samedi 18 juin 2011

La mémoire des papilles

Un morceau de banane bien mure et mon esprit divague... Je suis au marché couvert de Jayhuayco, dans la zone sud de Cochabamba; trois générations réunies ce matin, tôt, et une petite main qui s'empare d'une banane bien mure et la dévore.


J'ai toujours pensé que la cuisine pouvait faire voyager, dans le temps, dans la géographie, dans les souvenirs et au plus profond. J'ai toujours cru qu'un plat savamment assaisonné pouvait réussir à atteindre et à toucher l'être des convives, leurs tripes, au sens propre comme au figuré.


Il y a tout juste 1 an, tiens, comme c'est drôle, en pleine période de nostalgie post traumatique, j'avais, pour me rendre la vie moins amère, dressé une liste gastronomique de mes souvenirs boliviens. Voici à quoi elle ressemblait.
-Jayhuaycu, 6 heures du matin, l'odeur du tokhori dans la tasse;
-Challapata, le bus de nuit, maté de coca y manzanilla;
-22h, Cochabamba, pan con queso, un dernier creux;
-Cochabamba, le matin, Wist'u Picu, empanadas blancas brûlantes et moqonchinchi;
-Quillacollo, avant Urkupiña, salteñas, ça dégouline;
-Quillacollo, jour de marché, 10h, fricassé, faut l'avaler...;
-Cochabamba, 21h30, samedi soir, resto karaoké, piquemacho entourée d'amis;
-la cancha, Cochabamba, choricito en famille;
-retour de K'ara K'ara, encore de la poussière dans les dents, silp'ancho;
-cuisine de Jayhuayco, un grand sac de fèves fraiches, les mêmes qui nageront dans la soupe, divine;
-Urkupiña, après les rituels andins, pendant la messe, autre forme de communion, le chicharron avec du mote, énorme!;
-Oruro, tard, hiver, nuit, froid, une Huari, ça réchauffe...
Etc, etc,...


Je pourrais vous en livrer des centaines comme ceux là. Parce qu'à chaque odeur, à chaque plat, à chaque fruit correspond un moment, un souvenir. Je m'en suis rendu compte il y a peu quand un ami m'a envoyé des plants de quirquiña, une plante aromatique de Bolivie. J'ai ouvert l'enveloppe et c'est la Bolivie, c'est Cochabamba, c'est la sopa de habas et le saice qui se sont échappés et se sont répandus dans mon salon; c'est le Cristo de la Concordia, les chats qui courent dans la maison, la radio Panamericana à fond qui grésille dans la cuisine qui me sont revenus; c'est un passé, toute une histoire, un bout de vie qui ont frappé à ma porte. Et d'un coup, par les remous de la rivière, les racines que j'ai semées dans une cour de Jayhuaycu, parce qu'un soir la q'oa était entrée en moi pour m'ancrer dans la terre du bout du monde sont allées se replanter dans la terre de mon enfance. Deux terres, deux histoires, faites d'amour, de déchirements et de liens qui se tordent mais jamais ne se rompent.


Gracias Patricio!

2 commentaires:

Gilles a dit…

Por favor Emi
arrête de nous faire saliver comme ça , c'est une torture !!! tu n'as pas le droit de nous faire lire des choses comme ça c'est trop dur
(humour bien sûr)
Non c'est bien Emi, continue de nous faire souffrir en nous mettant constamment sous le nez tout ce qui nous manque ici
Bises

patricio a dit…

hola
de rien emi en lisant ton post je me suis souvenu que j'avais ramené un livre de cuisine de bolivie
""cocina tradicional boliviana
de amilar.develasco aux editions los amigos del libro javais completement oublié ce livre
merci