jeudi 10 novembre 2011

Deux alpinistes à la dérive

Ce n'est pas que le sujet ne me touche pas, bien au contraire. Simplement je me demande pourquoi est-ce que cette fois, plus qu'une autre, les médias ont-ils autant relayé l'information selon laquelle un guide et sa cliente étaient bloqués dans le massif du Mont Blanc depuis quelques jours. Je veux dire par là, des accidents, des disparitions en montagne, il y en a tous les ans, tous les hivers, tous les été aussi, et pas toujours sur des itinéraires compliqués. Parfois, les décès surviennent même sur des sentiers de moyenne randonnée que j'ai moi-même souvent empruntés, qui semblent au demeurant faciles. Il est peut-être bon de rappeler ce détail, quand la presse écrite et les radios ont suivi de très près cette redescente impossible des Grandes Jorasses par le guide de Saint Gervais et sa cliente. Car il est évident que certains on dû penser la chose suivante, très amplement diffusée: la haute montagne est un lieu dangereux. Faux! La montagne, haute ou moyenne, en général, peut être dangereuse. Il ne suffit pas de descendre de 2000 mètres pour se croire à l'abri de tout accident. Vient ensuite la question du mauvais temps. Récurrente. Mais comment prévoir? La météo des guides, météo France et autres sources de prévisions météorologiques ne seront jamais fiables à cent pour cent, car, on le sait bien, en montagne le temps peut changer du tout au tout en l'espace de quelques instants, et une course a priori quotidienne et classique comme l'était celle qui a marqué l'actualité peut alors se révéler un enfer. Même pour un guide expérimenté. Les sommets, et cela est rassurant, ne seront donc jamais un monde sous contrôle et resteront toujours, malgré l'avancée et le développement des technologies et des connaissances géographiques et sportives, un lieu où l'homme ne maîtrise pas l'élément naturel. Charlotte et Olivier, comme d'autres avant eux, sont sans doute morts d'hypothermie, d'un sommeil sans réveil. Il leur a été impossible de creuser un refuge dans la glace et de s'y abriter. Ce sont les secouristes italiens qui ont finalement redescendus leurs corps congelés vers Courmayeur. Fin d'une chronique humaine qui durant plusieurs jours a mobilisé l'attention des français et des italiens, de chaque côté de la chaîne alpine, ainsi que leurs presses respectives. Innombrables articles quotidiens, diaporama du sauvetage sur La Stampa, peut-être s'attendait-on à un dénouement miracle qui aurait représenté une onde d'optimisme dans notre monde en crise. Besoin de miracles, besoin de héros, des héros sauvés de "l'enfer du Mont Blanc", comme titrait un journal hier. Malheureusement pour Charlotte et Olivier, le dénouement fut tragique. Je veux peser mes mots alors que je tente de percevoir la douleur de ce drame dans les familles et à la compagnie des guides de Chamonix, pour dire simplement la dangerosité qu'aurait représenté cette surexposition médiatique en cas de fin heureuse: la banalisation de la montagne et de ses dangers, puisqu'on peut s'en sortir, puisque de toute façon on vient nous sauver, puisque nous sommes les rois sur cette planète et que rien ne nous empêchera de dominer la nature. Que chacun reste donc à sa place, la nature dans sa grandeur, l'homme dans sa fragilité. Que la rencontre des deux demeure une danse, sublime et tragique à la fois.
Le Mont Blanc vu de Servoz - Photo emi

3 commentaires:

enjoy a dit…

Tu peux te poser la question: pourquoi ont-ils parlé de DSK alors que ce n'était pas sa première frasque?
la bise.

Emi a dit…

Héhé! Bienvenue chez moi!

brunolug a dit…

"Ce qui n'a pas de sens a parfois une signification. C'est la seule justification d'un acte gratuit."
Maurice Herzog.
Annapurna premier 8OOO.