mercredi 15 septembre 2010

D'actualité, d'humanité

"Elle a débarqué dans la classe un vrai courant d'air
Drôle de dégaine et drôle de race un matin d'hiver
Au beau milieu de la dictée, sous le ciel et la voie lactée
Elle s'est assise tout près de moi derrière le petit bureau de bois

La maîtresse a dit elle s'appelle Maria Suzanna
Elle sera là jusqu'à Noël puis elle s'en ira
Alors ça pouvait arriver au beau milieu de la dictée
Une môme fagotée comme l'orage, fille du vent et du voyage

Oh, Maria Suzanna où es-tu, dans quelle nuit t'es-tu perdue
Reste-t-il pour croquer ta vie manouche quelques dents dans ta bouche
Oh, de Varsovie à Saragosse roulottes-tu toujours ta bosse
Si belle encore mais comme tes semblables
Toujours indésirable

J'ai attendu à la sortie pour accompagner
Cette môme qui m'avait pas souri même pas parlé
Elle a mis sa main dans la mienne, j'ai suivi la petite bohémienne
Le long d'un boulevard tout gris aux pauvres arbres rabougris

Trois caravanes dans la neige autour d'un grand feu
Comme un immobile manège et des hommes entre eux
Qui parlent une langue inconnue, étonnés que je sois venue
Dans la gadoue chercher du miel au pays des romanichels

Ses petits frères l'attendaient devant la roulotte
Et tous ensemble ils sont entrés en fermant la porte
Elle m'a fait adieu de la main et j'ai rebroussé mon chemin
Jusqu'à ma maison de ciment, elle devait s'inquiéter ma maman

En me retournant j'ai vu encore derrière le tableau
Ses yeux noirs qui riaient si fort qui tenaient si chaud
A l'école on n'a pas revu l'enfant né en terre inconnue
L'orage n'a plus éclaté au beau milieu de la dictée

Oh, Maria Suzanna où es-tu, est-ce de t'avoir aperçue
A belles dents croquer ta vie manouche, que j'ai eu dans la bouche
Ah, ce désir si fort de partir, de chanter pour ne pas trahir
L'enfant qui va sa vie coûte que coûte
Sur l'infini des routes..."

"Maria Suzanna", Michèle Bernard

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