jeudi 10 septembre 2009

Souvenirs d'enfance

W.H. Hudson, Au loin, jadis... Mon enfance en Argentine, 1933.
Nous sommes à la fin du 19ème siècle, en Argentine, au milieu de la pampa et de ses étendues sauvages ponctuées de propriétés et peuplées de gauchos hauts en couleurs. Hudson revient en arrière au temps de son enfance, une enfance reliée à la nature, intégrée à elle, indissociable des oiseaux, des plantes, des animaux, de la plaine. Une enfance passée à chevaucher son poney du lever au coucher du soleil, à observer le moindre signe, la moindre manifestation de la vie animale et végétale. Une véritable fascination, une communion totale avec son environnement pour cet enfant peu adepte de la lecture mais déjà si savant quant aux noms et aux habitudes des oiseaux. Les descriptions sont si documentées, si précises, que cet ouvrage se transforme en véritable guide naturaliste de la pampa argentine de l'époque. Lorsque l'auteur se lance dans le récit d'une partie de chasse ou évoque avec une foule de détails la saison des chardons géants qui en temps de sécheresse entourent la propriété de ses parents, le lecteur ne peut que se figurer parfaitement la physionomie du paysage. Ce qui est surtout frappant dans ce livre, c'est la précision avec laquelle Hudson se remémore certains épisodes de son enfance, des sensations, des émotions vécues il y a tant d'années mais qui semblent si présentes dans sa mémoire d'adulte. C'est que, comme il le dit lui même, cette connection avec la nature ne l'a jamais vraiment quitté:
"La félicité que j'ai ressentie de ma communion avec la Nature ne s'est pas dissipée pour ne me laisser que le souvenir d'un bonheur évanoui, rendant plus intense le malheur présent. Ma félicité ne s'est jamais perdue et, elle eut sur mon esprit un effet d'accroissement, elle redevint mienne, de sorte que dans les plus mauvais moments, lorsqu'il me fallait faire de longs séjours à Londres, éloigné de la nature, malade, pauvre et sans amis, je sentis malgré tout et toujours qu'il valait mieux, infiniment, être que ne pas être."
Une oeuvre à mettre entre toutes les mains mais en particuliers dans celles de gens qui comme moi ont passé une enfance près de la nature, ont appris à reconnaitre les chants des oiseaux, et qui gardent en eux cette connaissance comme une richesse, quand perdus au milieu de grandes villes pollués le vol d'un rouge queue sur le trottoir goudronné les fait soudain sourir et frissonner de nostalgie.
"Je veux encore monter à cheval en plein midi, aux jours les plus brûlants, quand toute la terre n'est qu'un scintillement de mirage d'eau; voir le bétail et les chevaux, par milliers, se presser aux sources d'abreuvage; visiter le repaire des grands oiseaux à l'heure silencieuse et chaude, et contempler les cigognes, ibis, hérons gris, aigrelettes d'une blancheur éblouissante, spatules et flamants roses, debout dans l'eau peu profonde qui reflète leur forme immobile; je veux me coucher sur le dos, dans l'herbe d'un brun rouillé, en janvier, et lever les yeux vers le large ciel chaud, bleu presque blanc, peuplé de millions et de myriades d'étincelantes balles de duvet de chardon qui flottent sans trève, les suivre du regard, inlassablement, jusqu'à ce qu'elles me deviennent des choses vivantes et qu'en extase je m'envole avec elles dans l'immense vide resplandissant!..."

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