Arte vient de diffuser un bon, très bon reportage -c'est en série, comme toujours!- sur le Pélerinage de Qoyllur R'iti, près de Cuzco au Pérou. Sur ce glacier andin les Incas tenaient de grandes cérémonies. Aujourd'hui c'est un lieu de pélerinage catholique mais où se mêlent religion et croyances ancestrales. En regardant ce magnifique document où une foule d'hommes et de femmes marchent durant des jours pour rendre hommage à leurs dieux dans une ferveur immense, j'ai noté de nombreuses similitudes avec le pélerinage de Urkupiña à Cochabamba en Bolivie (voir mon article du mois d'août 2007).
Tout d'abord, la vente de miniatures de toutes sortes: diplômes, terrains et maisons, dollars, voitures... que les pélerins achètent et font bénir -ou bien le plus souvent ils font la q'oa, cérémonie à la Pachamama- afin d'exaucer leurs voeux les plus chers. Pétards et fumées d'encens sont également au rendez-vous. (Photo:Emi)
Le plus étonnant est sans doute la superposition des croyances. En effet, comme je l'ai souligné, Qoyllur R'iti était un lieu sacré au temps des Incas. Cependant il y a 200 ans, d'après la légende, une apparition divine aurait eu lieu sur cette même montagne, laissant son image gravée dans la pierre. La même histoire est racontée, presque mot pour mot, à Urkupiña.
Cette similitude est très étonnante, tout comme le fait que ces apparitions catholiques aient toujours lieux à des endroits stratégiques des cultures précoloniales... Toujours est il que l'on assiste à un syncrétisme, un mélange ou une superposition -le concept peut être discuté- de cultures, de croyances, de rites. A Qoyllur R'iti, les pélerins se rendent à pied jusqu'au sanctuaire où a soit disant eu lieu l'apparition et où durant 3 jours sont célébrées des messes non stop.
Ensuite, la tendance s'inverse puisque passé ce cap on entre dans le royaume des apus, les divinités de la montagne, les gardiens ancestraux. D'ailleurs, les seuls autorisés à fouler la glace sont les Ukukus, des hommes déguisés en ours et censés être les intermédiaires entre les humains et les dieux. Ils passent la nuit dans la neige, pratiquant des cérémonies secrètes auxquelles personne d'extérieur à leur groupe n'a jamais assisté. Ici le Dieu catholique s'eclipse au profit des forces de la Nature.
Arte, en plus de montrer un peuple rempli de ferveur et de croyances très fortes, nous fait partager la performance physique de cette ascension qui s'apparente à une randonnée de l'extrême. Soulignons tout d'abord que la marche dure trois jours, et que nous nous situons à une altitude qui culmine à 4700 mètres, à peu près le Mont Blanc (remarquons que ceci est l'altitude du sanctuaire, le sommet de la montagne se situant 2000 mètres plus haut, à plus de 6000 mètres d'altitude). L'oxigène se fait donc rare -ce qui n'empêche pas les pélerins d'entamer la monter d'un pas franc et rapide, ni les musiciens de jouer durant tout le trajet- et le soleil brûle les peaux. La nuit, le froid est extrême et chaque année plusieurs personnes meurent d'hypothermie, notamment parmi ceux qui dorment sur le glacier, les Ukukus.
Une épreuve physique et spirituelle donc, en quête de Qoyllur R'iti, l'étoile des neiges en quechua, une montée que l'on ne fait sûrement pas par hasard et dont on revient certainement différent.
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