vendredi 14 octobre 2011

Christophe Colomb toujours vivant

Le journal Los Tiempos de Cochabamba du 13 octobre nous révèle l'existence d'un autre Colomb, Cristobal Colon de Carvajal, descendant du célèbre navigateur. Espagnol, amiral de la marine espagnol, il affiche avec fierté le titre d'Amiral des Indes hérité de son ancêtre. Jusque là, l'article du journal bolivien nous fait plutôt sourire, nous laissant même imaginer les quiproquos originés par un tel nom, notamment au moment de remplir des formulaires administratifs. "Mais oui, et moi je suis la reine d'Angleterre!", passons. Mais on se rend vite compte que le fait de nous parler de Christophe Colomb un 13 octobre, lendemain du 12, "dia de la raza" (déjà, ce mot fait peur) qui célèbre la "découverte" de l'Amérique, n'est absolument pas dû au hasard. En effet, rien de réellement foklorique dans ce personnage, depuis des siècles la perception de l'histoire et de l'Autre n'a pas du tout évolué. Tout d'abord, on sait maintenant que des blancs avaient débarqué et fait des petits en Amérique bien avant que Totof n'y mette ses guettres: Vikings cherchant à tisser des liens commerciaux ou encore embarcations venues d'Océanie. Et bien non, l'idée, largement diffusée et imposée en Espagne, selon laquelle c'est Christophe Colomb qui a découvert le nouveau continent n'a pas pris une ride. Selon cette manière d'interpréter l'histoire, avant les Espagnols, le néant, après eux, une révélation. La lignée de Colomb se perpétue donc toujours et depuis des siècles sous le signe du héros, signe qui se perpétue d'ailleurs jusqu'à nos jours, puisque le défunt père de notre actuel Christophe, celui évoqué par le journal bolivien, serait mort dans un attentat de l'ETA; mort pour la Patrie, en quelque sorte, je passe sur l'idéologie que l'on veut faire transparaître ici.
Ce qui n'a pas changé non plus chez les Colomb et par extension dans la mentalité espagnole, outre le sentiment d'être LA nation élue qui a été choisie pour "civiliser" le monde, c'est le sentiment de supériorité sur les peuples conquis et le mépris pour ceux-ci. Ici, le Colomb contemporain en rajoute une couche en manipulant l'humiliation avec ce qu'on pourrait quasiment prendre pour de l'ironie mal placée. Evidemment que les espagnols n'ont jamais disciminé les populations indigènes, la preuve, il nous dit sans vergogne qu'il "descend de Moctezuma". Oublie-t-il que la plupart des enfants métisses de l'époque de la colonisation étaient nés des viols des femmes indigènes par les blancs assoifés d'or et de chair fraiche? Oublie-t-il les conversions forcés et l'esclavage, le travail dans les mines jusqu'à la mort et les massacres? Son discours consiste en résumé à nous dire qu'évidemment les conquistadors n'étaient pas tous des anges, mais qu'il ne s'agissait que d'une poignée d'énervés. Ne généralisons pas, donc... Une poignée de blancs aurait-elle suffit à provoquer les 8 millions de morts dans les mines de Potosi? Bravo, bel effort civilisationnel. Et notre ami Christophe des temps pas si modernes que ça de nous sortir un argument imparable pour justifier ces événements selon lui à peine fâcheux: "les grands empires américains se maintenaient grâce à l'esclavage et des sacrifices humains d'une étonnante cruauté". Ou comment justifier la colonisation par la violence des autres. Cela ne vous rappelle rien? Les catholiques sauvant les pauvres indigènes de la sauvagerie polithéiste, les français civilisant l'Afrique, les Etats-Uniens menant des opérations guerrières contre les peuples martyrisés par la barbarie de l'islam... Même combat, même sale sentiment de supériorité et même bêtise de se comporter toujours de manière plus violente que ceux que l'on veut soit disant combattre.
Hier, en parlant de ces histoires de Colomb et de colons en classe, l'une de mes élèves d'origine africaine me dit: "moi madame, je n'ai jamais compris pourquoi ces pays, comme la France par exemple, n'ont jamais demandé pardon pour tout le mal qu'ils avaient fait". C'est en effet d'un côté une blessure jamais refermée, parfois une plaie béante (Christophe Colomb dans Los Tiempos s'interroge béatement sur le fait qu'en Bolivie on ne vénère pas son ancêtre. C'est pourtant clair comme de l'eau de roche) alors que de l'autre côté de l'Atlantique l'idée court toujours que l'on devrait au contraire remercier les espagnols pour leur action de libération des peuples indigènes de la sauvagerie de leurs empires autoritaires et sanglants. Affirmer que les grands empires ne représentaient pas le paradis que l'on a bien voulu décrire n'est pas totalement faux. On sait bien que les peuples soumis par les Incas ne l'avaient pas été avec des fleurs et qu'ils en gardaient une grande rancoeur. Mais qu'importe? Ces Etats n'étaient-ils pas souverains? On parlerait aujourd'hui de droit d'ingérence. A l'époque, c'était bel et bien une invasion. Personne ne semble encore en prendre la mesure et c'est bien triste.

2 commentaires:

aldeaselva a dit…

Passer à la postérité, c'est prendre la responsabilité de porter le nom des erreurs que l'on commet.
Les héritiers sont souvent pitoyables à essayer de s'en justifier pour percevoir les miettes d'escudos résiduelles.

patricio a dit…

hola
pour moi colon na que des couverts en argent poli par des centaines d'annees de sacrifices indien