Je sais, vous avez l'impression que je passe en ce moment ma vie sur le blog... vous n'avez pas tort sur toute la ligne. C'est la fin des vacances, il fait beau mais sortir dans Paris, manque la nature, et en plus on est dimanche et j'aime pas les dimanches, surtout quand c'est la veille de la rentrée! Bon, suffit de râler, je ne fais pas que ça, je lis aussi, je comble les cratères de ma culture. Fausse modestie? Si je vous dis que je n'avais pas encore lu Premier de Cordée de Frison Roche, vous souscrivez au terme de cratère, non?! Bon je n'ai pas encore terminé le roman, je le savoure page après page parce qu'il m'emmène dans mes chères montagnes. Je n'en suis pas encore par conséquent à vous donner mon avis, seulement à vous faire partager ces passages passionnants concernant les combats de vaches dans les alpages au printemps -c'est en plus de saison!-. On s'y croirait!
"Que ceux qui ne connaissent des vaches que les lourdes bêtes idiotes et ruminantes des plaines, aux mamelles rasant terre, n'aillent pas se faire la même idée des vaches de montagne. Dans tous ces alpages qui vont du Mont Blanc jusqu'au Mont Leone, tout près du Simplon, est élevée une race spéciale, issue du terroir et qui dans les temps anciens devait sans doute vivre à l'état sauvage au pied des glaciers. Une race solide, à la robe noire tranchée de feu sur les reins et sous le ventre, aux puissantes cornes bien ouvertes comme celles des taureaux de combat; elles en ont d'ailleurs l'allure avec leur encolure courte, leur garrot musclé, leurs jambes fines et nerveuses comme celles des coursiers de race et leurs sabots petits et ramassés, faits pour courir dans les éboulis, sur les gazons raides et sur les corniches vertigineuses de la montagne.
Chaque été, lorsque des quatre coins de la vallée les bêtes se rassemblent à l'alpage, leur première rencontre est marquée par des combats épiques, des combats au "finish", où les vaches se choisissent entre elles une reine. Et l'élue conduira désormais le troupeau au pâturage, combattra les nouvelles venues des troupeaux voisins, rassemblera ses compagnes pour les mener à l'abreuvoir, le long du torrent qui cascade joyeusement au milieu des ardoisières; c'est elle également qui, l'automne venu, et les premières neiges tombées, prendra la tête du long cortège qui reviendra en carillonnant dans les vallées.
De ces moeurs bien spéciales est née, dans le canton du Valais, une passion extraordinaire qui oppose les propriétaires en des paris homériques et leur fait dépenser des fortes sommes pour le seul orgueil de posséder dans leur écurie la reine à cornes de l'alpage. Cette passion s'est infiltrée dans la vallée de Chamonix, et les combats de vaches de chaque début d'été attirent la foule des amateurs sur la montagne."
"On approchait de la fin et Boucle [la reine de l'année précédente] paraissait ne pas vouloir, cette année encore, se laisser ravir son titre de reine. On pouvait la voir aller fermement d'une combattante à l'autre, provocante et hargneuse, et chaque fois c'était la même tactique: l'autre prenait son élan, la Boucle attendait le choc, bien ramassée sur ses quatre pattes, et laissant l'adversaire s'épuiser et se blesser à chaque charge nouvelle sur les dangereuses cornes. Elle semblait enracinée dans l'argile et attendait son heure; puis, d'un seul coup de tête, elle prenait l'autre à revers et lui tordait le cou jusqu'au sol. Alors, tandis que la vaincue fuyait et se perdait dans le troupeau, la Boucle restait immobile, tête basse, cornes horizontales, et son large poitrail se gonflait et se dégonflait au rythme précipité de sa respiration. Puis elle grattait sauvagement la terre de ses sabots de devant, petits et droits; les mottes d'herbes volaient à distance, et dans sa rage destructrice, comme un buffle sauvage dans la brousse, elle s'agenouillait, creusait le sol avec ses cornes, se recouvrait de boue, mêlait son sang à la glaise."
(Photo:emi)
Belle description d'un combat à suspense dont je ne vous livre ici qu'un extrait mais qui nous plonge dans cette ambiance particulière des alpages au printemps... (soupir nostalgique)...
3 commentaires:
Privé de montagne cette année, ca me fait vraiment du bien de lire ça! Merci.
Ah Nostalgie, quand tu nous tiens... Je suis allée flâner à Loches, me voici requinquée, mais pour combien de jours la prescription tient-elle?
J'ai lu et beaucoup aimé Premier de Cordée il y a quelques années (un des rares livres que j'aie emprunté au CDI en tant qu'élève... Comme quoi!), vivement qu'on se donne nos impressions! Bises parfumées aux humeurs vaporeuses du souvenir...
magnifique photo
j' adore
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