mercredi 13 juillet 2011

Je suis en cavale

Patricia Melo, Monde perdu, 2006.

Monde perdu, où comment se prendre d'affection et s'identifier à un assassin en cavale. Maiquel, comme le chanteur, a un passé sombre. On le rencontre pour la première fois au début du roman, à l'enterrement de sa tante dont il est le seul héritier. Il est en cavale, a tué une ribambelle de gens, n'a plus aucun espoir dans la vie, rien à foutre, dit des gros mots et aime les femmes, le décor est planté. La seule faille dans le comportement sans état d'âme de Maiquel, c'est sa fille. Tout est un peu obscur au début, mais on apprend peu à peu, par bribes, que Samanta, la fille du personnage, a été enlevée par Erica, sa petite amie, après la mort de la mère de la petite, assassinée par Maiquel lui même. Sordide. Depuis, Erica est partie avec un pasteur évangélique dans une espèce de secte où leur rôle consiste plus à plumer les fidèles qu'à diffuser la parole de Jésus. Bref. A la mort de sa tante, Maiquel touche le gros lot et décide d'engager un détective pour retrouver Erica et la petite Samanta. Sauf que notre anti héros est en cavale, rappelons le, et que les choses sont donc beaucoup plus compliquées. Surtout quand Erica se rend compte qu'elle est poursuivie par son ex, qu'elle sait prêt à tout pour récupérer sa fille et qu'elle prend la fuite. S'ensuit un road movie à travers le Brésil, entre quartiers mal famés, bordels, bars louches, grands supermarchés, marchés au poisson, camps de sans terre... C'est la portrait d'une certaine facette du pays qui se dessine et se précise en même temps que celui du protagoniste. Maiquel va de ville en ville, d'hôtel en hôtel, de femme en femme, passe même la frontière bolivienne en train jusqu'à Santa Cruz. Il est obsédé par Erica, en rêve la nuit, délire le jour, ne pense plus, ne vit plus que pour ça, pour la retrouver et se venger, d'elle et de son foutu pasteur qui lui ont volé sa fille. En chemin, pas de pitié, toujours rien à foutre, il tue quand même encore deux ou trois mecs, l'habitude. Alors, me dites vous, comment s'identifier à cet assassin, vengeur, aux mains pleines de sang, obsédé par les femmes? Son atout, c'est son chien! Ce cabot sale et boiteux a failli finir écrasé sous ses roues, Maiquel l'a conduit à l'hôpital, s'est pris d'affection pour lui, voilà tout. Et lorsqu'il s'occupe de son chien, c'est un autre homme, attentionné, délicat, plein d'affection. C'est cette attitude avec son animal qui le rattache à l'humanité et le rachète aux yeux du lecteur. Le récit est sanglant, certes, mais j'avoue avoir, grâce à l'écriture, au style de l'auteur, réussi à placer ces crimes au même rang que d'autres événements du récit. Sans doute parce que, dès le début, on est pris par ce style bref, presque télégraphique, cru, parfois obscène, mêlant la narration, le discours et le monologue intérieur sans aucune frontière, comme un tourbillon, pour dire tout très vite, parce qu'on est en cavale; économie de mots, juste la réalité, pas de poésie, l'essentiel. L'auteur joue franc jeu et on en redemande. Et même si ça finit mal, on repartirait bien sur les routes avec Maiquel, tellement proche de nous dans cette cavale pour échapper à ses démons.

Aucun commentaire: