jeudi 15 décembre 2011

Causes perdues et musiques tropicales

Je pars. Au Brésil, dans le Sertão, dans le Nordeste ou à Rio. A Puerto Rico ou Miami, la salsa. Au Cap Vert de Cesaria Evora, dans l'Angola de Bonga, sur les traces des marins, de l'histoire, des légendes. Là où les hommes racontent les esclaves, les voyages, la sécheresse ou les tempêtes, les couteaux qui luisent au soleil et les femmes, mains usées et coeurs à prendre. Ou l'inverse. Celles qui attendent et celles qui rêvent, derrière les barreaux ou dans les songes des hommes. Betty. Je suis le sillage du baroudeur, pars avec lui de port en port, de conte en conte, d'amour en désespoir. Et je danse. Je danse le séga, la bossa, la samba, le mambo, l'accordéon et le cuir des tambours. Je danse avec la mort et fait trembler la terre sous mes pieds. La vie en suspens entre deux tourbillons. Le début du voyage c'était dans la selva, le pas feutré des tigres et les cavaliers des sables, Solidão, soleil de fer. Lumière saturée, gros plan sur les travailleurs, mains d'or et regards d'acier. Ensuite, ce furent les cuivres, Ray Baretto, la salsa. En français, ça avait de la gueule, qui l'aurait cru. Parce qu'au delà de la langue le rythme était ancré et la musique enracinée, impregnée dans cette voix grave, dure et subtile à la fois. Cette voix de conteur dont les mots savent si bien s'accorder avec les notes sans jamais les trahir. Respect des racines, jeu des métissages. Miroir. Au détour d'une chanson j'ai cru entendre aussi les envolées de beauté crue lancées sur les pages comme des poignards d'argent. Giraudeau, autre voyageur. Même prénom, même expérience du voyage, de la vie, des rencontres. Même regard attendri sur la cruelle beauté du monde, toujours en paradoxe, la pépite d'or dans la boue. Celle que personne ne voit mais que l'ironie de chercher du beau dans la misère humaine sait si bien détecter et sublimer. Ambassadeur des musiques d'ailleurs, chantre des hommes et des femmes, de la souffrance comme un étandard qui sourie au monde, pour nous réveiller, nous secouer, nous éblouir et nous interroger. Et nous faire danser le sang dans les veines. Lavilliers, maestro raconteurs de causes perdues sur musiques tropicales.
"Angola" (avec Bonga)
"L'exilé"

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