jeudi 9 juin 2011

Quand les habits parlent de politique

Parfois, plus c'est court, plus c'est bon. Super docu de Arte ce midi, 26 minutes pour décrypter les "habits du monde", aujourd'hui en Bolivie. On se retrouve sur le Prado de La Paz à détailler les fringues des passants et à les analyser. Ca va du fontionnaire au bureaucrate, en passant par la Cholita, catcheuse ou pas, dents en or c'est clair, et ça continue avec les minis jupes, les rappeurs, et finalement les ponchos rojos, qu'on présente comme la terrible milice de Evo Morales. Faute de voir des guerriers armés jusqu'aux dents (en or ou pas) qui nous démontreraient la violence des aymaras (jusque là on a toujours plutôt vu celle des blancs, passons), on insiste, et c'est tout à l'honneur du réalisateur, qui maitrise parfaitement son sujet, sur le symbole. Moqués, brimés, discriminés, les indigènes se sentent aujourd'hui valorisés et reconnus, depuis qu'une cholita est ministre de la justice, depuis que Evo Morales, lors de la cérémonie d'investiture à la présidence de la république bolivienne, a revêtu le costume traditionnel des jilakatas, des sages, des autorités traditionnelles. C'est une revanche sur le sort, une affirmation d'identité, ça change la donne, c'est sûr.
A l'opposé, on se rend à Santa Cruz, la capitale orientale. Ici, pas d'indigènes en vue, pas de ponchos rojos, que des blancs becs, au mieux des métis, au pire des enragés du Comité Civico, des indépendantistes qui pensent, du haut de leurs origines espagnoles, croates, européennes en tout cas, qu'ils sont les victimes des méchants indiens (de merde, disent ils parfois quand ça leur échappe) qui ne veulent pas reconnaître leur présence dans le pays. Inversion des rôles, classique. Leur couleur à eux, ce n'est pas le rouge, mais le vert. Et le blanc. Le vert, pour la végétation, admettons. Quant au blanc, on nous insiste lourdement sur la notion de "pureté". Une fois, deux fois, et là ça commence à faire peur. On est carrément effrayé quand la caméra pénètre dans les locaux du Comité Civico: petit salut, allez, tout juste un peu nazi, entre les membres, croix sur les drapeaux, Dieu avec nous (les autres? des sauvages! des païens!), et encore la pureté. Ca vous rappelle quelque chose? C'est normal, vous êtes européen et vous avez quelques vagues rudiments d'histoire de la seconde guerre mondiale et des nationalismes fascistes des années 20-30. En même temps, ce sont les origines qui ressortent: les grands dirigeants du mouvement indépendantiste cruceño ont aussi d'illustres ancêtres européens au passé pas très glorieux, années 40, je ne vous fais pas de dessin. Chassez le naturel...
Bref, retour dans un milieu civilisé (mais qui sont donc les sauvages, au juste?). Nous voilà sur le podium d'un défilé de mode où se sont alliés la styliste Ingrid Hölsters et le célèbre peintre Mamani Mamani pour présenter un événement autour du stylisme sous le titre "Défilé Intégration et Solidarité". Ensemble, ils sont convaincus que l'art, et ici plus précisément la mode, peuvent réunir et mélanger les traditions de la Bolivie. Objectif: faire taire les extrémismes. Mais les néo nazi orientaux s'intéressent-ils à l'art?


Ils devraient. Et surtout ouvrir les yeux, prendre un avion, un bus et aller à La Paz, qui n'est pas le repaire d'indiens assoifés de sang qu'ils décrivent. La Paz, ça bouge, ça se diversifie. Les cireurs de chaussures cagoulés arrivent parfois à devenir avocats, les touristes gringas adorent s'habiller en cholita et danser lors des fêtes folkloriques. Comme dit un célèbre auteur compositeur bolivien dans le reportage:


"A La Paz, on a les pieds sur terre et les antennes branchées sur le monde".

http://youtu.be/JNKgOpms97A


Gracias Papirri!

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