque trop, parce qu’il est toujours trop tard. Aime comme on court, en coup de vent, en coup de foudre, en coup de grisou, de bisou, baisé volé, envole toi. Envole-moi. Encore. Baisé manqué, ne rate pas le suivant. Tu crois le tenir il s’échappe. Poussières de sable entre tes doigts. Aime le suivre, à la trace, celle qu’il trace sur ta route, immanquable, indéniable. Aime l’empreinte et aime le pied, le regard et le sourire et la brûlure qu’il laisse en toi. Fer rouge, laisse faire. Les dés sont jetés, le sort, sur tes mains, les lignes, de travers, de traverse, qu’importe. Il est là. Perds le fil. Efface tout et puis recommence. Ferme les yeux. Comme tu voudras. Illusionne-toi. Après tout, pourquoi pas.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ouhaou ça décoiffe !
pcr

metreya a dit…

c'est certainement le plus beau texte que tu es écrit jusque là.

Laure Hetzel a dit…

Une superbe danse, une valse à laquelle on aimerait toutes qu'un prince, un jour, nous invite...

brunolug a dit…

Emi,ou la culture des automatisme de la sensibilité.
Certains appellent ça le talent. Mais je n'aime pas bien ce terme qui fait perdre à l'individu son droit au travail de soi, et lui enlève ses fruits.